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mercredi 14 août 2013

Refondation de la médecine générale. Réflexion 4. L'enseignement de la médecine ne prépare à rien et encore moins à la médecine générale.


(Je me rends compte en regardant les commentaires des billets précédents que cela part dans tous les sens.
Tant mieux.)
Je suis en vacances en famille et ma nièce prépare l'ECN (Examen Classant National). Elle a emporté 34 kilos de bouquins.
Je jette un regard distrait sur la pile des livres.
Je l'interroge sur les spécialités les plus recherchées, ce qui me rend rêveur : orthopédie en premier...
Elle fait une prépa qui coûte une fortune à ses parents.
Les cours ne sont pas sur internet car il faut bien faire du business avec les conférences, les ventes de polycopiés, de livres.
Cela me rappelle l'internat, les confs, les sous-colles, les polycopiés, les années d'il y a longtemps.
J'attrape le bouquin de Dermatologie écrit par le Collège des Enseignants. Je réfléchis et je sélectionne deux sujets qui m'intéressent a priori parce que c'est une interrogation assez fréquente en médecine générale. Erysipèle et Mélanome cutané.
Cela me rappelle encore plus furieusement les questions d'internat de ma jeunesse (cela devait être en 1976). Comme c'est "moderne" il est écrit en début de question : "Objectif pédagogique" et l'objectif pédagogique est creux et sans intérêt. Je parle du point de vue d'un médecin généraliste. Mais du point de vue d'un spécialiste, c'est pas mieux.
Erysipèle : c'est une longue bouillie verbale où les arguments de fréquence sont oubliés, où tout est placé sur le même plan, les tableaux graves comme les tableaux légers. Enfin, c'est 34 ans de pratique de l'érysipèle en médecine générale qui me le fait dire. C'est non seulement une bouillie mais un catalogue sans queue ni tête, une sorte d'accumulation à la Arman (désolé, ce n'est pas dans le programme) et j'imagine l'impétrant qui n'a jamais vu un érysipèle de sa vie et qui, lorsqu'il en verra un pour la première fois à l'EHPAD du coin, envisagera d'emblée l'amputation.
Mélanome. C'est du lourd : tout médecin doit savoir diagnostiquer un mélanome à temps... et cetera. Bon, c'est encore un catalogue, c'est plutôt bien structuré, il y a des digressions académiques sur un peu tout et n'importe quoi et sur cette masse de mots, on finit par découvrir celui de dermoscope. En passant. Les dermatologues ne doivent pas utiliser de dermoscope, les dermatologues ne doivent pas s'être formés à la dermoscopie, les médecins qui ont rédigé le truc ont dû recopier les questions d'externat de Claude Bernard. C'est nul.
J'attrape un bouquin d'Urologie moins épais signé par un certain H. Goncalves qui serait un médecin qui a été bien classé à l'ECN. Les tumeurs de la prostate occupent les pages 37 à 49. J'ai l'impression que je connais deux ou trois trucs sur le cancer de la prostate (voir ICI ou LA). Cette question est un florilège de khonneries. Je souligne.
Vous voulez des exemples ? En italique, c'est écrit dans le marbre.
 Dosage du PSA : 
Dépistage individuel  recommandé par l’AFU (pas de mentions d’autres recommandations contraires)
But du dépistage : diminution de la mortalité
Pour tous les hommes entre  50 et 75 ans si espérance de vie supérieure à 10 ans
Normal, n’élimine pas le cancer, à renouveler de façon annuelle
Anormal (TR ou PSA) implique la réalisation de biopsies prostatiques.
Et après il y a des gens qui accusent les médecins généralistes de doser le PSA ! Nul doute que l'AFU sélectionne les urologues avec bienveillance... 
J'ai eu beau chercher le mot sur diagnostic, je n'ai pas trouvé.

On se résume : le peu que j'ai consulté des documents de préparation à l'ECN sont de la daube en cubi. Et j'imagine ce que j'aurais découvert en regardant Cancer du sein ou Vaccination contre le papillomavirus.

J'apprends aussi qu'à la Pitié-Salpétrière il existe en fin d'études 10, j'ai bien dit 10, maîtres de stages en médecine générale. Que certains stages, comme en 1972 quand j'ai commencé médecine sont de la daube en conserve (avariée) et que l'on apprend ni la médecine ni la médecine générale.
Passons sur le fait que la majorité des profs utilisent des diapositives issues directement de Big Pharma (ils n'enlèvent même pas la marque...).

La médecine générale n'est donc pas une spécialité.
Je le savais.

La médecine universitaire est sclérosée (les mêmes questions d'internat qu'il y a plus de 30 ans), pourrie (sponsorisée par Big Pharma), malhonnête, anti scientifique et ne prépare à rien sinon à la recréation et la reproduction des "élites" dont la caractéristique principale est l'illettrisme médical (ICI).

Bon. On refonde quand ?

(Illustration : Accumulation - Arman (Pierre Fernandez) : 1928 - 2005)

lundi 25 mars 2013

Brèves médicales pour ne rien rater de l'actualité.


Cancer du sein.
Peter Götzsche (dont nous avons souvent parlé ICI) persiste et signe LA : à l'occasion de la parution des nouvelles recommandations canadiennes (LA) sur le dépistage du sein par mammographies chez les femmes âgées de 40 à 79 ans, dont il salue les avancées, il écrit ceci : "The best method we have to reduce the risk of breast cancer is to stop the screening program. This could reduce the risk by one-third in the screened age group, as the level of overdiagnosis in countries with organized screening programs is about 50%.11" Cela vous en bouche un coin ?  Et il ajoute ceci : "If screening had been a drug, it would have been withdrawn from the market. Thus, which country will be first to stop mammography screening?" Vous imaginez les pontes français du dépistage du cancer du sein dire le quart de la moitié d'un truc pareil...

Cancer de la prostate.
Alors que sur les réseaux sociaux le professeur Vallancien (@gvallancien sur tweeter), contre toute évidence, défend le PSA coûte que coûte en tordant le cou des résultats des essais cliniques au nom de son expertise mandarinale, le docteur Pierre Goubeau a gagné son procès. Dominique Dupagne a été en première ligne pour le défendre, il est juste de rendre à César ce qui appartient à César (sans oublier Jean-Luc Gorel qui se reconnaîtra). Vous lirez Dominique Dupagne dans le texte : LA pour la présentation des faits et ICI pour le jugement.

Nul doute que l'Eglise de Dépistologie va répliquer et affûter ses argumenteurs / argumentaires.

Les nouveaux anticoagulants.
Pour se faire une idée de la place de ces nouveaux produits, je vous propose LA une mise au point Minerva (voir ICI pour la revue et LA pour l'éloge de Grangeblanche). Le sujet est difficile car il existe trois molécules, des indications pointues, des études à la méthodologie complexe (études de non infériorité  par exemple) et des risques encore à découvrir. Toujours est-il que la coumadine est encore bien placée. Pour mémoire des informations déjà anciennes de l'ANSM : ICI.
PS : Un Minerva tout neuf (29 03 2013) : ICI qui montre que dans la fibrillation auriculaire et dans les thromboses veineuses ce n'est pas aussi simple que cela.

