samedi 8 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Le congrès commence. 24

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

24

Convention Center.


Récupérer son badge dans le grand hall du Convention Center signifie que les congressistes élus par la médecine entrent dans le vif du sujet : ils sont fiers de pouvoir mettre le badge autour de leur cou, récupérer la serviette sponsorisée contenant, outre de multiples publicités pour des molécules diverses et variées, l’épais volume du programme avec le résumé des abstracts. Les plus sérieux s’asseyent dans un coin pour organiser leur journée et pour ne rien manquer. Les autres discutent, font des rencontres, voient des copains dont ils ignoraient qu’ils étaient invités, des collègues perdus de vue avec lesquels ils avaient fait l’internat ou le clinicat, saluent des patrons qu’ils n’avaient jamais vus en chair et en os, se perdent dans les couloirs, crèvent de froid tant la climatisation est forte et regrettent les foulards et les pulls des vieux de la vieille. C’est l’excitation d’en être : ils ne veulent rien rater et il est possible de tout rater tant le programme est chargé. Il faut pour les plus courageux passer de sessions en sessions, soit pour entendre une pointure, soit pour écouter une présentation que l’on attendait, soit pour se planter devant un poster pour féliciter un collègue ou, au contraire, l’agresser, soit pour montrer qu’on était là lorsque le professeur P a fait sa présentation et pour le raconter aux copains.

Pierre Gers est prêt pour Allo ASCO, le résumé quotidien des meilleures présentations qui sera publié en ligne par la Revue d’Oncologie, car il a déjà tout écrit avant de venir. Il ne fera donc que des modifications mineures en tenant compte des questions réponses entendues dans les salles. Il a aussi prévu de rencontrer quelques-unes des légendes de la cancérologie mondiale avec qui il entretient déjà des liens sur twitter.

Quant à François Brébant il est parti vers les stands des exposants pour se rendre compte du poids de sa propre firme aux US et saluer ses collègues. Il jette un œil distrait sur le clinquant des décorations démontables, sur les hôtesses aguichantes maquillées comme des protocoles Pfizer et les directeurs du marketing habillés comme pour aller à un mariage, et s’amuse des endroits où l’on peut jouer au golf en honneur des CAR T ou conduire une Formule 1 pour un énième amazingpriceumab.

Edmée Vachon, flanquée du professeur Michaux-Garnier, et du directeur médical de la Firme 2 est en réunion dans une salle annexe avec trois représentants de la FDA afin de connaître le sort d’une molécule développée en Europe par un laboratoire US et qui passe en hearing le mois prochain. L’affaire n’est pas gagnée. Souhaitez-vous un cours sur le protectionnisme états-unien ou sur la politique des pots de vin dans le Maryland ?

Quant à Ursula, avec son badge d’exposante, elle va venir faire une entrée remarquée dans la salle plénière peu avant 1 PM.


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vendredi 7 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Une nuit compliquée. 23

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Une nuit compliquée.


Les première séances ne commencent qu’à 13 heures (20 heures à Paris).

Pierre Gers a eu du mal à bien dormir alors qu’il était épuisé. Le zopiclone qu’il a pris lui a permis de s’endormir immédiatement mais il a fait ses cauchemars récurrents quand il doit parler dans un congrès, celui où il se retrouve derrière un pupitre et que les mots n’arrivent pas à sortir de sa bouche tandis que les écrans défilent derrière lui et que la salle est secouée par des rires de plus en plus bruyants : il s’est trompé de présentation et la salle découvre les photos de ses dernières vacances où sa femme et ses enfants montrent des visages radieux. Il y en a un autre où il parle dans une langue inconnue de la salle et de lui-même et où les questions qu’il ne comprend pas ne cessent de fuser. 

Dans une autre chambre du Hilton François Brébant a dormi par phases d’une heure et il se retrouve le matin la bouche pâteuse, les idées peu claires, un sentiment de décalage horaire et de « qu’est-ce que je fais là » qui n’annonce pas une journée brillante malgré l’excitation de toutes les tâches qu’il va accomplir.

Quant à Norbert Milstein, logé au Peninsula avec Ursula, il a passé une nuit excitante mais il va avoir du mal à donner le change ce matin : il faut qu’il se repose absolument avant d’aller chercher son badge au congrès.

