Un article tout frais de des Spence, médecin généraliste écossais, que j'aimerais connaître IRL (in Real Life), vient de paraître dans le BMJ : ICI. Cet article est remarquable et dit en peu de mots ce qu'il est possible de penser de mon propos.
Cet aspect de la médecine, les thérapeutiques compassionnelles, est un sujet grave qui secoue la relation malade médecin car elle met en jeu la vérité, la confiance, le respect, l'éthique, l'efficience, la morale commune et... l'économie.
Je voudrais raconter, à la mémoire de mon patient, Monsieur A, 68 ans, comment son histoire a contribué à ma réflexion.
Je voudrais raconter, à la mémoire de mon patient, Monsieur A, 68 ans, comment son histoire a contribué à ma réflexion.
On m'a souvent posé ici ou ailleurs le problème du secret médical. Je n'ai pas demandé l'autorisation à la famille pour écrire ce billet, je lui en parlerai à l'occasion, mais je suis certain qu'elle n'y trouvera rien à redire, à ceci près qu'elle pourra s'interroger sur le fait que j'ai été aussi déroutant au risque même qu'elle n'y retrouve pas tout ce qu'elle a ressenti, mais la famille elle-même ne peut me délivrer de mon secret et, comme à l'habitude, j'écris en général sur un cas particulier de façon à ne blesser personne en veillant à ce que les transpositions, pas toujours homothétiques, soient cependant conformes à la réalité. Ou à "ma" réalité. En me référant à Louis Aragon : je tente à chaque fois le mentir vrai.
J'ai pourtant hésité à écrire ce billet car je connais trop les deux écueils majeurs de la graphomanie bloguesque : le sentimentalisme kitschéen et la victimisation du pauvre médecin qui risque sa santé physique et mentale à "bien" soigner ses patients.
Mon expérience des cancers à 95 % mortels est la même que celle de tous les professionnels de santé. Dramatique.
Vous remarquerez que je ne dis pas le nom du cancer car je me méfie : imaginons qu'une famille lise ce billet, qu'un patient lise ce billet et qu'un patient souffre de ce cancer et que la famille d'un patient lise aussi ce billet. Dramatique. On ne prend jamais assez de précautions.
Du coup la démonstration que je vais faire sera moins pertinente et plus générale. Prenons-en le risque.
Monsieur A est venu me voir en juin de l'année dernière et si je me suis égaré sur le diagnostic pendant une semaine ou deux, d'une part en raison de l'argument de fréquence, d'autre part en raison de ma tendance à ne pas vouloir dramatiser tout de suite (ma peur de la mort sans aucun doute ou ma peur d'annoncer en de bons termes un diagnostic fatal. Comme le dit Des Spence : " Perhaps doctors are too afraid to talk about death, which we see as professional failure.")
Quoi qu'il en soit, et après que le diagnostic eut été porté et qu'un geste radiochirurgical eut été fait à ma demande et sans passer par un spécialiste, j'ai eu la faiblesse de dire à mon patient que j'allais l'adresser à un spécialiste hospitalier afin qu'il termine le bilan et qu'il nous informe des possibilités thérapeutiques que je savais minces. Mon patient a accepté et bien qu'il ait déjà pris sa décision. Il savait déjà, il avait consulté internet, que le pronostic était catastrophique sans chirurgie (et la chirurgie avait été récusée) et, fidèle à mes habitudes, j'avais quand même entrouvert une porte, l'espoir, les 5 % de survie à 5 ans. (Je ne suis pas certain que mon attitude, laisser toujours un espoir, soit toujours appropriée mais c'est comme cela que je fonctionne, cela me rassure, je n'ai pas envie de ressembler aux techniciens froids appartenant à la culture libérale comme on les voit dans les séries américaines, et qui reflètent la "mentalité" américaine ou le medically correct, je ne sais, qui annoncent de façon sincère au patient qu'il n'y en a plus que pour trois mois, quoi que l'on fasse. Il y a aussi la technique Doctor House quittant la chambre du malade en lançant à ses collaborateurs et à la cantonnade, donc au patient, après que le traitement de la dernière chance et extrêmement dangereux, a été commencé : Prévenez-moi quand le malade sera guéri ou mort. J'avais écrit un billet très violent à propos de la mort de Patrick Roy, c'est en le relisant que je m'en suis rendu compte de sa violence, sur la "dramatique" transparence : ICI, je n'ai pas un mot à corriger).
Nous étions convenus, avant même que Monsieur A n'accepte d'aller voir le spécialiste hospitalier, un homme charmant et compétent au demeurant, que nous ne ferions rien. Monsieur A avait refusé tout traitement prétendument curatif, c'est à dire la chimiothérapie. Je reviendrai plus tard sur ce quoi nous étions convenus.
Le spécialiste hospitalier m'a adressé un courrier après la consultation de mon patient (il l'a revu deux fois en réalité à dix jours d'intervalle, la deuxième fois pour lui commenter les résultats des examens additionnels qu'il avait demandés). Ce courrier disait ceci : d'une part il confirmait le diagnostic et d'autre part il regrettait que le malade refuse le traitement. Mais il ajoutait de façon curieuse et erronée : "Il est dommage que le radiologue lui ait conseillé de ne pas se faire traiter et il serait important que tu puisses le convaincre de le faire"; alors que j'avais écrit de façon claire dans mon courrier d'adressage que le patient, en accord avec moi, refusait la chimiothérapie. Le radiologue avait dit, mais c'était déjà trop et beaucoup (et je ne commenterai pas ici les dégâts que les spécialistes peuvent commettre en croyant bien faire, tout en ne connaissant pas le patient à qui ils s'adressent, en prononçant des phrases définitives qui laissent souvent des traces indélébiles) que c'était inopérable. Le spécialiste hospitalier n'acceptait pas que le malade puisse prendre la décision à sa place. Il prônait la chimiothérapie contre toute logique et il refusait de penser que j'étais d'accord avec "mon" malade comme si c'était lui, avec la chimiothérapie, qui apportait l'espoir. Mais il y a une autre hypothèse que j'aborderai tout à l'heure et qui, pour le coup, est tout à fait extraordinaire et impensable.