Baclofène : le combat des Modernes contre les Anciens.
Un post de Jean-Yves Nau, dont vous savez combien je partage les éminentes vues (LOL), voir ICI, LA et LA, est consacré au  baclofène et il m'a laissé pensif : ICI. Il existe donc les baclofénistes et les non croyants. Les baclofénistes appartiennent au clan des modernes et les autres au clan des anciens. Nau a choisi son camp. Ainsi, selon l'auteur, on assiste à une explosion des ventes de baclofène et cela va être l'occasion d'une formidable phase IV mais il faudrait que l'ANSM se bouge un peu ! Les phases IV sont aux études cliniques ce qu'un livre de Marc Lévy est à un livre de Philip Roth. Ah, j'oubliais : je suis un ancien. Le baclofène est une belle supercherie qui va se dégonfler au fur et à mesure que les essais vont être publiés. Mais l'attrait du hors AMM, le renouveau de l'alcoologie est à ce prix. Nous verrons. Pour l'instant je n'en prescris pas.

La narcolepsie post Pandemrix.
L'ANSM est toujours muette mais l'agence suédoise (Läkemedelsverket) confirme ce jour le risque augmenté de narcolepsie après vaccination par pandemrix chez les enfants et les adolescents et montre un risque augmenté chez les jeunes adultes (21 - 30 ans) : ICI.

Illustration : Les Oeuvres de Georges Steiner viennent de paraître chez Quarto.





mardi 31 juillet 2012

Une métaphore tragique liée au PSA : un oncologue "guéri" du cancer et incapable de courir.


Dans les Archives of Internal Medicine, Charles L. Bennett, médecin, oncologue, spécialiste du cancer de la prostate depuis 25 ans et titulaire d'un diplôme de santé publique, raconte ICI (A 56-year old physician who underwent a PSA test Arch Intern Med. 2012;172(4):311-311. doi:10.1001/archinternmed.2011.2246) la tragique histoire d'un patient de 56 ans dont il s'est occupé et dont le destin morbide (parésie du bras et de la jambe droites apparue en post opératoire immédiat) le taraude en raison des décisions qu'il a prises et qui ont amené le patient à cette condition.
Le problème majeur : Charles L. Bennett est à la fois le médecin qui a décidé l'attitude thérapeutique et le patient qui a subi les effets indésirables.
Il conclut son article ainsi : "Même le patient le plus informé (moi en l'occurrence) a des difficultés à prendre une décision vraiment informée."
Cette lettre peut être interprétée de multiples façons.
Merci de la lire auparavant, c'est court, afin que vous puissiez vous faire une idée avant que je ne commente de façon qui pourrait vous paraître orientée.

Voyons d'abord la succession des faits :
  1. Il décide à 50 ans de faire son PSA annuel et rituel : 2,5 ng / ml (il était l'année précédente à 1,5). Et savez-vous ce qu'il fait ensuite ? D'en parler à un urologiste qu'il connaît bien et avec lequel il a effectué des recherches. L'urologiste lui demande de faire des biopsies.
  2. Les biopsies sont effectuées 6 semaines après et il va les lire lui-même avec l'anatomopathologiste. Le score de Gleason est à 3+3 dans 1 sur 12 des prélèvements et il n'y a aucun envahissement.
  3. Il a peur du cancer. 
  4. Son expérience interne lui rappelle que la majorité de la centaine de malades qu'il a vus avec le même tableau clinique ont, dans ce cas, opté pour la chirurgie, et une faible proportion pour la radiothérapie ou pour la simple surveillance. Son expérience externe, il la recherche auprès des meilleurs spécialistes du pays (chirurgiens, oncologues, radiothérapeutes) et non dans la lecture des publications.
  5. Il décide de se faire opérer (prostatectomie radicale).
  6. Pour mettre toutes les chances de son côté, et parce qu'il a peur, à 50 ans, de subir des conséquences sexuelles de l'intervention, il choisit un leader national pour l'opérer pensant que chez un homme en bonne santé de son âge les risques de troubles sexuels, de troubles vésicaux ou intestinaux sont faibles et qu'il y a 100 % de chances qu'il n'ait plus de cancer 20 ans après.
  7. Cinq ans après : pas de cancer, dit-il, PSA à 0 mais parésie du bras et de de la jambe droite. Il ne parle pas de sexe mais il ne peut plus faire sa course à pied quotidienne.
  8. Il cite alors les recommandations récentes de l'US Preventives Service Task Force (LA) et se lamente de ne les avoir pas connues auparavant. Il dit que si c'était à refaire il opterait pour la surveillance active.
De mon point de vue il s'agit d'une succession d'erreurs de raisonnement médical. Est-ce dû au fait que nous avons affaire à un spécialiste du cancer de la prostate ? Est-ce lié au fait qu'il soit à la fois le médecin et le patient ? Est-ce dû à sa pratique, à savoir travailler dans une équipe multidisciplinaire spécialisée dans la pathologie dont il croit être atteint ? Est-ce provoqué par la croyance répandue qu'en matière de cancer Le plus tôt c'est le mieux ? Est-ce lié à la cancérophobie personnelle du médecin malade ?

La communauté urologique croit majoritairement, notamment aux Etats-Unis d'Amérique, aux bienfaits du dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA.
Charles Bennett  a agi avec lui-même comme il agissait avec ses patients, prétend-il.
Travaillant dans un centre d'oncologie urologique depuis 25 ans il y a acquis une incontestable technicité et une façon de penser. Ce n'est pas une pensée sectaire mais une pensée communautaire de travail. Comme il existe une pensée communautaire majoritaire chez les boulangers ou chez les enseignants ou chez des employés de coca cola. Cela ne signifie pas que tout le monde pense la même chose, la réalité dit le contraire tous les jours, cela signifie que le fait d'endosser un statut entraîne de façon presque automatique une façon de penser et de se comporter qui ignore le reste du monde.
Robert Musil faisait dire à l'un de ses personnages dans L'homme sans qualités qu'il ne fallait jamais interroger quelqu'un sur son travail car il ne pouvait pas dire la vérité.

Dans les faits qui nous sont rapportés nous pouvons extraire quelques comportements erronés ou dangereux. 
  1. Demander une biopsie avec un PSA à 2,5 contrairement à toutes les recommandations, émaneraient-elles de la communauté urologique et / ou oncologique
  2. Lire lui-même les plaques histologiques le concernant
  3. Etre cancérophobe en étant oncologue
  4. Ne pas se mettre dans la position d'un questionnement EBM à propos de son propre cas, ce qui, admettons-le, est pratiquement impossible. Nul doute que son expérience interne aura changé...
  5. Décider de se faire opérer pour être à 100 % "cancer free" 20 ans après
  6. Etre persuadé que les complications post opératoires sont malades dépendants (il se dit en bonne santé) et opérateurs dépendants et donc non liées au hasard (ce qui, selon mon expérience interne est quand même assez vrai) et choisir le "meilleur" pour se faire opérer
  7. Etre un malade guéri
  8. Croire que les dernières recommandations, celles de l'USPSTF, sont sorties de nulle part et non de publications qu'il aurait dû lire (expérience externe).