Bref, beaucoup de congressistes, même ceux qui n’ont rien à présenter, ont passé une nuit compliquée mais les salles de petit déjeuner des différents hôtels vont les réveiller. 

Sophie Branus, la chef de produit oncologie a peu dormi car elle a potassé son emploi du temps pour voir un maximum de médecins pendant le séjour.

Edmée Vachon a repéré dans quel hôtel était logé Pierre Gers et jusqu’à son numéro de chambre et elle a parfaitement dormi sous prazépam.

Sylvie Bouloux est la mieux organisée de tous. Elle a déjà écrit à Paris tous les articles qu’elle enverra au Monde depuis Chicago, sous réserves de modifications de détails, mais elle a quand même passé une nuit épouvantable où elle a regardé la télévision, consulté twitter, et débattu avec elle-même de sa solitude sexuelle.

Durand, de la télévision française s’est assoupi comme un bien heureux, il n’a eu besoin ni de Zopiclone, ni de prazépam, ni de mélatonine, l’alcool de l’avion, l’alcool du restaurant, l’alcool du minibar, une drogue dure mais légale qui le berce depuis de nombreuses années avec une légère céphalée matinale et une langue un peu pâteuse.

Enfin, Marie DeFrance, la fille bien sous tous rapports, celle qui intrigue pour être khalife à la place du khalife : rien à signaler.



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jeudi 6 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Arrivée à Chicago. 22

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Arrivée à Chicago.


Les futurs congressistes sont fatigués et, pour la plupart, ont trop bu et trop mangé pendant le vol. Il est une heure du matin le jour d’après à Paris et 18 heures à Chicago. Il est déjà trop tard pour appeler la famille en France : juste un petit mail pour dire qu’on est bien arrivés suffira. Tout le monde a reçu le même conseil : s’endormir ce soir le plus tard possible pour souffrir le moins possible du décalage horaire demain matin. Certains ont prévu de prendre un starter (benzodiazépine ou mélatonine) au moment de dormir afin de ne pas se réveiller trop tôt.

Il fait une chaleur terrible à la sortie de O’Hare. Les futurs congressistes sont exténués, mêmes ceux qui n’ont pas voyagé en classe éco. Ils se sont regroupés sous la bannière des firmes qui les ont invités qui ont prévu des repas dans les différents hôtels où les congressistes sont descendus ou dans des restaurants aux alentours. Tout le monde a déjà une idée du programme de demain et des jours suivants. Il y a une certaine excitation dans l’air.

Ce n’est que demain que tout le monde saura où est qui (les collègues) et combien de temps il faudra pour atteindre le Conference Center sur la McCormick Place. Il y aura des jaloux et des engueulades.

Gers et Brébant sont déjà convenus de se retrouver au bar de l’hôtel dès qu’ils auront posé leurs affaires dans leurs chambres. Ce n’est pas tous les soirs que l’on débarque à Chicago par une belle fin d’après-midi de juin et qu’on peut se détendre en buvant de l’alcool aux frais de la princesse en attendant un dîner fin et bien arrosé…

- T’es bien logé ?

- Superbe. Avec une vie magnifique sur le lac. Et toi ?

- Ca va. Tout baigne. J’ai même réussi à avoir ma femme qui est contente que je sois bien arrivé et les enfants sont en pleine forme.

- Ma femme se couche tôt. Elle a eu droit à un WhatsApp

- Tu feras pareil quand Vachon sera dans ton lit ?

- Déconne pas.

- Tu joues ta carrière.

- Je ne crois pas mais jouer mon couple ne seraitpas génial.

Et pourtant c’est ce qui va se passer : Vachon sera dans son lit et il enverra un WhatsApp juste avant le passage à l’acte pour dire à sa femme que tout va bien.

Le bar de l’hôtel ressemble à l’idée que les deux hommes se font des bars des hôtels de luxe américains comme on les voit dans les films et dans les séries. Brébant a décidé de ne pas dîner avec tous les invités de la Firme et d’inviter Gers dans une steakhouse où le T-bone coûte soixante dollars sans le service… Gers pourra ainsi raconter à sa femme ses aventures à table qui la feront saliver ce qui lui permettra de taire ses aventures au lit avec Edmée Vachon qui l’auront fait saliver.