Le malade, et je tiens à préciser qu'il ne souffrait pas à ce moment, il était déjà fatigué, m'avait dit ceci : "Je en veux pas de chimio mais il faut que vous me promettiez deux choses : que je ne souffre pas et que je reste chez moi auprès de ma femme, je ne veux pas aller à l'hôpital."
Je lui avais répondu, gêné, que je ne pouvais rien lui promettre mais que je ferai tout pour que cela se passe comme cela.
Je lui avais répondu, gêné, que je ne pouvais rien lui promettre mais que je ferai tout pour que cela se passe comme cela.
Il n'était donc pas traité, il n'avait pas de douleurs et je lui dis qu'il me paraissait important, avant que les choses aillent plus mal, je ne me rappelle plus les termes exacts, que nous prévoyions le pire.
Je m'étais rendu chez lui pour mettre tout en route et, en présence de sa femme qui fut dévouée jusqu'à la fin et avec laquelle je n'eus jamais une "vraie" conversation, elle ne me sollicita pas, elle avait l'air d'accord, elle ne me prit jamais à l'écart pour obtenir des informations qu'elle pensait ne pas pouvoir obtenir en présence de son mari, comme si elle ne voulait pas s'en mêler ou comme si elle avait trop peur d'en savoir plus, nous avions mis au point les modalités de notre engagement réciproque. En sa présence je téléphonai, comme nous en étions convenus, à la responsable du réseau de soins palliatifs à domicile (une association) avec qui j'avais l'habitude de travailler, et je tins exactement ce discours qui me semblait être le reflet de la pensée de mon patient : "Monsieur A souffre d'un cancer de ****, ne souhaite de chimiothérapie, ne veut pas souffrir et, dans la mesure du possible, ne veut pas être hospitalisé." Le docteur B réagit au quart de tour et me fit cette réponse qui résonne encore dans mes oreilles : "Ce monsieur a tout compris." Le docteur B le rappela dans l'après-midi et ils prirent rendez-vous avec l'infirmière coordinatrice pour qu'on lui explique ce qui allait se passer quand tout irait moins bien.
Quand je sortis de chez Monsieur A, je respirai un grand coup et je me dis, de façon surprenante : "Je ne me suis jamais senti aussi bien de ma vie, je veux dire, aussi en accord avec moi-même."Je n'avais pas eu à mentir, ou si peu...
Monsieur A a fini par mourir, en décembre. Il a très peu souffert mais il était pudique et parlait différemment à "son" médecin, au docteur B et aux infirmières / aides-soignantes du réseau de soins palliatifs. Il a eu droit, quand le moment fut venu, à de la morphine en patch qu'il a très bien supportée, à de la morphine à action immédiate qui le soulagea longtemps lors de ses crises aiguës, à de la corticothérapie à haute dose qui fut remarquablement antalgique, à de la gabapentine que je prescrivis en préventif et à contre-coeur sur les conseils du docteur B.
Jamais on ne commanda de lit médicalisé et Monsieur A passa deux jours hospitalisé en USP (Unité de Soins Palliatifs), les deux jours précédant son décès.
Ne fut-ce pas un peu trop idyllique ?
Voici la conclusion de Des Spence : "We need to support dignity in death, and this often means saying no to chemotherapy. There is an art to medicine—that is, knowing when to intervene but more importantly knowing when not to too."
Juste un dernier mot sur l'hypothèse extraordinaire et impensable : l'hôpital dans lequel exerce le spécialiste hospitalier est un centre de cancérologie accrédité. Mais en dessous d'un certain nombre de malades traités il peut perdre son accréditation. Il est donc nécessaire de ne pas "perdre" de malades.
Ne fut-ce pas un peu trop idyllique ?
Voici la conclusion de Des Spence : "We need to support dignity in death, and this often means saying no to chemotherapy. There is an art to medicine—that is, knowing when to intervene but more importantly knowing when not to too."
Juste un dernier mot sur l'hypothèse extraordinaire et impensable : l'hôpital dans lequel exerce le spécialiste hospitalier est un centre de cancérologie accrédité. Mais en dessous d'un certain nombre de malades traités il peut perdre son accréditation. Il est donc nécessaire de ne pas "perdre" de malades.
23 commentaires:
Bonsoir,
L'article du BMJ, auquel vous faîtes référence, est je le pense - sans preuves scientifiques à ma disposition et seulement mon expérience d'itinérant - le lieu d'idées assez répandues chez les médecins généralistes de terrain. A tel point que lors de mes deux stages en autonomie (SASPAS), n'ayant pas encore remis totalement en question ma formation initiale, j'avais éprouvé à plusieurs reprises de l'incompréhension à l'égard de pratiques et discours de médecins généralistes. Plusieurs d'entre eux m'expliquaient ne pas adresser les patients aux spécialistes car ils savaient au vu des examens complémentaires comment tout cela allait terminer. Je ne comprenais pas. En discutant avec deux d'entre eux, j'ai pu obtenir des éléments d'explication. Ce qui ressortait était ces allers-retours incessants domicile/hôpital se rapprochant jusqu'au décès. Mais aussi, les effets secondaires des chimiothérapies et l'urgence qui en découlait quand les complications étaient graves. Puis, un jour un patient est venu me voir avec des difficultés urinaires et une lombalgie. C'était la volumineuse métastase d'un cancer jusque là en rémission. Après les examens complémentaires, lui aussi s'est vu proposé une chimiothérapie dans le cadre d'un protocole d'essai thérapeutique. Il m'a demandé des informations en me montrant le carnet de suivi qu'on lui avait remis à l'hôpital. Nous avons discuté, de son cancer d'abord: "parce que peu importe le traitement docteur, je veux guérir". "Si le traitement était ce vecteur d'un possible retour à ce que j'étais avant, vous comprenez docteur".