Je voudrais également souligner un fait qui a dû, tout comme moi vous choquer : il ne dit pas un seul mot des centaines de malades qui ont défilé dans son bureau et pour lesquels il a appliqué les mêmes principes !


dimanche 25 mars 2012

Cancer de la prostate : If you don’t mind what goes on your death certificate, prostate screening is a waste of time. Richard Lehman.


Les lecteurs de ce blog vont se demander si je ne fais pas une fixation pathologique sur certains sujets, le dépistage du cancer de la prostate au moyen du PSA étant l'un de ceux là. Après tout, je en suis qu'un homme... Mais il s'agit aussi d'une situation paradigmatique puisque nous avons des faits, des données, des preuves et nous avons aussi une polémique, des débats contradictoires et des préjugés. Le monde réel est celui des illusions, des parallaxes, des a priori, et des croyances. 
Mais, bon, cent fois sur le métier, remettons notre ouvrage.
(Rappel : nous avons montré sur ce blog, LA, combien les carottes étaient cuites et je ne peux que vous recommander de lire des auteurs indépendants de moi comme Alain Braillon -- ICI-- ou Dominique Dupagne --LA--, qui ont depuis longtemps enfoncé le clou).


Une nouvelle étude vient de paraître dans le New England Journal of Medicine. Elle a étudié la mortalité due au cancer de la prostate pendant et après onze ans de suivi. Vous trouverez ICI un abstract à lire, la version intégrale demandant un abonnement. Elle indique de façon claire que le risque relatif de mourir d'un cancer de la prostate est diminué de 21 %, voire de 29 % après ajustement pour non compliance, selon que l'on dépistait ou non le cancer de la prostate en dosant le PSA. Quant à la diminution du risque absolu de mourir d'un cancer de la prostate dans les conditions de l'essai, elle est de 0,1 décès pour 1000 personnes-années, soit 1,07 mort évitée pour 1000 hommes randomisés. Pour conclure sur cet essai, largement sponsorisé par nombre de firmes pharmaceutiques commercialisant des anti cancéreux, disons que pour prévenir un décès dû au cancer de la prostate pendant 11 ans de suivi il faut inviter 1055 hommes au dépistage et trouver 37 cancers de la prostate.
Enfin, last but not least, mais c'est le résultat le plus important, il n'y a pas de différence en termes de mortalité totale.
Cette divergence mortalité totale / mortalité liée à la prostate est un des éléments clés du débat. Mais les mêmes interrogations se posent pour le dépistage du cancer du sein par mammograpie, nous l'avons vu sur ce blog (ICI).
L'opinion la plus communément répandue, et que je partage, est que tout moyen d'intervention qui ne diminue pas la mortalité globale n'a pas d'intérêt. A quoi cela peut-il bien servir de dépister une maladie pour la traiter si, au bout du compte, on ne diminue pas la mortalité globale ?
Il existe bien entendu des arguments opposés. Pour les résumer, on peut dire d'abord qu'il faudrait, quand la maladie est fréquente, inclure des effectifs considérables ; ensuite, que la santé publique ne s'intéresse pas seulement à éviter la mortalité mais aussi à éviter la morbidité, c'est à dire à la vie sans maladie ; enfin, que les patients du groupe dépisté vivent a priori plus longtemps que les non dépistés et peuvent ainsi plus fréquemment mourir d'autre chose (effet lead-time) (et vous verrez LA, dans les commentaires, des arguments pro et des arguments contre, notamment de Ha-Vinh).
Mais les contre arguments les plus forts pour imposer de ne prendre en compte que la mortalité globale et non la mortalité spécifique sont ceux-ci : le dépistage n'est pas anodin et n'est pas sûr, il peut entraîner des dommages graves, dont des décès, chez des patients en bonne santé, c'est à dire induire mortalité et morbidité chez des personnes (pas des patients, pas des malades) qui ne demandaient rien, qui n'auraient jamais été malades, ou qui, sans traitement, ne seraient jamais morts de la maladie qu'on leur a dépistée, et, dans le cas du cancer de la prostate rendre impuissants et / ou incontinents et / ou gynoïdes (voir illustration) pendant une dizaine d'années des hommes qui n'auraient pas eu la maladie ou qui n'en auraient souffert, non dépistée qu'un an ou deux (les cancers très agressifs).

Nous sommes dans le domaine des croyances.
Il n'est que de voir comment les journaux sponsorisés par Big Pharma et par l'Association française des urologues en tirent des conclusions dithyrambiques sur l'intérêt du PSA... Sans compter des blogs se prétendant objectifs (ICI).

Prenons un exemple où la croyance est plus forte que la logique mathématique et où l'exposition des faits de façon malintentionnée conduit au dépistage et où une présentation plus objective rend le sens commun indécis et le dépistage moins évident.
Je reprends cet exemple de Leda Cosmides et John Tooby, psychologues cognitifs et théoriciens controversés (LA pour se faire une idée de leurs recherches, controversées), exemple cité par Jean-Pierre Dupuy (L'avenir de l'économie. Paris : Flammarion, 2012).
Première version :

Soit une maladie qui touche une personne sur 1000 en moyenne.
Il existe un test pour la détecter avec un taux de faux positifs de 5 %
Le résultat, dans votre cas, est positif.
Quelle probabilité donnez-vous au fait d'avoir la maladie ?
(la réponse n'est pas 95 %)

Deuxième version en forme d'explication :

Sur 1000 personnes testées une en moyenne aura la maladie et le test sera pour elle positif (en ignorant les faux négatifs) mais il sera positif également pour 50 autres personnes. Seul donc un individu sur 51 aura effectivement la maladie.
Donc la probabilité d'avoir la maladie avec un test positif est de 2 %

Etonnant, non ?

Enfin, voici un commentaire que j'ai trouvé sur le blog de Richard Lehman (LA) à propos de l'essai cité.
D'abord, notre médecin humoriste, écrit ceci : "Pourquoi appelle-t-on le PSA PSA ? Parce que cela signifie Perfectly Stupid Attributes pour un test de dépistage !" Je ne traduis même pas.
Mais surtout, voici le summum : "Now clearly, if you don’t mind what goes on your death certificate, prostate screening is a waste of time. But to inform our advice to patients, let’s look at it from the perspective of somebody who had decided they would rather die of anything but prostate cancer. “To prevent one death from prostate cancer at 11 years of follow-up, 1055 men would need to be invited for screening and 37 cancers would need to be detected.” So if you had a “cancer” detected by screening, there is a one-in-37 chance that treatment would prevent your death within 11 years. And your odds of dying from anything in that period would be the same."

