On dit partout que les jeunes étudiants en médecine ne veulent pas devenir médecins généralistes libéraux.
On dit partout que les jeunes étudiants en médecine ne veulent pas devenir médecins généralistes libéraux exerçant à la papa.
Mais qu'ils ont raison, ces jeunes.Je ne peux que les encourager.
Je ne peux que leur dire qu'ils doivent persister dans leur volonté de ne pas exercer ce métier médiocre qui est celui de médecin généraliste libéral sans exercices particuliers permettant des dépassements ad hoc.
Ils méritent mieux.Ils valent plus que cela.
Ils valent mieux que tous ces anciens généralistes, ces généralistes à la papa, ceux qui ont mis la médecine générale dans la merdre actuelle, ceux qui dirigent les syndicats, ceux qui s'occupent des URML, ceux qui siègent dans les commissions paritaires, ceux qui gèrent la Carmf, ceux qui acceptent le paiement à l'acte, ceux qui se contentent de 23 euro, ceux qui ont accepté le paiement à la performance, ceux qui ont accepté la fermeture du secteur 2, ceux qui ont contribué à l'enterrement de l'Option Médecin Référent...
Imaginez un peu la vie de ces anciens qui acceptaient tout, qui acceptaient les gardes de nuit, qui acceptaient des consultations sans rendez-vous, qui acceptaient des salles d'attente bondées, qui acceptaient sans barguigner de prescrire des antibiotiques dans les rhino-pharyngites, des antibiotiques dans les angines non streptococciques, des antibiotiques dans les bronchites aiguës, des antibiotiques dans les otites moyennes aiguës, qui faisaient des diagnostics de sinusite avec autant de fréquence que des diagnostics de pendulums, qui faisaient des diagnostics d'appendicite à la volée et qui, en plus, les envoyaient chez le chirurgien, qui prescrivaient des radios pour un oui ou pour un non sans se poser de questions, qui accordaient des arrêts de travail à la demande, qui adressaient des patients à des spécialistes en écrivant des mots sur un coin de table, qui vaccinaient à tours de bras, qui faisaient des visites à domicile de convenance, qui acceptaient les invitations des visiteuses médicales, qui se formaient dans des réunions sponsorisées par des laboratoires, qui lisaient le Quotidien du Médecin et pas seulement pour les locations de vacances, qui recevaient Impact Médecin en ne le jetant pas à la poubelle, qui travaillaient plus de sept heures par jour, qui faisaient de leur femme la secrétaire du cabinet, qui trônaient au Rotary en compagnie du pharmacien et du notaire, qui croyaient dur comme fer que le Halstedt n'était pas un geste dégradant, qui pensaient que la paracentèse était toujours justifiée, qui prescrivaient des phlébotoniques, des vasodilatateurs artériels, du déturgylone et / ou du lipanthyl, des vitamines B1 B6 B12, de la calcitonine dans les syndromes algodystrophies, des hormones oestroprogestatives aux femmes ménopausées, des séances de kinésithérapie respiratoire en cas de bronchiolite, sans compter de la ventoline sirop, du stediril aux jeunes femmes pour prévenir les kystes de l'ovaire, du magnésium aux femmes spasmophiles, de la cystine B6 pour enrayer les chutes de cheveux, des céphalosporines dans les syndromes viraux, qui conseillaient aux mamans de coucher leurs nourrissons sur le ventre, de donner des biberons à heure fixe, de prescrire du talc en cas de varicelle, de l'aspegic 100 en cas de fièvre, qui prescrivaient des sirops aux enfants de moins de deux ans, qui croyaient que les vincamines amélioraient les performances cérébrales, qui adressaient des femmes pour qu'on leur enlève leur utérus ou qui laissaient des obstétriciens envever des utérus comme des lipomes...
On comprend pourquoi les anciens sont tant haïs, on comprend pourquoi les jeunes ne veulent plus revivre ces situations horribles, ces gardes inutiles, ces réunions ennuyeuses, ces visites médicales dévoreuses de temps, ces prescriptions abracadabrantesques, ces hospitalisations injustifiées, ces gestes barbares. Et n'oublions pas non plus les exaspérantes tâches administratives qu'il faudrait voir confier, gratuitement, cela va de soi, à un comptable, un urssafologue, un MdPHologue ou un longuemaladiologue, sans compter la prise de la pression artérielle par une infirmière diplômée d'Etat ou l'explication de l'hemoccult dans les mêmes conditions...
Les jeunes ont raison de préférer l'existence plus exaltante des vrais spécialistes, des cardiologues interventionnistes, des rythmologues, des neurogériatres prescripteurs d'anti Alzheimer, des algologues prescripteurs de lyrica, des ophtalmologistes cataractectomisants, des chirurgiens bariatriques, des coelioscopistes de tout poil, des arthroscopistes de tout acabit, voire des capillaro-greffeurs, des prothéseurs de seins, des diabétologues glitazolinés, des addictologues les bras remplis de méthadone, de subutex, et bientôt de baclofène, des sidéologues CD4ophiles, des liposucceurs agréés, des sectoristes deux, des dépasseurs d'honoraires, des fibrocoloscopistes, des racleurs itératifs de prostate, des poseurs de plaques abdominales, des périduralistes, des yoyoteurs transtympaniques ou des myringoplasteurs émérites, des anti hypertensologues sartanophiles, des néphrologues inhibosartanobloqueurs, des ORL vastarologues et / ou bétaserquiens, des oncologues de première, deuxième ou troisième ligne, des pneumo nodulologues, des arthroscannerologues, ...