Certes, la discussion doit avoir lieu dans le cabinet du médecin traitant. Mais je crois que le médecin hospitalier, dans ce bouleversement qu'est le cancer, a une grande responsabilité de réserve et d'honnêteté. L'espoir - quand il est né - balaye tout, y compris les conseils du médecin traitant.
"Je ne me suis jamais senti aussi bien de ma vie, je veux dire, aussi en accord avec moi-même."
Je n'avais pas eu à mentir, ou si peu...
Cette phrase résonne encore dans mes oreilles :
"Je n'avais pas eu à mentir, ou si peu..."
Il me semble intéressant de se pencher sur la quantité non négligeable et incompressible de mensonge que contient le métier. De mensonge auquel nous sommes contraint.
- Mentir pour rendre la réalité complexe d'une problématique médicale, que nous n'appréhendons nous même souvent que de façon (la moins) fragmentaire (possible), pour la rendre plus digeste et simplement compréhensible.
On pourrait appeler cela de la vulgarisation. Nous avons tous nos "tiroirs" de vulgarisation : "Tiens, une virose, sortons le tiroir physiopathologie simplifiée des infections virales"... "Tiens, un cancer, sortons le tiroir physiopathologie simplifiée des mécanismes de genèse du cancer"...
1 soignant = 1000 tiroirs différents.
1 patient = 1000 interprétations possibles.
Je suis nul en math, je vous laisse poursuivre.
Ceci est important, des fois je me rend compte qu'un simple mot glissé lors d'une de ces tentative d'explication s'est gravé durablement dans la mémoire d'un patient, et n'a pas toujours été interprété comme j'aurais pensé qu'il le serait.
D'autres fois je bondis (intérieurement) à l'écoute d'une phrase assénée par un confrère, souvent spécialiste, qui peut sans s'en rendre compte (?) marquer un homme au fer rouge...
Les gens se souviennent. Nous voyons DES patients défiler. Eux voient UN médecin, LEUR médecin.
- Mentir pour protéger le patient. Ou parce qu'on pense que le mensonge sera protecteur pour le patient.
Dans la même catégorie :
- Mentir pour éviter de faire du mal, pour éviter de créer de l'angoisse alors qu'il y en a déjà tant.
Bien pire :
- Mentir pour essayer de faire plaisir.
Parfois :
- Mentir pour se protéger.
- Mentir pour protéger quelqu'un.
- Mentir pour préserver le secret médical.
Souvent :
- mentir pour abréger, prendre un raccourci, parce qu'on a pas le temps, jamais le temps.
Mais aussi :
- Mentir pour soulager.
Qui décide si c'est bien ? Qui décide si c'est mal ?
Qui décide si ça n'est ni bien ni mal, mais juste nécessaire ?
Nous.
Moi.
Tout seul.
Pas de protocole pour ça, pas de recommandation HAS.
Immense valeur de l'expérience interne, sans aucun doute.
Immense valeur de l'intuition, je crois (attention, ceci est une croyance personnelle non étayée par la science, qui n'engage que moi, do not beat me please Mrs CMT).
Immense valeur du silence, qui parle souvent mieux que les mots.
Sommes nous des menteurs professionnels ?
Je le crois.
Je l'accepte.
Est-ce difficile à vivre ?
Parfois.
En tout cas je trouve que c'est déjà difficile à pratiquer avec justesse.
PS : Tiens, cela me fait penser à un bouquin qu'on nous avait donner à lire en P1 (comme si on avait que ça à foutre en P1 !) : "La vérité médicale", de Louise Lambrichs.
Ma mère l'avais lu pour moi, à l'époque (qu'elle en soit aujourd'hui publiquement remerciée).
Oui vous avez raison ;
DE LA MEDECINE GENERALE, seulement de la médecine générale
Trés beau et touchant texte. Il me touchen d'autant plus qu'en principe ma mére decrait commencer une chimiothérapie, mais une vilaine bacterie s#est mis en travers et value un 3e séjour hospitalier. Maintenant, de chimio son MG ne parle plus il faut d'abord qu#elle se replume un peu après un mois d'hospitalisation.
Il faut dire que l'oncologue qu'elle avait vu, lui avait dit qu'elle est libre de faire ou non une chimio, le plus important est le travail du chirurgien. Pas facile pour elle de prendre une décision, il y a quelques semaines, maintenant si oui ou non en faire une.
Je pense que dans toute maladie, la médecine moderne oublie que l'art ne consiste point à diagnostqiuer et à traiter une maladie, une pathologie, mais qu'il s'agit de soigner un être vivant qui souffre plus ou moins et que cet être malade est identique à l'être qui le soigne. Le professionnel de la médecine doit penser et agir qu’envers lui il a son homologue malade et se demander comment voudrait-il être traiter en cas de maladie? Je pense aussi en tant humain et non en tant maladie.