Faut-il aussi que je ne traduise pas ?
Si vous vous en fichez de savoir ce qui sera marqué sur votre certificat de décès, le dépistage prostatique est une perte de temps. 

jeudi 27 octobre 2011

Cancer du sein et cancer de la prostate : où se passent les débats sur le dépistage ? Plutôt hors de France.


La lecture de la presse anglo-saxonne présente à la fois un côté excitant et un côté décourageant pour notre cerveau de grenouilles franchouillardes.
Excitant, car les débats fondamentaux de santé publique (le dépistage du cancer du sein, le dépistage du cancer de la prostate) font l'objet de débats entre experts académiques et sont publiés dans les revues savantes alors qu'en France il y a la presse officielle et expertale d'un côté, je dirais même la presse scientifique gouvernementale, et, de l'autre côté, quelques personnes non d'accord que l'on considère comme des activistes qui s'expriment dans des blogs ou dont les travaux ou les propos sont relayés par des associations dissidentes.
Décourageant, car on se dit qu'il n'y a pas moins de personnes intelligentes en France qu'ailleurs capables de mener un débat scientifique, qu'il n'y a pas moins d'experts cortiqués qu'ailleurs, pas moins de médecins qui lisent, pas moins de statisticiens qui calculent, pas moins d'économistes qui réfléchissent... et pourtant, le poids des institutions, des honneurs, des prébendes, du système des nominations, la méritocratie à la française en quelque sorte, rendent ces débats impossibles ou rares, nombre d'experts ayant peur de leur ombre, craignant qu'en s'opposant aux agences gouvernementales, aux instituts divers et variés, aux experts officiels, aux ministres, aux comités, au Haut Conseil, à la Direction Générale de la Santé, ils ne perdent leurs postes, leurs avantages et leurs voitures de fonction. Heureusement pour eux, ces experts franco-français, ils ont l'avantage de la barrière de la langue, ils savent que tout ce qui ne sort pas de la rue de Ségur paraît exotique à la majorité de leurs confrères...

Eh bien, chers amis, deux débats majeurs de santé publique sont actuellement dans la tête de tous ceux qui réfléchissent un tant soit peu au dépistage et au traitement, celui de deux des cancers les plus emblématiques de nos sociétés modernes, celui du sein pour la femme et celui de la prostate pour l'homme.

Je veux vous donner des exemples de ces débats tels que nous les lisons en ce moment.
(Avant ceci je n'oublie pas que certains médecins français "académiques" contribuent de façon déterminante aux débats sur ces dépistages, comme par exemple Alain Braillon, Gérard Dubois, Catherine Hill ou Bernard Junod. Il existe bien entendu d'autres médecins qui participent à ces réflexions mais ils sont non académiques et moins visibles dans le champ médiatique traditionnel à l'exemple de Marc Girard, Dominique Dupagne ou Chritian Lehmann. J'ai hésité à citer ces trois là car je me suis dit que toux ceux que j'avais oubliés allaient faire la tête et m'en vouloir. Qu'ils se manifestent ! Je voudrais souligner aussi et surtout la qualité pédagogique d'un livre que je suis en train de lire "No mammos ?" de Rachel Campergue dont l'auteure est non seulement non académique mais aussi non médecin, livre dont je parlerai bientôt avec enthousiasme.)

Cancer de la prostate.
Je vous ai récemment parlé de la publication états-unienne d'un projet de l'organisme de prévention américain (USPSTF) déconseillant le dépistage du cancer de la prostate par le dosage du PSA (recommandation de grade D) (ICI). Les commentaires sont ouverts jusqu'au 8 novembre. Bien entendu les lobbys se sont mis en branle contre cette recommandation mais il serait minorant de ne parler que de lobbys, il y a aussi des auteurs académiques qui "pensent" et pas forcément le contraire mais d'une autre façon. Le dernier numéro du New England Journal of Medicine a publié pas moins de quatre articles sur le sujet : un premier article (LA) très documenté de la part d'auteurs dont vous pouvez consulter les liens d'intérêts déclarés (ICI) sur tous les points que le projet a oubliés et, surtout, à mon sens, une réflexion très profonde sur la quasi impossibilité d'informer les patients de façon balancée lors d'une consultation en raison de l'incertitude des données et du temps qu'il faudrait pour essayer d'être "juste" : At first glance, these guidelines appear exemplary, because they embrace the idea of patient-centered informed decision making. However, before 2009 — when results from two large screening trials were finally published — an evidence-based discussion of benefits was impossible because no convincing data existed to support screening. To be sure, clinicians could speculate loosely about potential benefit (“We might catch prostate cancer early enough to save your life”) and potential harm (“Screening might result in burdensome interventions with serious complications”). But the idea that physicians could initiate truly informed discussion was wishful thinking, because clinicians and patients had to consider an enormous list of probability estimates and uncertainties: What PSA cutoff is best? What level should trigger repeat PSA testing or biopsy? How often should we repeat either one? What is the patient's pretest probability of cancer? What is the chance that a PSA test plus a biopsy will find cancer, if it's present? If cancer is found, will it be clinically important? Will this patient prefer surgery, radiation therapy, or watchful waiting? What are the probabilities of serious side effects from each treatment, and how will this patient weigh them? Most important, will screening reduce this patient's risk of death from prostate cancer? ; un deuxième article (LA) émanant d'un auteur, Michael Barry, que j'ai connu personnellement en bien pour avoir travaillé avec lui (lien ou conflit d'intérêt ?) et qui insiste sur le fait que les recommandations de l'USPSTF auraient dû être cotées Grade C et non Grade D, soit The USPSTF recommends against routinely providing the service. There may be considerations that support providing the service in an individual patient. There is at least moderate certainty that the net benefit is small. et Suggestions for practice : Offer/provide this service only if other considerations support offering or providing the service in an individual patient. ; un troisième article (ICI) insitant sur le choix individuel du patient et du médecin, une façon en quelque sorte de ne pas dire non brutalement au PSA et de continuer à laisser faire ; un quatrième article (LA) propose un cas clinique : que faire devant ce patient blanc non hispanique venant consulter pour la première fois et demander s'il faut dépister le cancer de la prostate en sachant qu'il n'a aucun antécédent familial et pas de signes urinaires ? L'article est long (on imagine la longueur de la consultation...) et se termine ainsi : Decisions about prostate-cancer screening should be based on the preferences of an informed patient.. Avec cela et un verre d'eau, on est bien avancés.

