dimanche 21 avril 2024

Bilan médical désespérant du lundi 15 au dimanche 21 avril 2024 : trop d'articles tue les articles, obsessions médicales, interdire l'ostéopathie chez les enfants, le temps des soignants, l'arrogance des médecins, les soins primaires !

1.

L'actualité médicale part toutes les semaines dans tous les sens.

J'ai du mal à tout rapporter.

J'ai de plus en plus de difficulté à ne pas me répéter car ce sont toujours les mêmes thèmes qui me sont proposés (à moins que cela ne soit moi qui cueille toujours les mêmes cerises) et j'ai l'impression que rien n'avance.

Que faire ? 

Se taire ?

Les soins primaires, la médecine générale, la médecine de famille, sont en train de disparaître sous nos yeux et ce n'est pas faute de l'avoir prédit.

Or, l'actualité médicale est surtout faite d'une médecine non primaire, d'une médecine hospitalière dont les soins primaires bénéficient (ou non) par ricochet. 

C'est désespérant.

Faut-il faire une pause ?

Je ne le pense pas.


Abécédaire succinct de mes éternelles obsessions (articles en rapport cette semaine)


Corruption par l'industrie pharmaceutique et l'industrie des matériels 




LA : 





Le FORMINDEP bosse depuis de très nombreuses années et parle des liens/conflits d'intérêts avec la HAS : y a du boulot ! 


Et n'oubliez pas que lorsque vous parlez de corruption de la recherche par l'industrie pharmaceutique et par celle des matériels vous êtes un complotiste au même titre que ceux qui pensent que la terre est plate. 



Aucun dépistage organisé d'un cancer n'a jamais diminué la mortalité globale.

Cancer du colon
Cancer du col utérin
Cancer de l'ovaire
Cancer du poumon (LA)
Cancer de la prostate
Cancer du sein

80 % des déterminants de santé sont non médicaux.



Les essais cliniques randomisés contre placebo bien faits ont un meilleur niveau de preuve que les essais ouverts comparatifs ou non (exceptions possibles)


C'est LA dans le JAMA

Kidnapping de l'Assurance Maladie par les CSP +

Une video ICI de la DREES un peu hors sujet mais passionnante

Un message de Bernie Sanders

Loi inverse des soins.

Pas d'article pour cette semaine.

Une anecdote : les gens (soignants et soignés) se plaignent des délais pour obtenir une IRM d'un genou qui, dans la majorité des cas (90 % ?), est non recommandée et cela allonge les délais pour des patients pour lesquels l'indication d'une IRM était, elle, justifiée (cancer par exemple) : que se passe-t-il en pratique ? On ne récuse pas les IRM du genou on demande plus de matériel !

La médecine n'est pas une science :



La plupart des interventions en santé testées par les revues Cochrane ne sont pas efficaces si on les rapporte à des preuves de haute qualité ! On le savait déjà un peu et cela avait été rapporté sur ce blog de nombreuses fois mais là on tombe des nues. 

94 % sont dans ce cas-là !


  .

L'ostéopathie chez les nourrissons devrait être considérée comme un délit.





Surdiagnostic et surtraitement


Thème battu et rebattu sur ce blog.

Notre culture médicale, disent les auteurs, a conduit à trop d'examens complémentaires, trop de diagnostics, trop de traitements en de nombreuses circonstances qui peuvent causer du mal aux patients, épuiser les ressources de santé, et du mal à la planète.

Rien en change !


2.

Le problème majeur des soignants est celui du temps.

Tout le monde se plaint de ne pas avoir le temps.

Lire la littérature médicale internationale prend du temps. En faire la recension prend du temps. Lire ces recensions prend du temps. Corréler ces lectures avec sa pratique n'est pas instantané.

Les soignants, qu'ils soient médecins, infirmières, kinésithérapeutes, aides à domicile (oui, oui, cela fait partie du soin), manquent de temps, disent-ils, pour s'occuper des patients ou des non-patients.

Si j'avais plus de temps je pourrais faire de la prévention.

Si j'avais plus de temps je pourrais mieux traiter mes patients.

Si j'étais payé au temps passé, je serais plus riche.

Les patients manquent de temps. Pour aller chez le médecin (les cabinets devraient être ouverts 24/24, 7/7, 365/365 pour les gens qui travaillent !), pour attendre un rendez-vous, pou obtenir un examen complémentaire, pour faire la queue aux urgences.

Comment donner du temps aux soignants ou aux soignés ?

Réflexion primaire : en ayant plus de soignants.

Réflexion secondaire : en changeant l'organisation des soins.

Réflexion tertiaire : en fournissant des informations aux citoyens sur les enjeux de la santé publique.




3.

Un problème ultra majeur : l'arrogance des médecins.