Il manque à la médecine moderne la compassion et la compréhension humaine mutuelle dans les rapports soignant - soigné.
Bonne soirée
Bonjour.
Plusieurs réflexions sur ce billet: le secret médical et la diffusion publique, mais aussi sur la délicate notion de la subjectivité dans la relation médicale.
Il y a quelques années, une équipe de journalistes d'une télévision voulait faire un reportage sur des personnes en soins dans un centre de soin de suite en alcoologie dont j'étais le médecin responsable. J'avais émis des réserves et j'ai toujours refusé en tant que médecin à laisser une personne en soin dont j'étais responsable être interviewée même avec l'accord de la personne y compris avec des techniques de "floutage". J'estime que nous ne devons pas exposer les personnes en soins à des conséquences que nous ne mesurons pas. Nous devons protéger nos patients. Pour la petite histoire, le reportage n'a jamais été diffusé et j'en suis heureux.
Le deuxième point concerne la subjectivité dans la relation médicale. Actuellement, tout concoure à minimiser cette subjectivité: le patient doit se conformer à ce qui est considéré comme un comportement "normal" et le médecin doit avoir des réponses conformes aux données de la science...Mais cela ne tient pas compte de la subjectivité et du patient et...du médecin.
En médecine générale nous sommes très souvent face à des personnes qui ne font pas ce que nous leur conseillons, qui ne prennent pas leur traitements, qui ne suivent pas les conseils d'hygiène de vie que nous leur proposons, qui refusent les chimiothérapies...avec le temps et l'expérience, je considère aujourd'hui que c'est bien comme ça. Car j'ai appris au fil du temps combien il est plus utile pour ces personnes de prendre en compte avec eux leur mode de vie, leurs valeurs, leurs croyances. le respect de tout cela permet un dialogue et un suivi ou tout n'est pas parfait, ou il y a des hauts et des bas. Mais c'est à cette condition que le lien existe et qu'un suivi peut se faire.
La notion de réduction des risques se rapproche de cette réflexion sur la subjectivité en médecine.
Une petite erreur. Un petit copié-collé.
A Frédéric,
Je n’ai jamais frappé personne mais je trouve juste que s’il ne faut pas mentir aux enfants, nous disent les psychologues, il ne faut pas mentir non plus aux patients. C’est infantilisant et dégradant. Et ce n’est jamais pour le bien du patient mais uniquement pour convenance personnelle.
Ne pas mentir ne signifie pas tout dire sans ménagement.
Cette situation me renvoie à l’accompagnement vers l’acceptation du handicap de leur enfant par les parents. C’est aussi un deuil à faire, le deuil de l’enfant idéal. Et ce n’est pas une mince affaire dans cette société où seule la performance est valorisée. Où seuls les meilleurs, les plus beaux, les plus rapides, les plus malins vont sortir la tête de l’eau, nous fait-on croire, et conquérir leur place au soleil.
Ce que ces deux situations ont en commun : une réalité s’impose à nous, celle de la mort, celle du handicap, et on ne pourra tricher que jusqu’à un certain point avec cette réalité.
Une autre situation, assez différente, est celle de la protection de l’enfance. Mais il existe des similitudes en ce que les professionnels ont obligation de lire le rapport d’évaluation après une information préoccupante aux parents. Ni les parents n’ont envie d’entendre ce qu’on a à leur dire, ni les professionnels n’ont envie de le leur dire. Mais c’est l’effort que cela demande à chacun qui est structurant.
En apprenant les règles de rédaction d’un rapport social, j’ai appris, à ma grande surprise, combien il pouvait être structurant et constructif pour chacun de s’astreindre à cet exercice désagréable. Pour que ça le soit, il est nécessaire que les professionnels restent très professionnels et qu’ils ne mettent rien de personnel dans leur travail. Ni jugement de valeur, ni préjugés. Les faits, uniquement les faits, en référence à la loi et à la protection de l’enfant.
Quand on a du mal à aborder certains sujets avec le patient, c’est vers soi-même qu’il faut se tourner et non en vouloir au patient ou essayer de tricher. C’est en partie de la technique et du savoir faire, en partie de l’introspection. Et je ne me flatte pas de maîtriser le sujet.
Un autre aspect est celui de la multiplication des essais cliniques concernant des thérapies anti cancéreuses. J’en ai parlé plusieurs fois dans les commentaires. En 2010UN PATIENT SUR 12 ATTEINT DE CANCER S’EST VU INCLURE DANS UN ESSAI CLINIQUE http://www.laprovence.com/article/actualites/1655053/cancer-les-essais-cliniques-en-augmentation-en-france-inca.html . Pourtant, les progrès dans le traitement des cancers sont minimes ou inexistants. Peter Götzche a été très clair à ce sujet dans son intervention à la pilule d’or 2013 de Prescrire. Les essais cliniques sont un des outils de la stratégie d’influence des Pharmas sur les médecins. http://www.prescrire.org/Fr/109/440/48258/2312/ReportDetails.aspx
Dans cette intervention il parlait des 1600 médecins embauchés comme « investigateurs » pour des essais cliniques au Danemark, pourtant l’un des pays les moins corrompus du monde. Il expliquait que ces essais étaient en fait des opérations marketing.