Cancer du sein.
Là, les choses sont moins avancées chez nous (la France) puisque le dépistage de masse par la mammographie est organisé dans de nombreux départements : voir ce blog : ICI et LA.
Mais voici où nous en sommes, pour l'actualité récente, en Grande-Bretagne, par exemple. Je vous rappelle que le même USPSTF américain, donc, a émis des recommandations de Grade C pour la mammographie avant 50 ans, c'est à dire au cas par cas (ICI), ce qui a provoqué un tollé aux EU où on "recommandait" de la faire systématiquement entre 40 et 50 ans. Revenons à la Grande-Bretagne. Nous avons vu sur ce blog que la présidente du Royal College of General Practitioner, Iona Heath, était opposée pour elle-même à la mammographie comme moyen de dépistage du cancer du sein. Il y a quelques jours une professeure d'obstétrique londonienne, Susan Bewley, a écrit une lettre dans le British Medical Journal destinée, cite la rédactrice en chef du BMJ, au England's cancer tsar, demandant que le programme de dépistage du cancer du sein par mammographie fasse l'objet d'une évaluation indépendante (ICI). Elle commence ainsi son argumentation, détaillée, documentée, justifiée, et on se rend compte que ce qui la choque le plus ce sont les mensonges que le NHS véhicule : Approaching 50, with a family history of the cancer (grandmother, aunt, and sister) and risk factors (late childbearing, low parity, obesity), I had to consider screening mammography for myself. It is natural to fear cancer and its treatments and understandable to think “better safe than sorry”—that the promise of early detection could offer me a much better chance of life and health. I declined screening when it was offered, as the NHS breast screening programme was not telling the whole truth.
Puis, dans un deuxième temps, le tsar en question, Mark Richards, effectivement un tsar et une star : national clinical director for cancer and end of life care, Department of Health, London, répond (LA) en arguant qu'il fait tout son possible pour répondre aux questions de sa collègue : I hope this reassures you that I take the current controversy very seriously. I will do my best to achieve consensus on the evidence, though I realise this may not ultimately be possible. Should the independent review conclude that the balance of harms outweighs the benefits of breast screening, I will have no hesitation in referring the findings to the UK National Screening Committee and then ministers. You also have my assurance that I am fully committed to the public being given information in a format that they find acceptable and understandable and that enables them to make truly informed choices..

Bon, les Anglo-Saxons, selon les froggies, sont des bonimenteurs de première grandeur, cf. les armes de destruction massive en Irak, mais n'est-ce pas, malgré les conventions du genre et les poses affectées de tout le monde, une leçon de démocratie sanitaire ? A bon entendeur, salut.



mardi 25 octobre 2011

Pour en finir une dernière fois avec le dosage du PSA pour dépister le cancer de la prostate.


Un organisme américain, USPSTF (United States Preventive Services Task Force), vient de publier un draft (projet) recommandant de ne pas doser le PSA pour dépister le cancer de la prostate chez l'homme.
Il s'agit d'une recommandation de grade D qui signifie : l'USPSTF recommande de ne pas pratiquer ce dosage. Il existe une certitude modérée à haute (vous lirez le tableau 2 du draft qui rappelle quels sont les niveaux de certitude) que ce dosage n'apporte pas un net bénéfice ou que les inconvénients l'emportent sur les avantages. L'USPSTF déconseille l'utilisation du dosage.
Vous pouvez ICI le trouver afin de vous en faire une idée et LA faire des commentaires si vous le souhaitez (on aimerait tant qu'en France ce genre de procédures soit ouvert mais ne rêvons pas : quelques années encore... ou jamais).
Je vais essayer de vous le résumer en m'aidant d'un document américain (Medscape) qui m'a facilité la tâche.

Voici, de façon préliminaire, ce qu'entend l'USPSTF par "sur diagnostic" (overdiagnosis) ou "pseudo maladie" (pseudodisease) :
  1. "Des preuves indiquent que les programmes de dépistage du cancer de la prostate par dosage du PSA entraînent la détection de nombreuses cancers de la prostate asymptomatiques.
  2. D'autres preuves convaincantes indiquent que la majorité des hommes chez qui sont découverts des cancers asymptomatiques de la prostate par dosage du PSA ont une tumeur qui répond aux critères histologiques du cancer de la prostate.
  3. Mais la tumeur, soit ne progressera pas, soit sera si indolente ou lente à se développer qu'elle n'affectera pas l'espérance de vie, soit n'entraînera pas d'effets délétères sur sa santé, et ainsi le patient mourra-t-il d'une autre cause.
  4. Le paragraphe 3 est la définition du sur diagnostic ou de la pseudo maladie"
A partir de cette définition on peut dire ceci : le taux de sur diagnostic augmente avec le nombre de biopsies ; une étude montre que, sans tenir compte du PSA, on trouve un cancer chez 25 % des patients à qui l'on pratique une biopsie ; le nombre de sur diagnostics augmente avec l'âge.

Les questions posées par le USPSTF étaient les suivantes :
  1. Est-ce que le dosage du PSA en situation de dépistage diminue la mortalité spécifique due au cancer de la prostate et / ou la mortalité toutes causes ?
  2. Quels sont les inconvénients du dosage du PSA en situation de dépistage ?
  3. Quels sont les bénéfices du traitement dans les stades précoces ou en situation de dépistage des cancers de la prostate ?
  4. Quels sont les inconvénients du traitement dans les stades précoces ou en situation de dépistage des cancers de la prostate ?
Nous avons vu que l'USPSTF décourageait le dépistage.

Je voudrais rajouter quelques éléments intéressants mais, si j'avais eu le temps, je vous aurais tout traduit :
  1. Le risque de faux positif après un dosage du PSA positif est de 12 à 13 %
  2. L'étude européenne ERSPC (dont je vous avais parlé en mal ICI) montre une diminution de la mortalité spécifique après analyse en sous-groupe chez les hommes entre 55 et 69 ans
  3. Le nombre de malades à traiter pour obtenir un effet indésirable (voir ICI les notions de Nombres de Malades à Traiter et le Nombre de Malades à Ne pas Traiter) est globalement de 5 pour l'incontinence urinaire et, pour les troubles de la fonction érectile respectivement de 3 pour la prostatectomie et de 7 pour la radiothérapie.
  4. La prostatectomie est associée à un risque mortel de 0,5 % et à un risque cardiovasculaire de 0,6 à 3 %
L'AUA (l'équivalent américain de l'AFU) a fortement réagi.
We are concerned that the Task Force's recommendation will ultimately do more harm than good to the many men at risk for prostate cancer, both here in the United States and around the world."
Ainsi que d'autres organisations comme ZERO, The project to end prastate cancer, une association fortement sponsorisée par Big Pharma et l'AUA.
"The decision of no confidence on the PSA test by the US government condemns tens of thousands of men to die,"
Mais il fallait s'y attendre.
Ce n'était donc qu'un draft mais nul doute que ce projet deviendra définitif.

(Karl R POPPER - 1902 - 1994)


samedi 11 juin 2011

La FDA alerte sur Proscar et Avodart : à éliminer !


La FDA annonce dans un communiqué (ICI) le changement des mentions légales des inhibiteurs de la 5 alpha reductase incluant Proscar et Avodart (finasteride et dutasteride).
Ces mentions légales avertissent désormais du risque accru qu'un cancer de la prostate de haut grade soit diagnostiqué sous ces traitements.