A moins qu'ils ne veuillent, nos jeunes internes, pour éviter le déshonneur des rhumes, des bouchons de cerumen, du P4P, de la rémunération à l'acte, des hernies inguinales ou des "boutons" non identifiés ou des plaques dans le même métal, être vraiment des salariés comptant les jours d'arrêt de travail à la CPAM, vérifiant que les recos de l'HAS ont été suivies, ou décidant d'une longue maladie ou d'une invalidité, des salariés recherchant l'albumine dans les urines, les conflits du travail ou refaisant le monde de l'ergonomie dans les entreprises, ou cochant des MP sur une liste, ou harcelant les harceleurs, des salariés vaccinant sous l'égide d'Infovac les enfants des prolétaires dans les PMI en leur collant des bécégéites non déclarés dans les CRPV, des salariés comptant les décès de la grippe dans les ARS ou enquêtant sur les maltraitances dans les EHPAD ou... des capillarogreffeurs devenus ministres du budget ou des découvreurs du traitement du sida devenant pharmacologues ou des pandemrixologues refusant le zolpidem mais acceptant la narcolepsie...
Je rêve d'un monde où des jeunes médecins auraient envie de devenir des généralistes après avoir lu, et éventuellement rejeté, cela vient dans le désordre, Michaël Balint, Ivan Illich, Sigmund Freud, ou David Sackett, après avoir compris comment lire un article de recherche, comment reconnaître un lien et un conflit d'intérêt, comment interpréter un rapport de cote, savoir ce qu'est l'EBM et non la caricature de l'EBM et la pratiquer, savoir comment prendre en compte un nombre de malades à traiter ou inclure dans son raisonnement une faible valeur prédictive positive, après s'être abonné à Prescrire, au BMJ ou au NEJM, après avoir lu Minerva, après avoir rangé dans ses favoris des sites comme CRAT ou mémobio et pouvoir consulter Tweeter et demander l'avis en direct de Pierre, Paul ou Jacques... Je rêve de jeunes médecins participant à un groupe de pairs, réunion autrement plus intéressante qu'une rencontre machine à café avec la secrétaire, l'infirmière, l'orthophoniste et l'ex visiteuse médicale transformée en interface, en faisant du à toi à moi sans concurrence aucune avec d'autres structures, je rêve donc de jeunes médecins lisant des blogs pertinents et, surtout, tentant de se faire un avis par eux-mêmes.
Ces perles rares existent, je les ai rencontrées.
Mais tout cela ne s'apprend pas à la Faculté de Médecine où le système des QCM a remplacé celui de la réflexion, où le lèche-cutage, le népotisme familial et politique, la compromission et le suivisme, ont remplacé les têtes bien pleines et bien faites qui avaient lu Claude Bernard, qui avaient des notions d'anthropologie, d'ethnologie, d'analyse freudienne, de behaviorisme ou qui s'informaient sur les neuro-sciences, je le répète, pour y adhérer ou pour les réfuter...
J'ai oublié beaucoup de choses.
Mais un conseil : quittez le navire. Ne restez pas médecins généralistes, passez une sous-spécialisation en médecine du sport, naturopathie, angiologie, homéopathie, auriculothérapie, gériatrie, allergologie, nutrition, ergothérapie, mésothérapie et, bien entendu, ostéopathie.
Quittez le navire comme genou des alpages (ICI) car c'est beaucoup plus difficile d'être un, ouvrez les guillemets, "bon généraliste" qu'un sous secrétaire d'Etat au ménisque interne gauche. Vous aurez le temps de lire, d'écouter de la musique, de voir des expositions, d'écrire, de faire de la musique, de peindre ou de dessiner.
Lisez ce post (écrit ensuite), peut-etre vous dégoutera-t-il définitivement ? ICI
A un médecin spécialiste qui me demandait comment on pouvait être généraliste, j'aurais aimé lui répondre, comme Tommy Lee Jones (I would not dignify your question by answering it) ou dire, comme Michel Audiard (Je ne réponds pas aux cons, ça les instruit).
(Illustration - Dodo)
Ces perles rares existent, je les ai rencontrées.
Mais tout cela ne s'apprend pas à la Faculté de Médecine où le système des QCM a remplacé celui de la réflexion, où le lèche-cutage, le népotisme familial et politique, la compromission et le suivisme, ont remplacé les têtes bien pleines et bien faites qui avaient lu Claude Bernard, qui avaient des notions d'anthropologie, d'ethnologie, d'analyse freudienne, de behaviorisme ou qui s'informaient sur les neuro-sciences, je le répète, pour y adhérer ou pour les réfuter...
J'ai oublié beaucoup de choses.
Mais un conseil : quittez le navire. Ne restez pas médecins généralistes, passez une sous-spécialisation en médecine du sport, naturopathie, angiologie, homéopathie, auriculothérapie, gériatrie, allergologie, nutrition, ergothérapie, mésothérapie et, bien entendu, ostéopathie.
Quittez le navire comme genou des alpages (ICI) car c'est beaucoup plus difficile d'être un, ouvrez les guillemets, "bon généraliste" qu'un sous secrétaire d'Etat au ménisque interne gauche. Vous aurez le temps de lire, d'écouter de la musique, de voir des expositions, d'écrire, de faire de la musique, de peindre ou de dessiner.
Lisez ce post (écrit ensuite), peut-etre vous dégoutera-t-il définitivement ? ICI
A un médecin spécialiste qui me demandait comment on pouvait être généraliste, j'aurais aimé lui répondre, comme Tommy Lee Jones (I would not dignify your question by answering it) ou dire, comme Michel Audiard (Je ne réponds pas aux cons, ça les instruit).
(Illustration - Dodo)
PS - Un blogueur n'est pas d'accord avec moi, semble-t-il : ICI