Stratégie qui a d’ailleurs attient son vrai but en France, qui n’était pas de sauver des patients comme on pouvait s’en douter, puisque tandis que les dépenses de ville diminuent, les dépenses pour « les pathologies lourdes » vues à l’hôpital augmentent. C’est un beau terrain de jeu pour les Pharmas, car les molécules, soi-disant innovantes, ne craignent pas la concurrence des génériques. http://www.mutualite.fr/L-actualite/Medicament/Medicament-baisse-inedite-des-depenses-en-2012
@ CMT :
Oui, message reçu, vous avez tout à fait raison :
il ne faut rien lâcher, se battre à chaque instant pour tout donner au patient, du moins toutes les informations qui lui permettront de participer à sa santé, à sa guérison.
Je suis à 200 % ok avec vous, madame CMT.
Mais voyez vous, depuis 2 ans mon idéalisme de "jeune médecin" s'écrase contre le mur de la pénible réalité de l'exercice libéral.
Je vous explique :
- Ne pas traiter le patient comme un numéro, comme un organe, une pathologie, c'est un acte.
- Partager le pouvoir avec le patient en le considérant comme son égal, c'est un acte.
- Jouer carte sur table et expliquer la démarche intellectuelle qui sous tend notre activité, c'est un acte.
- Expliquer au patient ce que d'autres n'ont jamais jugé utile ou important de lui expliquer, c'est un acte.
- Ecouter, c'est un acte.
- Faire la synthèse d'une situation et organiser un parcours de soin pour en préserver la cohérence (et accessoirement éviter moulte dépenses injustifiées), c'est un acte.
Ces actes là, personne d'autre ne les fait à notre place, ni ne nous aide à les faire. Personne.
Ces actes là sont pour moi la moelle de la médecine générale, mais n'en sont tout simplement pas au regard de l'assurance maladie :
quand il n'y a pas de technique (et de technologie), il n'y a rien de tangible, donc il n'y a rien du tout.
Du vent.
La valeur de notre travail est NIÉE.
Ça me révolte.
Pour pratiquer une belle médecine, il faudrait qu'on nous en donne les MOYENS.
Mais j'approuve tout ce que vous dites.
Et bien moi je ne suis pas à 200% d'accord avec CMT, la médecine générale ce n'est pas que les faits uniquement les faits !! parce que ce n'est pas ce que l'on nous demande !
déjà qu'en ce qui concerne les faits, une petite revue de la littérature épistémologique montre l'inanité de la notion de faits qui dépend intimement de l'observateur et de la théorie qui les sous-tend entre autres.
Ensuite parce que l'on nous demande le plus souvent d'étayer des choix en ce qui concerne l'avenir et la!! bonjour la météo Il n'y a qu'a revoir le très bel article de CMT sur les vaccins pour lui demander comment en une consultation elle résume ou "vulgarise" ces notions sans s'impliquer, sans trahir les faits, sans mentir, je n'ai moi-même jamais pu en faire une synthèse cohérente pour ma pratique.
Déjà qu'en médecine dite factuelle(un des 3 piliers de l'EBM chère à Docteur du 16)toute science médicale ne tient que sur des statistiques. Statistiques qui d'une part peuvent être (sont toujours?)manipulées (merci Winston Churchill) d'autre part n'ont que très très exceptionnellement une concordance fiable avec le patient singulier que nous avons en face de nous. Alors dire la vérité en s'en tenant aux faits sans mentir: ça s'appelle se mentir à soi-même. Les faits ne sont pas seulement têtus, ils sont complexes (merci Edgard Morin).
Mieux vaut à mon sens connaitre autant que faire se peut (belle utopie?)sa façon à soi de travestir la réalité par ses propres biais idéologiques, cérébraux, logiques, sentimentaux,psychologiques..et j'en passe de le faire savoir (... tout autant que faire se peut..)au patient qui nous a plus ou moins choisi (vaste sujet ) et continuer de se remettre en question parce que l'on n'y arrivera jamais mais qu'au moins on aura tenté. Je suis encore plus nul en maths que Fréderic mais je peux à la louche vous dire que l'équation patient-médecin flirte avec l'infini.
Je n'ai pas lu "La vérité médicale" de Louise Lambrich, mais j'ai suffisamment lu sur la vérité dite scientifique (et je ne suis pas un relativiste loin s'en faut)pour oser dire que je ne mens pas même en m'en tenant aux faits.
Je laisse CMT à ses douces illusions et je reprends mon malheureux deuxième pilier de l'EBM de mon expérience et mes contradictions personnelles.
En sachant qu'il faut être sacrément fort pour supporter l'incertitude et que moi aussi souvent je suis tenté de la refiler au troisième pilier et à ses choix de vie tout aussi relatifs que les miens, mais je lui mens et je le sais et je suis moi-aussi heureux quand je me dis que j'ai menti..si peu
@ dernier anonyme :
Je suis 200 % d'accord avec vous, monsieur l'Anonyme.
Ce qui démontre au passage et s'il en faut la complexité de l'âme humaine...
Il s'agirait en fait de s'entendre sur ce que l'on entend par mentir au patient.
Si j'approuve le principe d'honnêteté intellectuelle envers le patient, je suis comme vous très sceptique quant à l'existence d'une "vérité factuelle" que l'on pourrait à loisir choisir d'occulter ou de révéler à l'intéressé.
Cela me semble relever d'une conception très manichéenne des rapports médecin-patient, et je n'ai personnellement pas la prétention d'être le possesseur d'un savoir si pointu et vaste, qu'il me permettrait de donner à mon interlocuteur la totalité des clés nécessaires à la compréhension de son problème.
C'est juste de l'ordre de l'utopie.
Bien sûr qu'on est obligé de choisir les mots.
Et donc déjà de fragmenter la complexité d'une situation pour n'en délivrer qu'une parcelle qui nous semble la plus pertinent, à l'instant t.