Rappelons que la seule indication de ces produits était le traitement symptomatique de l'hypertrophie bénigne de prostate. La FDA n'a jamais approuvé l'indication "réduction du nombre de risques de cancers de la prostate" pour Proscar (finasteride) ou Avodart (dutasteride) mais cet argument a largement été avancé par les deux firmes commercialisant les deux produits. Et de nombreux articles ont été publiés en ce sens (307 publications dans PubMed).

Pour ce qui est de son indication princeps, à savoir améliorer la symptomatologie fonctionnelle (i.e. I-PSS) en réduisant la taille de la prostate, je n'ai jamais été convaincu de l'efficacité de la finasteride (la molécule la plus étudiée) et j'ai même toujours été surpris que la diminution par deux du taux de PSA ne pose aucun problème aux tenants du dépistage à tout crin du cancer de la prostate... Sans compter (expérience interne) que les effets de la finasteride sur la puissance masculine n'étaient ni anodins ni rares...

Quoi qu'il en soit, la communication de Merck and Co, insistait sur la coprescription de la finasteride avec un alpha-bloquant (pour masquer l'inefficacité clinique de sa molécule et pour tenter de masquer les effets indésirables sur l'érection) et sur la possible possibilité de diminuer l'incidence des cancers de la prostate.

Et voilà que l'on apprend que, non contents d'être peu efficaces sur la symptomatologie fonctionnelle, non contents de modifier le taux de PSA de façon aléatoire, et incapables de ne rien prouver sur la prévention des cancers de la prostate, les inhibiteurs de la 5 alpha réductase entraîneraient l'apparition de cancers de la prostate de haut grade !

On voit ici que l'imposture de ces molécules est désormais totale.
Merck and Co est une firme influente qui peut se permettre de faire publier pratiquement n'importe quoi dans la plus grande revue américaine, le New England Journal of Medicine, ce qu'ils ne se sont pas privés de faire avec Proscar (et Vioox également dont on connaît la saga médicale et judiciaire, et Fosamax alendronate et Zocor simvastatine), pour des raisons de proximité géographique (Merck and Co est installé dans le New jersey), de proximité académique (la firme "arrose" les plus grands centres américains dont la prestigieuse faculté de Harvard qui est située non loin du siège du NEJM), de proximité économique (Merck and Co est une des plus grosses valorisations de Wall Street), et cetera, et cetera...

Mais plus encore : la stratégie de Merck and Co a été d'une exemplaire filouterie.
  1. Story telling malin avec une enzyme (la 5 alpha reductase), un concept parlant "Shrink the prostate" (réduire la prostate) et des résultats cliniques peu évidents
  2. Masquer les effets indésirables sur la puissance masculine en les noyant dans le bruit de fond de développements annexes comme la réduction des saignements post prostatectomies
  3. Faire croire que la baisse de moitié du taux de PSA pourrait être un avantage pour la prévention des cancers de prostate
  4. Développer des essais de prévention de la Rétention Aiguë d'Urine
  5. Imposer l'association thérapeutique avec un alpha bloquant pour masquer l'inefficacité clinique de la molécule
Mais surtout : Merck and Co a pratiqué le doute et le confusionnisme en associant de façon incongrue l'hypertrophie bénigne de prostate et le cancer de la prostate ; en laissant croire que l'on pouvait prévenir des cancers alors qu'ils n'auraient pas été "graves" (comme les urologues opèrent des cancers qui ne sont pas malins) ; et en permettant que des cancers de haut grade puissent se développer (ce qui n'était pas prévu).
Il s'agit donc d'un double Disease Mongering : sur l'hypertrophie bénigne de prostate et sur le cancer de la prostate. Sans oublier la calvitie...

L'urologie ne s'est pas grandie, encore une fois, dans cette affaire en acceptant le story telling de Merck and Co et en marchant dans toutes les combines associées.
Pas fameux, tout cela.

PS (du deux avril 2015 : un article sur le propecia : ICI)

vendredi 14 janvier 2011

POUR LE PRIX NOBEL DE MEDECINE A MICHEL CYMES

Michel Cymes : Pour ne pas passer à un doigt du diagnostic.