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mercredi 5 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : La fabrique d'un expert. 21

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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La fabrique d'un expert.


Gers est prêt. Pour la énième fois, et certainement pas la dernière, il a revu ses écrans, il a relu ses notes, il sait tout, il connaît tout et, à moins d’un accident vasculaire cérébral pendant sa présentation, il ira au bout. Il sait aussi qu’il pourra compter sur Milstein pour son propre topo : Milstein est un pro et comprend les choses. Il est même trop soucieux des détails. Il est capable de voir chez les autres le moindre défaut, même sur des sujets qu’il connaît mal. Il est capable dans le service de déceler sans faire aucun effort ce qui cloche et ce qui pourrait être challengé. Certains en ont fait les frais car il ne ménage personne et ne prend pas de gants. Les erreurs de ses collaborateurs, il les prend comme une attaque personnelle. Et contrairement à toute attente, le mandarinat, ses dépendances et le pouvoir absolu, il accepte qu’on lui fasse des reproches. Il faut certes choisir le ton, il faut certes y mettre les formes, il faut certes être sûr de soi, avoir des biscuits ou, comme au tribunal, avoir des preuves, mais il faut se lancer car il préfère que son équipe lui dise ce qui ne va pas, même en public, plutôt que de l’entendre de collègues ironiques et méchants qui se moqueraient de lui.

Brébant décoche un sourire à Gers : « Tu avances ? - Oui. J’ai presque fini. Tu sais que je rédige en même temps les questions contre Milstein et il me semble qu’il y aurait une sorte de problème à te les montrer… - Tu n’as qu’à ne me parler que des questions que tu vas poser à Ursula. - T’es con. - Franchement, je pense qu’il vaut mieux que tu ne me les montres pas, ce serait plus fair, mais, en même temps, c’est un secret de polichinelle, l’abstract est paru, tout le monde connaît le truc. - J’attends tes propres questions avec impatience…- Sur Milstein ou sur Ursula ? – Déconne pas, je parle de Milstein. D’ailleurs tu ne connais rien sur Ursula. - Ce n’était pas prévu dans le contrat. - OK, on va s’amuser. Mais j’imagine que tes propres questions sur notre étude vont être gratinées. - J’espère que mes chefs ne les verront pas car c’est une putain de critique contre le protocole.

- C’est toi qui l’as mis au point… Pas complètement. J’ai eu des pressions. - Des pressions ? - Tu fais l’âne pour avoir du son. - Il y avait longtemps que je n’avais pas entendu cette expression. Tu sors ça d’où ? - Au lieu de te moquer tu ferais mieux de te concentrer sur les réponses que tu vas me fournir… As-tu commencé à rédiger l’article ?

- Heu oui, un peu. - T’as intérêt à t’y mettre dès notre retour. Il faut qu’on le soumette le plus rapidement possible. Ça urge… »

    S’il n’y avait pas les enjeux promotionnels sous-jacents on pourrait affirmer que ce dialogue entre les deux hommes, leur façon de travailler, sont dignes d’une disputatio scientifique de haut vol. Comme il y en a souvent entre de dignes médecins, même dans un avion qui file vers Chicago. Mais n’oublions pas le contexte : Gers est devenu l’objet de Brébant, il fabrique un expert pour dire du bien des molécules de la Firme 1.

    


(Pour lire depuis le début : LA)





mardi 4 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : L'hameçonnage des oncologues. 20

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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L'hameçonnage des oncologues.


Sophie Branus est chef de produit oncologie dans la firme 3. Elle sait exactement où tous ses prospects sont placés dans l’avion, en classe affaire comme en classe éco, et elle s’est promis de les choyer pendant leur séjour. D’abord en leur faisant croire qu’il pourrait très bien y avoir des ouvertures avec elle (elle choisira le moment venu quel sera l’heureux ou les heureux élus…) et ensuite en leur ayant prévu à Chicago un programme de feu avec visites de bars à jazz, de bars à putes, de bars à sport, et aussi des repas fins dans les restaurants les plus sympas de la ville.