Et bien sûr qu'une multitude de facteurs interviennent dans ce choix, à commencer par nos propres référentiels, qui sont eux même lourdement influencés par notre expérience, notre histoire propre, et j'ose le dire, nos croyances.
Excusez moi mais celui ou celle qui peut nier ça n'est à mes yeux pas fait de chaire et de sang.
Mais comme vous le dites avec beaucoup de justesse, connaître nos propres biais constitue le meilleur moyen de lutter contre le dogmatisme qui nous guette, tant il est plus confortable d'être pétri de certitude que d'entretenir le doute permanent et de se remettre en question.
J'en reviens aussi au silence attentif, car je suis persuadé que souvent ne rien faire/dire est beaucoup plus puissant que de vouloir faire/dire à tout prix.
@ dalilaleau Les oncologues, désolé d'être aussi brutal, le plus souvent, ne respectent pas le couple malade / médecin traitant. Cela a-t-il une importance ? Peut-être pas. Mais l'arrogance des hospitaliers oncologues qui savent tout et celle des comités de cancérologie qui décident de tout sans que le patient soit présent... Des progrès majeurs ont été accomplis dans de nombreux cancers avec des "protocoles" éprouvés mais dans de nombreux cas les protocoles sont des expérimentations sauvages.
Il est tellement rare qu'un oncologue me dise ce qu'il a dit à "mon" patient lors de la consultation d'annonce... Tout le monde est débordé, certes, mais...
J'aimerais pouvoir dialoguer avec les oncologues...
A bon entendeur...
Bonne journée.
Je reprends ce que j'avais dit, puisqu'on s'adresse à moi.
Le débat tournait, je crois, autour de la question de savoir si on peut et on doit dire la vérité aux patients.
Alors j'ai donné un exemmple précis d'un cas où l'on EST OBLIGE DE DIRE LA VERITE de par la loi, dans le cadre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance. Ce n'est pas strictement de la médecine mais c'est de la prévention. Et j'ai fait valoir que, dans ce cas, contrairement aux discours des médecins (et je dirais même les discours derrière lesquels les médecins se réfugient pour justifier leur propension à mentir aux patients), que je peux lire ici ou là, dire une vérité, même désagréable, permet une prise de conscience qui a des effets positifs (dans ce cas, par exemple,très concrètement, améliorer le sort des enfants concernés et éviter l'intervention de la justice et des mesures cohercitives).
Votre discours est trop général et s'applique à n'importe quoi et à n'importe quelle pratique de la médecine. P exp le médecin qui prescrit la pilule à une femme fumeuse de 45 ans pour ne pas la contrarier.
Le mensonge institué en moyen de gestion des patients a des conséquences en cascade:
1-conforter le patient dans ses attentes irréalistes vis à vis du médecin et de la médecine
2-l'emmener à être toujours plus exigeant, ce que le médecin va ensuite lui reprocher
3-faire du patient une proie facile pour le marketing des pharmas
@ CMT :
"Votre discours est trop général et s'applique à n'importe quoi et à n'importe quelle pratique de la médecine".
Nous ne parlons juste pas de la même chose !
Mon discours est généraliste en effet, en cela que je tentais d'explorer des traits communs à la majorité des situations que nous rencontrons dans l'exercice de la médecine générale.
Vous nous entretenez d'un cas particulier tiré de votre exercice de la médecine préventive auprès des enfants.
Vous portez un jugement en vous appuyant sur une situation dans laquelle le médecin occulterai sciemment UNE vérité factuelle à son patient.
Je réfléchissais sur la façon dont nous sommes amenés inconsciemment à tronquer une partie de la réalité, et sur le concept de LA vérité en médecine.
Que ces généralités conceptuelles ne vous intéressent pas, je le conçois parfaitement, je supporte sans problème le fait qu'on puisse me trouver ennuyeux.
Mais que mon propos aient pu vous laisser penser que j'étais un défenseur ou même un pratiquant du "mensonge institué en moyen de gestion des patients"...
Là, je regrette, mais je ne peux que constater que l'incompréhension entre nous est immense.
PS : d'ailleurs pas compris non plus le rapport avec la prescription de pilule chez la fumeuse.
Pour CMT et Frédéric
C'est mieux de dire la vérité bien-sûr, encore faut il la connaître!
Et ma vérité n'est pas la même que la vôtre...désolé, si c'était si simple, on le saurait.Ayant été patiente cancéreuse...je sais que si un médecin me dit:"sauf miracle, vous mourrez"je sais que j'entendrais peut-être: "j'ai des chances..."
il faut avoir les nerfs solides pour entendre ce qui est dit vraiment, surtout quand c'est le pire. Du coup les médecins ne disent pas avec tous les vrais mots, ils enrobent, pour ménager les patients et se ménager eux de la douleur des patients.Et cela présupposerait que les médecins seraient d'accord au sujet du pronostic, et là franchement je doute!
On a tous nos stratégies de survie psychique. l'ennui c'est qu'à force de pas dire vraiment, de suggérer, c'est encore plus compliqué...Alors ce n'est pas vraiment mentir sciemment. Il n'y a pas d'un côté les méchants docteurs paternalistes et de l'autre les pauvres patients crédules. Mais il y a beaucoup de petits arrangements. Et parfois même des miracles (avec ou sans chimio d'ailleurs).
Bonjour,
Nous venons de parcourir votre blog, "De la médecine générale, seulement de la médecine générale", que nous avons beaucoup apprécié. Nous aimerions ainsi vous inviter à vous joindre à nous, et plus exactement à devenir rédacteur sur CareVox, premier site participatif dédié aux actualités de santé et de médecine.