La dernière campagne de Santé Publique menée par Michel Cymes, le docteur Michel Cymes, est un exemple démonstratif et convaincant de ce qu'il faut faire en médecine (ici).
Le docteur Michel Cymes est, outre un scientifique convaincant dont témoigne l'exceptionnelle qualité de ses émissions grand public, un grand communicant, ce qui, en ce siècle de confusionnisme et de pipolisme, ne peut être un défaut quand il s'agit de proposer des idées claires.
La dernière campagne pour le dépistage du cancer de la prostate est un modèle d'honnêteté et de professionnalisme. Elle souligne combien la science a besoin du journalisme, et réciproquement, pour diffuser ses bienfaits dans la société. Grâce au bon docteur Michel Cymes, que je ne connais pas, et avec lequel je n'ai aucun lien d'intérêt (Art. L.4113-13 du Code de la santé publique), nous savons désormais de façon évidente ce qu'il faut faire dans le cadre du dépistage du cancer de la prostate. Elle souligne combien l'expertise, si malmenée et de façon infondée, soulignons-le de façon forte, pendant la dernière campagne vaccinale contre la grippe A/H1N1v, est indispensable au bon fonctionnement des sociétés démocratiques.
Ainsi, pour toutes ces raisons et pour d'autres que je vais développer maintenant, je pense que le Comité Nobel devrait s'occuper de lui. Et, sans modestie aucune, je me propose de créer une Association pour l'Obtention du Prix Nobel de Médecine à Michel Cymes afin que l'opinion publique, animée comme il se doit par des impératifs altruistes et compassionnels, puisse appuyer cette démarche de façon coordonnée. Souffrez que je sois le modeste organisateur de cette entreprise de salubrité publique.
Il le mérite.
Ses qualités sont constantes.
Ses publications méritent le respect (ici).
C'est d'ailleurs un récidiviste renommé en Santé Publique.
Ses écrits sont passionnants.
Prenons d'abord cette campagne en exemple.
Le docteur Michel Cymes a identifié la raison pour laquelle les patients ne voulaient pas se faire examiner la prostate par un geste simple, quasiment naturel, en tous les cas anodin, leur peur de se, je cite, "désaper". Comment avions-nous pu passer auparavant à côté de cet oeuf de Colomb ? Comment avons-nous échappé à cette évidence : les patients ne veulent pas se déshabiller devant leur médecin en raison d'interdits que Michel Cymes vient de lever avec son index tendu ?
Le génie de Michel Cymes s'exprime ici dans sa totalité, il frôle, désolé de cet humour potache, les cimes. Le pantalon baissé et l'index tendu, accompagné de ses camarades tout aussi les jambes dénudées et l'index dressé vers le ciel, il mériterait qu'on le sculptât, tel une statue antique dans le marbre et qu'on l'exposât dans les Facultés de Médecine.
Debout à côté de grands professeurs d'urologie, le célèbre Arnaud Méjean, le non moins célèbre François Haab et le cuisinier chirurgien François Desgrandchamps, professeurs qui, comme notre héros nobélisable, ne craignent pas d'affronter la misère des Ayatollahs de la Santé Publique dont doit faire partie la très prudente et très critiquée HAS. Debout à côté des addictologues Loewenstein et Batel qui reçoivent de nombreux urologues en leurs consultations afin de les délivrer de leur obsession de la prostate. Debout à côté du psychosomaticien Mimoun qui reçoit de nombreux prostatectomisés qui ont du mal à être puissants. Debout à côté d'un autre spécialiste du toucher rectal, un certain Godeberge (sic) qui ne passe pas à un doigt des colites radiques post radiothérapie... Mais arrêtons-nous là.
Revenons à cette fameuse campagne.
"Pour ne pas passer à un doigt du diagnostic..." Michel Cymes, fort de ses compétences et des communications du trio Mejean/ Haab / Desgrandchamps dans les congrès de l'AFU écarte d'un doigt vengeur le fait que la Valeur prédictive Positive du toucher rectal dans le diagnostic du cancer de la prostate est nullissime et un peu moins mauvaise si elle est associée à la mesure du PSA.
Ce qui signifie qu'il faut lever un autre tabou : faites un toucher rectal et demandez un PSA. Pour ne pas passer à côté du diagnostic.
L'HAS, nid d'ayatollahs de la Santé Publique, serait mauvaise fille de s'en offusquer.
Michel Cymes, tel un Galilée de la pensée, s'opposant au conservatisme ambiant " Et si on avait dû compter sur les bien-pensants de la médecine, on en serait encore à la saignée et aux ventouses…" écrit-il sur son blog, ne craint pas de s'opposer aux recommandations de la plupart des Agences mondiales concernant le dépistage du cancer de la prostate, car, comme on le sait, ce n'est pas la démocratie qui rend les données vraies en science mais leur seule véracité.
Michel Cymes, fort de ses amitiés urologiques, sait combien les urologues français sont, chaque fois qu'il est nécessaire, partisans du watchful waiting en français ou de l'attente vigilante en anglais, c'est à dire qu'au décours du diagnostic d'un cancer de la prostate par la mesure du PSA, ils n'opèrent pas, ils ne proposent pas d'anti androgènes, ils ne proposent pas de radiothérapie.
On voit combien notre héros est un rebelle.
Et un rebelle plein d'humour qui n'hésite pas à se comparer, sur le plan de l'humour, à Albert Einstein...
Pour une fois que nous pouvons compter sur un médecin de cette trempe : pourquoi nous en priver ?
Le docteur Michel Cymes est aussi un indépendant. Jamais il ne se compromettrait avec les puissants. Jamais il ne se compromettrait avec les politiques. Jamais il ne ferait confiance à des marchands aux dépens des scientifiques. Son site en fait foi : ici.
Il a déjà mené deux campagnes fortes de Santé Publique dans le passé. Je ne voudrais pas mentionner les autres pour ne pas le gêner et pour que la Communauté Scientifique ne me reproche pas d'en avoir trop fait et de façon trop voyante.
Il fut d'abord un adversaire émérite du traitement hormonal substitutif (THS) de la ménopause, en association avec de grands médecins qui n'avaient aucun lien avec l'industrie pharmaceutique. Il a ainsi combattu tous ces gynécologues non indépendants qui promouvaient un traitement améliorant la qualité de vie des femmes sans les prévenir du risque significatif de cancers du sein qu'ils leur faisaient courir. Il a eu tellement raison, le Michel Cymes, que la FDA l'a écouté, bien avant la France, et que les Américains ont interdit ces hormones : grâce à Michel Cymes, notre nobélisable, des cancers et des décès de femmes ont été évités. Chapeau !
Il fut, l'an passé, un grand adversaire de la vaccination généralisée de la population française tout entière contre la grippe A/H1N1v, un pourfendeur de la politique calamiteuse de Madame Bachelot qu'il n'a pas invitée sur son plateau, il a été un dénonciateur des propos alarmistes de nos experts français virologues, des experts infectiologues de l'OMS et, en enquêtant avec ses équipes, il a pu ainsi mesurer l'innocuité du virus A/H1N1v et, grâce à lui, les milliers de morts des années précédentes sont devenus 349 (ici).
Quel homme !
Enfin, pour ce qui est de la prostate, il réussit à rendre ringardes toutes les données de Santé Publique Ayatollesques, qui prétendent que le dépistage généralisé du cancer de la prostate ne diminue pas la mortalité globale et entraîne un sur diagnostic responsable d'événements indésirables nombreux et inutiles (voir ici les données ayatalollesques).

Pour toutes ces raisons il me paraît nécessaire de proposer Michel Cymes à l'Académie suédoise dans la catégorie Prix Nobel de Médecine.

Première signature : Docteur Jean-Claude GRANGE, Médecine générale. 78200.

samedi 21 août 2010

LA REAPPARITION INVISIBLE ET MASSIVE DES EUNUQUES

Tout le monde est persuadé que l'époque des eunuques est révolue depuis belle lurette et qu'il s'agit de notions historiques : les eunuques des harems de Constantinople et ceux de la cour de Chine (il en restait 412 en 1910), les castrats de la Chapelle Sixtine ou de l'Opéra de Naples (dont a si bien parlé Dominique Fernandez). Il existe bien encore des indifférenciés sexuels, des hommes qui ne savent pas qu'ils sont des femmes et des femmes qui ne savent pas qu'elles sont des hommes, ou... plus scientifiquement, si j'ose dire, selon le DSM IV de sinistre fréquentation, des syndromes de Skoptzy...
Eh bien, comme souvent, non, je ne suis pas démagogue, le monde a tort.
Les cars de touristes occidentaux du troisième âge qui débarquent sur tous les terrains de voyeurisme du monde sont remplis de couples indifférenciés, hommes et femmes identiques, femmes et hommes semblables... Proust disait que les vieux couples, à force de se fréquenter, finissaient par se ressembler mais d'une façon particulière, en prenant les défauts de l'autre. Et ainsi, les hommes d'aujourd'hui, pollués par l'idéologie urologique, la dictature du PSA, les injonctions des spécialistes choisissant pour leurs patients l'impuissance contre la prostate... Et ces hommes, charcutés, traités, deviennent, grâce à la magie de l'urologie moderne, grâce aux Sociétés Savantes comme l'American Urological Association ou l'Association Française d'Urologie, qui ont pignon sur rue, qui ont les revenus médicaux les plus élevés dans chacun de leur pays (Etats-Unis et France) et donc les favoris de l'Administration Fiscale, des incontinents, des bouffeurs de bouffées de chaleur, des diarrhéiques chroniques, des gynécomastes, des gros à muscles atrophiés, des chauves, des micro penis, des alibidineux et des impuissants et donc, j'y viens, peuvent être comparés à des eunuques. Il est possible, comme existent désormais des aliments pour chiens coupés (Friskies) qu'apparaissent des boutiques 'La Prostate claire' avec des aliments pour sociétaires de l'Association Française d'Urologie.
Qui s'en préoccupe ? Où sont les essais cliniques qui tentent d'apprécier les conséquences de l'eunuquisme moderne ? Qui investigue les transformations psychologiques induites par l'euphémisme urologique ainsi nommé Traitement Hormonal alors qu'il ne s'agit, ni plus ni moins, que d'une mutilation. Faut-il faire confiance aux urologues pour mener des essais sur le retentissement psychosocial de l'eunuquisme ? Qui le fera ? Qui se soucie également de ces hommes qui se cachent, qui cachent non seulement leur cancer mais aussi les conséquences du traitement ? Qui les soutient ? Que font les Autorités Académiques ? Que font les Sociétés Savantes en médecine générale ?
Il existe 600 000 castrés aux Etats-Unis d'Amérique.
Combien en France ?
Regardez autour de vous et comptez les eunuques.