C’est un plan de séduction qui lui permettra, à elle, aux médecins et aux délégués à l’information médicale de la Firme 3 d’être bien reçus dans les services. Les jeunes internes et chefs qui ont été invités sont de jeunes pousses dont certains monteront dans la hiérarchie. Elle les chouchoute. Parmi eux il y aura des vedettes que la Firme 3 pourra recruter pour participer à des essais où le plus important est de participer, pas de publier, pour les faire tourner dans des staffs ou dans des réunions de promotion avec un programme audiovisuel aux petits oignons vantant les produits de la firme. Il y a aussi les oncologues des cliniques privées dont les capacités de prescription sont quasiment illimitées et qui ne sont pas très difficiles à séduire. Pour les grands chefs, ce sont les médecins de la Firme 3 qui font le job de relations publiques.

Branus connaît le boulot et ses patrons savent qu’elle le connaît. Elle s’occupe d’un produit dans le myélome qui n’est ni meilleur que ceux des concurrents, ni pire d’ailleurs, mais pour rester dans les leaders du marché il faut investir dans les relations publiques, il faut avoir la confiance des vieux requins et des jeunes loups et leur faire croire, parfois c’est vrai, que leur carrière universitaire pourrait dépendre de l’aide de la firme 3.

Donc, le programme est clair : de la science, de l’alcool, de la bouffe, des distractions, des filles et l’éblouissement de Chicago, une visite privée de la ville en minibus, un pot en haut de la grande tour, une pizza chicaguienne, et tout le tralala. Et la gouaille de Sophie Branus pour détendre l’atmosphère. 

Elle a un œil sur Filliâtre qui sait que s’il veut passer un bon séjour il faut qu’il plante d’emblée des banderilles et il a déjà repéré une ou deux jeunes femmes à qui, durant le vol, il ne manquera pas de se présenter. Un œil sur Bamberg, Rako, de la Taille ou Wissner qui ont décidé qu’ils se préoccuperont plus tard des nanas, au calme, mais les filles ont déjà leurs favoris : ils ne décideront de rien. Quant aux puceaux, comme les appelle Théron, il leur restera les chaînes pornos de l’hôtel. 

Car la concurrence veille aussi au grain, les oncologues sont des proies précieuses.


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lundi 3 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Panem, circences et sex. 19.

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Panem, circences et sex.


La professeure Marie Carmichael n’en peut plus d’Ursula et des plaisanteries sur Ursula. Cette atmosphère de mecs impudents, de mecs qui trouvent que c’est normal, « on est quand même des carabins, on a une réputation à défendre… on nous emmerde sur tout… les fresques dans les salles de garde comme la drague au débotté… nous sommes des adultes consentants… » On la prend pour une pisse-froid, une coincée, une mal baisée, et tout le tralala bien connu. S’ils savaient combien elle s’en moque à titre personnel et combien elle en souffre pour les étudiantes et les femmes médecins. Elle est assise à côté d’une jeune chef de clinique qui va présenter un papier sur le dépistage du cancer du sein dans une section annexe du congrès. Elles ne participent pas à la curée générale et les mecs s’en foutent.

Nombre de futurs congressistes qui n’ont rien à présenter au congrès, la majorité, les invités comme futurs prescripteurs ne pensent qu’à profiter de la situation d’invités. Les trois sujets qui les préoccupent : vont-ils avoir, pour les hospitaliers comme pour les privés, des ouvertures professionnelles ? Vont-ils avoir des ouvertures sexuelles pendant cette petite semaine ? Vont-ils pouvoir profiter, loger dans un hôtel top classe, se taper de bons restaus, sortir dans des bars ou des boîtes et picoler ? C’est une sorte d’échappatoire à leurs vies normées et remplies. Car ces privilégiés, il suffit de regarder leurs comptes en banque respectifs, et notamment pour les libéraux, leurs revenus non commerciaux pour l’année dépassent les trois cent mille euros, bossent. Bossent tard et n’ont pas affaire à des malades faciles parce que leurs malades meurent plus que les autres.

Il faut donc décompenser. Déconner. Raconter des conneries. Faire des plaisanteries sur les filles, déjantées et allusives, franchement vulgaires, leurs femmes seraient horrifiées ou non. Le congrès s’amuse.