Les médecins qui, comme chacun le sait, ont le cul le plus propre du monde pour monter au cocotier, méprisent dans les faits (dans les paroles publiques, ils n'ont de cesse de vanter ces merveilleuses infirmières, ces formidables kinésithérapeutes, ces extraordinaires on ne sait pas qui) les professionnels de santé qu'ils ou elles considèrent sour leurs ordres (sans parler de leurs cotations CPAM qui les obligent à aller vite).

Nous ne contestons pas, en tant que médecins, qu'il y a du boulot à faire chez les IDE et les MK, mais, justement, le boulot est en train d'être fait dans le milieu même des IDE et des MK (+++) pour tenter d'éliminer les fausses pratiques, les pratiques délétères, les prises en charge alakhon, alors que chez les médecins c'est l'immobilisme le plus complet. L'Ordre des Médecins est même l'outil le plus efficace pour que rien ne change, pour que la corruption par l'industrie pharmaceutique continue, pour que les charlatans soient défendus, pour que les violences sexuelles et sexistes soient ignorées, pour que les violeurs, et cetera. Pour que la maltraitance des patients continue, pour que l'absence d'informations persiste, pour que la décision partagée soit un mythe sans pratiques.

Nous avons oublié les pharmaciens : le problème des pharmaciens, mais les micros sont ouverts pour qu'ils argumentent, nous parlons des pharmaciens d'officine, est qu'ils ou elles sont écartelées entre le commerce (et ce n'est pas une critique, il faut bien vivre) et l'Evidence Based Pharmacy. Ces propos n'exonèrent en rien les médecins. Imagine-t-on une pharmacie de ville sans produits inefficaces, inutiles ou dangereux ? Imagine-t-on des pharmaciens, dans le cadre de l'EBP, qui auraient le temps de travailler en accord avec les médecins prescripteurs qui auraient acquis les pratiques de l'EBM ? 


Source : Communiqué d'un syndicat médical multiprofessionnel : ICI


4.

La défenses des soins primaires doit cesser d'être corporatiste.

Les soins primaires, ce n'est pas seulement la médecine de premier recours (j'ai mal à la gorge), c'est aussi la médecine longitudinale (j'ai mal à la gorge et je suis hypertendu et je suis dépressif), sont menacés par le consumérisme (tout, tout de suite, le corps humain est assimilé à une machine sans défaut) et la générication des médecins (je veux voir un spécialiste et je le choisis au hasard sur Doctolib).

Les soins primaires, la chronicité et la fin de vie signifient une alliance idéologique, scientifique et pratique entre toutes les professions du soin primaire en libéral comme en salarié. J'ai cité dans le point 3 les professions concernées en oubliant les orthoptistes, les orthophonistes, les psychométriciennes et les aides-soignantes.

(Je me répète)

Mauvaise (récente) nouvelle pour les patientes : l'accès direct chez les spécialistes d'organes. Les citoyens ne se rendent pas compte de ce que cela signifie et, d'abord, un désinvestissement profond des soignants de première ligne. Ainsi, la patiente consulte un rhumatologue pour un genou douloureux ou le patient consulte un dermatologue pour une acné vulgaris. Sans lettre. Sans contexte. Le médecin traitant est délaissé. Les délais de consultation augmentent. Le médecin traitant renouvellera ensuite des ordonnances dont il ne partage ni les valeurs, ni le contenu, ni les interactions. Il dira à ses patients : "Démerdez-vous." Ou il s'y opposera et rendra le patient encore plus méfiant sur le rôle du MG qui s'oppose au spécialiste. Le citoyen sera plus méfiant encore sur le côté aléatoire des prises en charge.

Mais, je l'avais toujours dit, pardon de me répéter, c'est une extrêmement mauvaise nouvelle pour les spécialistes d'organes. Ils vont devenir riches mais médicalement déshonorés. Ils auront fait dix ans d'études pour consulter une toux chronique, une verrue plantaire, un banal essoufflement à l'effort, un épanchement synovial. Et montrer leur ignorance sur le suivi conjoint des autres pathologies.


Magnifique article dans le British Journal of General Practioner (LA) montrant que la continuité des soins et leur accès facilité en soins primaires améliorait l'espérance de vie des populations concernées. Eh bien, en GB comme en France le nombre des médecins généralistes diminue.



Bernie Sanders a un petit message à délivrer.



On va donc continuer !

4 commentaires:

Dr MG a dit…

Bonjour Jean Claude

Tu écris en début de cet article :
"J'ai de plus en plus de difficulté à ne pas me répéter car ce sont toujours les mêmes thèmes qui me sont proposés (à moins que cela ne soit moi qui cueille toujours les mêmes cerises) et j'ai l'impression que rien n'avance."

Je lis ton blog depuis bien des années et continue à le faire.
Je crois bien avoir lu l'ensemble de tes articles.

J'admire ( ce n'est ni cynique ni moqueur, mais réel) ta constance à rapporter , semaine après semaine la lente dérive de la médecine vers toujours "plus mauvais".
Aujourd'hui et depuis bien longtemps, je crois, tu ne trouve plus rien de positif à rapporter sur l'évolution de la médecine en France (ailleurs c'est sans doute pareil mais nous ne voyons que "midi à notre porte".