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A Fredéric
je suis bien désolée si je vous ai donné l'impression que vous étiez ennuyeux. ce n'est pas ce que je voulais dire.
Je crois qu'il y a un malentendu sur la question de ce qu'on dfinit sous le terme de vérité. Dans le cas que je citais il s'agit d'observations partagées: ce qui a été dit ou constaté au moment de l'évaluation alors que les deux parties étaient présentes.Pour que ce soit entendable par une famille il faut que cela corresponde strictement à ce qui s'est passé. Sinon il y a un sentiment d'injustice qui empêche la poursuite de tout dialogue.
Mais la vérité cela peut être de dire: "je ne connais pas la réponse à votre question ou demande". Je le dis souvent. Et j'ajoute: "je vais faire mon possible pour me renseigner". Ou alors: "je pense que personne n'a la réponse à cette question". Autrement dit faire le constat commun de l'étendue de notre ignorance. Et plus j'approfondis de sujets plus je m'aperçois de l'immensité de l'étendue de notre ignorance.
Et puis il ya la question de ce que j'appelle "l'état d'esprit" et que j'ai du mal à définir même si je pense que l'importance en est fondamentale dans l'exercice de la médecine.
Mon état d'esprit c'est de poser comme principe de ne pas mentir au patient.Après, à moi de m'en débrouiller. Ce n'est pas le problème du patient.
Mais je me suis aperçue, dans ma pratique, qu'il y a presque toujours moyen de ne pas mentir. Ou si je n'arrive pas à dire certaines choses, c'est à moi de comprendre pourquoi et de le travailler.
L'exp de la fumeuse de plus de 40 ans qui veut prendre la pilule, je ne sais pas s'il était bien choisi.
En l'occurrence c'est un fait établi et même une contre-indication dont pas grand monde n'a l'air de se soucier en France.
Dire à une femme qu'elle n'a pas accès à tel type de contraception en raison de son âge et de son tabagisme c'est lui imposer une frustration. C'est pourtant important de le lui dire et de ne pas lui laisser croire le contraire (mensonge par omission).
Bonsoir,
Je réponds à toutes et à tous et en vrac.
1) l'objet de mon billet était de faire prendre conscience à mes collègues que la tyrannie du oncologiquement correct doit être remise en question
2) que le dialogue hôpital / MG est au point mort en oncologie (sauf execptions que ne manqueront pas de nous rappeler des collègues)
3) que la chimiothérapie qui "sauve des vies" est parfois très délabrante et source d'effets indésirables graves qu'il vaudrait mieux annoncer pour les prévenir (certains services le font)
Ensuite, se pose le problème de la vérité.
Il n'y a pas de vérité, il n'y a pas d'information éclairée, il n'y a que des approximations et la prise en compte de ces approximations (Allo, le médecin qui ne connaît pas l'inconscient...) fait partie de la difficulté du métier mais, surtout, de la difficulté d'être malade.
Dire la vérité au malade est impossible car il faudrait que la vérité bayesienne soit comprise par le médecin et par le malade.
On doit s'approcher d'une relation de confiance et il est nécessaire que le médecin traitant participe à ces entretiens vertueux. Mais c'est quasiment impossible.
Dans l'immense majorité des cas, mourir chez soi, c'est mieux. Mais pas forcément pour l'entourage.
J'espère pouvoir écrire un billet pertinent sur le sujet.
Bonne soirée.
Chez les oncologues, c'est comme partout, il y a de tout. (pareil pour les généralistes).
j'ai la chance de travailler sur un secteur ou le dialogue oncologue/médecin traitant/malade est satisfaisant. Ce n'est pas un centre hospitalo-universitaire. ceci explique peut être cela...
les patients qui veulent se faire soigner ailleurs "dans un grand centre ou à Paris pour avoir toutes les chances" (ce qui se comprend) sont la plupart du temps déçus et épuisés par des aller-retour et l'isolement familial. C'est aussi difficile pour les familles.
je crois, comme docteur du 16, que nous faisons ce que nous pouvons pour avoir une relation de confiance avec nos patients. Nous essayons d'expliquer, mais savons nous réellement ce qui est entendu ou interprété dans ce que nous disons? J'ai l'expérience que nous ne maitrisons pas grand chose sur ces sujets. Alors dire la vérité peut être, être honnête sans doute, mais malgré tout vous ne saurez jamais ce qui a été perçu par le malade et son entourage.
@Dr Bill
Je suis d'accord avec vous.
C'est pourquoi je propose de travailler ensemble.
Vous y arrivez : bravo.
Pas moi.
Que fait-on ?
Bonne soirée.
@ dr 16
Ce que l'on fait ?
Comme d'hab. Nous retrouvons nos patients à un moment ou ils n’intéressent plus personne. C'est à nous de nous débrouiller.
J'ai toujours l'espoir qu'un dialogue ou un échange avec nos collègues travaillant en institution permettent une compréhension mutuelle et une réelle collaboration pour soulager les patients et les familles qui nous font confiance.
Nous, les généralistes, n'avons pas le monopole du soutien et de l'accompagnement des fins de vie. Quand la complémentarité marche, nous sentons moins isolé, plus cohérents.
Mais malgré une bonne complémentarité reste le mystère de la mort et je persiste à penser que nous ne maitrisons rien de ce que va retenir de cette expérience le conjoint le parent ou la famille de ce que nous faisons dans ces moments la.
Le choix de ne pas se soigner est une réalité. J'ai aussi vécu ce que vous racontez. Je me suis longtemps demandé ce que j'aurai pu faire pour amener ce patient vers les soins car j'étais formaté pour cela. Aujourd'hui, je reste perplexe dans ces situations mais je suis plus détendu.