La professeure Carmichael est considérée comme une extra-terrestre qui ne saute jamais en l’air dans les pots de service, qui ne pousse pas des cris quand un malade va mieux, qui ne fait pas la maligne devant les malades, qui reçoit les familles avec autant de bienveillance que possible et qui ne prend pas le petit personnel pour de la merde en boîte. On sait qu’elle est réservée, elle ne parle jamais de sa vie privée, de ses copains comme de ses copines. Mais son secret est celui-ci : elle est la copine de la chef de clinique qui est assise à côté d’elle et elle va en profiter pendant le congrès comme un vulgaire Milstein avec sa secrétaire.

Elle ignore pourtant qu’Edmée Vachon, en saluant tout le monde d’un bout à l’autre de la cabine, a vu et compris le manège. Elle n’oubliera pas.


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dimanche 2 juillet 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Cloison nasale. 17.

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Cloison nasale.


Le professeur Mathieu Barambert est un grand ORL. Il a bâti sa réputation sur son habileté d’opérateur et sur son empathie extraordinaire à l’égard des patients. C’est sa plus grande fierté : ses malades l’aiment. Tout le monde connaît sa façon de les recevoir, de les mettre à l’aise, de les flatter, il flatte d’ailleurs tout le monde et tout le monde le flatte, il a droit à des pages en couleur dans Paris-Match, l’émission Télématin le reçoit régulièrement pour qu’il puisse y délivrer la bonne parole, le directeur de l’AP-HP (les hôpitaux de Paris) est un de ses bons amis, ils se reçoivent et la légende dit que leurs femmes sont copines. Il ne se prive pas de faire savoir partout qu’on le reçoit à l’Élysée avec les honneurs dus à son rang. Il est aussi décomplexé, il dit qu’il ne déteste pas l’argent, ses consultations privées à l’Hôpital public ont un prix qui oscille entre cinq cents et six cents euros la séance et si l’on consulte l’argent qu’il a reçu de l’industrie pharmaceutique sur le site Eurosfordocs on est un peu ébahis. « C’est le prix de la notoriété et de la compétence » dit-il avec un grand sourire. Mais, demandent les profanes, pourquoi se rend-il à l’ASCO ? Parce qu’il est spécialisé, entre autres, dans la chirurgie cancérologique en ORL. Ses collègues, dont la jalousie n’a d’égale que son ego démesuré, le trouvent pourtant « bon ». 

Barambert a aussi un surnom : on l’appelle Cloison nasale

Outre ses grandes qualités de chirurgien, sa remarquable habileté, tout le monde le dit et lui aussi, il est connu pour avoir opéré le Tout Paris de sa cloison nasale. Ce n’est pas un chirurgien esthétique, il laisse à regret cela à ses collègues des cliniques privées du seizième arrondissement et de Neuilly, il fait quand même quelques oreilles décollées pour de riches fortunés débarquant dans le service en jet privé du Moyen-Orient, mais sa spécialité ce sont les cloisons nasales. Alors qu’il était jeune chef de clinique il avait commencé à persuader ses patients, ceux qui venaient pour un rhume, une allergie, une sinusite banale unilatérale ou pour une pan sinusite impressionnante, un mouchage postérieur, que cela venait de l’irritation produite par leur cloison nasale mal positionnée. Qui pouvait résister à cet enthousiaste jeune homme, beau garçon, le sourire aux lèvres, le teint hâlé, les plaisanteries légères au bout de la langue, les allusions sexuelles à peine esquissées, personne ?

Et ce qui surprenait tout le monde c’est que cette activité inlassable, obsessionnelle, hors de proportion, personne ne s’en inquiétait. Ni ses chefs, ni ses collègues, ni l’administration : il séduisait et le service florissait. Quoi qu’il en soit notre ami ORL voyage en classe Affaire, est invité partout et produit des séries chirurgicales dans tous les congrès, pas ici à Chicago, il devait être fatigué, ou alors ses collaborateurs avaient demandé une pause, ces séries ouvertes où les bons résultats avoisinent les quatre-vingt-quinze pour cent…


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