Je partage avec toi le constat désespérant de l'évolution dramatique de notre métier.
Nous sommes d'accord sur beaucoup de choses mais pas sur tout, loin s'en faut, et cela me parait rassurant et "sain".

Je n'ai aucun conseil à te donner quand tu poses ces questions :
"Que faire ?
Se taire ?"
Toi seul est le mieux placé pour savoir ce que tu dois faire.

Néanmoins je voudrais partager avec toi quelques mots qui sont pour moi très importants et utiles pour continuer à vivre le mieux possible dans ce monde de "fous" dans lequel nous vivons.

"Mon Dieu, donnez-moi la sérénité d'accepter les choses que je ne peux pas changer, le courage de changer celles que je peux changer et la sagesse de distinguer les premières des secondes.
Marc-Aurèle

Bien à toi

Marc

Daniel Corcos a dit…

Je suis fatigué d’entendre cette histoire de dépistage de cancer et mortalité globale.
1) Le dépistage met plus de 10 ans avant d’avoir son effet optimum sur la mortalité liée au cancer dépisté.
2) À long terme, tout le monde meurt. Le seul moyen de réduire la mortalité globale est de réduire la natalité.
3) Il y a très peu de traitements, en dehors des urgences, qui sont évalués en terme de mortalité globale. Pour les interventions préventives, c’est encore plus clair : Imagine-t-on le programme de vaccination en France évalué sur la mortalité globale ?
4) Les essais randomisés de dépistage sont insuffisamment puissants pour donner une indication de l’effet sur la mortalité globale. Ils ne sont pas non plus fiables sur le long terme, car il est impossible de s’assurer du respect des groupes par les sujets randomisés.
Pour toutes ces raisons, l’efficacité du dépistage doit être évalué sur la mortalité par le cancer détecté, et l’intérêt du dépistage en comparant ce bénéfice aux risques inhérents au dépistage.

Docteurdu16 a dit…

Bonjour Daniel Corcos.
Je connais certains de ces arguments depuis longtemps et un certain nombre de personnes y ont répondu.
1) Dans les cancers très tueurs comme celui du poumon et du pancréas les effets du dépistage sur la mortalité globale pourrait être étudié dans des délais plus raisonnables. A condition qu'il existe des traitements efficaces. Pour le mélanome, sauf erreur, le dépistage n'a pas non plus fait la preuve de son efficacité sur la mortalité globale.
2) Difficile de répondre à pareille assertion. Ce qui compte aussi : l'âge de survenue des K
3) Restons sur le dépistage : dans les maladies cardiovasculaires la diminution de la mortalité globale est problématique également (et elle a été étudiée). Pour la prévention, il est clair que si personne ne fume plus il y aura moins de K du poumon et de BPCO. Pour la mortalité globale : faut étudier.
4) Cet argument est classique. Les études sur le K du colon ont été menées pendant de très nombreuses années et sans résultats sur la mortalité globale.
Vous oubliez les arguments qui ne vous conviennent pas :
1) le surdiagnostic (il est vrai que vous niez cette notion). Le surdiagnostic est un événement indésirable grave.
2) le surtraitement itou.
3) et je crois que c'est le point essentiel : les mensonges sur les effets du dépistage auprès des patients.
4) la médecine juridique : je préfère surirait que sousdiagnostiqué.
Une information honnête des avantages et des inconvénients du dépistage permettrait aux patientes et aux patients s'ils ou elles veulent être dépistées et de quoi elles ou ils veulent mourir. Mais peut-on donner une information neutre sur le dépistage du K de la prostate par dosage du PSA ?
Mais il existe une littérature abondante sur le sujet qui mériterait une thèse de 1000 pages.
A bientôt.

Daniel Corcos a dit…

Il ne faut pas tout mélanger : 1) Il n’y a pas de dépistage du cancer du pancréas. 2) Le dépistage du cancer du poumon implique des examens irradiants. 3) Le dépistage du mélanome ne marche pas sur la mortalité par mélanome parce que c’est une tumeur visible par le patient, et il vaut mieux qu’il se précipite chez son médecin quand il la voit se modifier plutôt qu’il attende le dépistage programmé.

Il est clair que l’âge de survenue des cancers et leur vitesse d’évolution sont les paramètres cruciaux. Pour le cancer de la prostate, il y a une perte très importante de la qualité de vie pour un bénéfice sur la mortalité spécifique faible.

Sur la mortalité globale dans les interventions en dehors du cancer, vous ne faites qu’aller dans mon sens : ce n’est pas pertinent ni faisable.

En ce qui concerne la propagande des dépisteurs et la pression juridique, je ne peux qu’être d’accord avec vous, mais ce n’est pas une raison pour ne pas avoir une vision rationnelle de la question.