Reste parfois l'entourage qui ne comprend pas que l'on ne fasse "rien".
Juste quelques remarques générales que je me suis faites.
Ne pas dire la vérité est-il toujours un mensonge ? ça pourrait être un sujet de disserte pour le bac !
Les militaires qui ne révèle pas certains secrets militaires sont-ils des menteurs ?
En médecine générale, le médecin peut être amené à ne pas tout dire à son patient et possiblement dans l'intérêt même de ce dernier. En médecine publique, les experts et professeurs de santé publique peuvent ne pas dire tout ce qu'ils savent aux populations, voire aux autorités, ce qui peut les conduire à substituer une autre vérité à celle qu'ils connaissent. Les exemples abondent de ce genre de situation, tout particulièrement avec les vaccinations.
Où est la frontière entre ne pas tout dire voire créer une "vérité" de substitution pensée comme étant l'intérêt d'un patient ou d'une population comme lui faire accepter par exemple une campagne de vaccination qui devrait s'avérer bénéfique à terme mais qu'elle n'accepterait pas si elle en connaissait les inconvénients et ce qui serait à considérer comme une véritable manipulation contraire à l'intérêt du patient ou de la population.
Il semble qu'on ne puisse souvent en juger de façon sûre qu'à posteriori. La "pandémie" H1N1 pourrait être un exemple : un critère de pandémie est que le virus élimine tous ses concurrents (H1N1 1918 éliminé par un H2N2 en 1957, lui-même éliminé en 1968 par un H3N2. Mais a posteriori force est de constater que le H1N1 2009 n'a pas éliminé les virus B et H3N2 qui depuis se sont montré dominants). Ce n'était donc pas une pandémie.
De mon côté des choses, quand j'annonce un cancer/progression/possibilité de traitement, j'ai déjà a adapter ce que j'explique selon chaque patient. Je répond aux questions que l'on me pose, mais ne les devance pas forcément(généralement, vais je guérir docteur?). Après, je refais la même choses avec la famille. J'envoie un courrier au médecin traitant, mais expliquer correctement nécessiterait un entretien téléphonique, que nous n'avons géneralement pas le temps de faire. Maintenant, aucun médecin ne m'a jamais envoyé de courrier pour qu'on rediscute ensemble.
Après, je suis choquée qu'on puisse dire que cela ne sert a rien d'envoyer des patients car trop grave. Je suis oncologue thoracique, des patients avec des maladies avancées, j'en vois. Parfois, je ne propose pas de traitement, je revois alors les patients régulièrement pour la gestion des symptômes. Un patient qui refuse tout traitement, ça arrive, on discute ensemble. Parfois, une chimio conventionnelle semble hors de propos, mais on peut donner des thérapies ciblées. J'ai en tête une patiente de ma chef, avec un bronchiolo, sous tki depuis 5 ans. Des qu'elle les arrêtent, elle s'étouffe.
Dire que la décision est prise en comité sans voir le patient est une aberration. L'oncologue référent qui a vu le patient, et souvent anticipé les possibilités de ttt avec lui, présente le dossier. Je ne vois pas ce que vous proposez.
Je ne sais comment les autres centres fonctionne, pas d'arrogance chez moi, on est la pour travailler au mieux pour les patients. Certains patients me disent qu'ils n'ont plus besoin de voir le médecin traitant, je leur dit l'inverse, qu'on travaille ensemble.
Certains MG s'en lavent quand même parfois les mains.
Il y a de tout partout, y compris des gens qui essaient de travailler au mieux pour les patients.
Je ne considère pas mon boulot d'oncologue comme prescripteur de chimio. Je suis la pour accompagner mon patients, même quand on arrête tout traitement agressif.
Cordialement
@ Anonyme
Merci pour ce commentaire.
On a toujours tendance à généraliser, c'est certain et il est difficile de parler d'une communauté oncologique monolithique.
Je réponds à vos propos.
Je ne doute pas que vos consultations d'annonce soient bien menées.
Vous écrivez un courrier au MG, bien, mais quand il le reçoit, c'est déjà trop tard. Il a déjà revu le patient et / ou sa famille et il ne sait pas ce qui a été dit, quel degré d'espoir a été donné, quelles précisions sur les effets indésirables et lesquels...
C'est pourquoi certains MG s'en lavent les mains : pensez-vous qu'ils ne craignent pas de dire le contraire de ce qu'a dit l'oncologue ?
Envoyer un courrier pour discuter ? Vous plaisantez ? cela se fait de vive voix.
Les comités de cancérologie sont dominés par plusieurs choses : 1) le jusqu'au boutisme, 2) la domination de certains spécialistes, 3) la tarification à l'activité, 4) la prescription de produits chers et non éprouvés (j'exagère un peu...)
Le MG n'est jamais là mais c'est normal il ne peut, en l'état actuel de l'organisation de la médecine, passer deux heures dans un H où il est accueilli comme un chien dans un jeu de quilles (avec une semaine dépassant les 50 heures) pour s'entendre dire que c'est comme ça et pas autrement.
Si, il est possible de shunter l'oncologue car la pression sur les malades qui ne veulent pas être traités est souvent trop forte.
Quant aux miracles, ils existent, même à Lourdes, mais les traitemens de troisième ligne et hors de prix qui font gagner une semaine de vie, c'est au MG de discuter avec "son" malade qu'il connaît parfois depuis 30 ans de renoncer.
Bonne soirée et encore merci de répondre de façon aussi franche et mesurée.
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