(Je me suis inspiré d'un article "moyen" mais "éclairant" de RJ Wassersug et T Lieberman, respectivement australien et étatsunien. Ici.)

dimanche 27 juin 2010

UN HOMME MUTILE - HISTOIRES DE CONSULTATION : TRENTE-ET-UNIEME EPISODE

Monsieur A est un jeune septuagénaire coquet. Nous nous connaissons depuis environ dix ans. Il y a trois ans il est venu consulter avec sa nouvelle copine, une femme un peu plus jeune que lui, dont j'appris, au cours de la conversation, que le mari était mort d'un cancer de la prostate.
Elle exigeait, je ne sais pas comment le raconter autrement, que je fasse doser le PSA à son copain, ce à quoi, vraiment, je n'avais jamais pensé depuis dix ans. Elle me reprochait aussi de ne pas l'avoir fait auparavant. De façon véhémente.
Ils étaient assis en face de moi, gentiment, comme un couple sage, mais on sentait (je sentais) une tension palpable.
En gros, et de façon euphémique : elle était pour et il était indécis.
Je pris mon air docte et je leur racontai l'affaire. Vous connaissez mon point de vue mais je le répète de façon simplifiée : pas de dépistage de masse, pas de dépistage individuel sauvage, de fortes réticences quand le patient demande, une prescription quand je ne peux pas faire autrement que de "suivre" la volonté du patient.
(Il est possible de penser : a) pour les tenants du tout PSA que je ne fais pas mon travail ; b) pour les tenants du jamais PSA que je fais du clientélisme ; c) pour d'autres que je suis d'une grande hypocrisie. Dont acte.)
Quoi qu'il en soit Monsieur A est sorti de mon cabinet avec un dosage de PSA. Et ce qui devait arriver, arriva.
  1. PSA à 7
  2. Consultation chez l'urologue demandée par, cette fois, la copine et le patient
  3. Je n'arrive pas à imposer "mon" urologue
  4. L'urologue décide de programmer des biopsies
  5. Qui reviennent négatives
  6. Dosage de PSA dans six mois, ce qui ne plaît pas au patient et à la copine qui veulent savoir et qui ne supportent pas qu'il puisse y avoir un cancer et qu'on ne l'enlève pas
  7. Nouveau dosage de PSA à 8 avec un rapport libre / total à la limite.
  8. Nouvelles biopsies qui reviennent négatives
  9. Bilan d'extension demandé
  10. Opération pratiquée.
  11. Gleason à 6
Nous revenons à la consultation de ce jour. Le patient ne va pas bien. Le PSA est dans les chaussettes, il n'existe aucun signe évolutif de son cancer. Mais il ne va pas bien. Je sais pourquoi.
Je suis partagé : bien entendu que je ne vais pas lui dire combien j'avais raison ; bien entendu que je ne vais pas lui dire qu'il a été manipulé par sa copine... Je suis là pour l'aider, pas pour avoir raison.
Voici le verbatim du patient : "Vous savez, docteur G, les femmes m'ont toujours donné des frissons. Quand une femme me plaît, quand j'en vois une qui me fait de l'effet, je ne peux m'empêcher de tenter de l'aborder, de parler avec elle... Cela marche toujours autant, malgré mon âge, bien entendu que ce sont des femmes plus âgées, mais je ne peux plus. Depuis l'intervention je n'y arrive plus, je suis obligé de leur expliquer, et, bien entendu, c'est difficilement supportable. Si j'avais su je ne me serais pas fait opérer. Mais je ne pouvais imaginer que mon corps renferme un cancer et que l'on ne fasse rien. Je sais que vous ne pouvez rien faire pour moi... J'ai essayé le viagra, c'est pas terrible, c'est cher et, pour moi, c'est un terrible constat d'échec... Je ne sais pas comment je vais pouvoir..."


(En photo : le professeur Bernard Debré, apôtre du PSA)

jeudi 20 mai 2010

REPENSER LE DEPISTAGE DES CANCERS DU SEIN ET DE LA PROSTATE ?


Il peut paraître surprenant de poser une telle question tant il semble que le dépistage du cancer du sein soit recommandé et accepté comme une vérité d'évidence et que celui du cancer de la prostate paraisse généralisé bien qu'aucune recommandation officielle ne le suggère.

Je voudrais rappeler quelques faits (au delà du fait que la diminution de la mortalité globale n'a jamais été démontrée par le dépistage).
  1. Un bon scénario de dépistage signifie que l'augmentation du nombre de diagnostics de cancers localisés sera suivi par une diminution du nombre de diagnostics de cancers régionaux avec un nombre total de diagnostics constant. Ce qui n'est pas le cas pour le sein et la prostate. Depuis le début du dépistage on peut dire, pour le cancer de la prostate (pour le cancer du sein les choses sont à peu près identiques à ceci près que les cancers in situ viennent parasiter le raisonnement), que le nombre rapporté de cancers "régionaux" a diminué de façon substantielle mais qu'un tiers des patients classés comme porteurs d'un cancer local étaient en fait "régionaux" lors de l'intervention. Depuis le dépistage le nombre de cancers avancé n'a pas diminué.
  2. Le dépistage entraîne un effet limité sur la mortalité et un effet significatif sur l'incidence. Deux raisons : a) le dépistage augmente le dépistage des cancers "bénins" ; b) le dépistage manque probablement les cancers les plus agressifs. Ainsi, l'affirmation selon laquelle le dépistage permet de trouver et de traiter les stades les plus précoces, ce qui évite les stades tardifs et a fortiori métastasés n'est pas forcément correcte.
  3. Mais l'effet le plus pervers du dépistage est bien celui du sur diagnostic et du sur traitement. a) le cancer du sein : les programmes de dépistage américain montrent un sur diagnostic allant de un à trois pour les cancers dits invasifs et des essais montrent que nombre de ces tumeurs auraient régressé toutes seules ; une détection plus précoce pourrait ne pas être la solution car certains cancers très "méchants" identifiés par analyses moléculaires (NKI 70 gene test) sont classifiés bénins par les critères habituels ; les cancers de l'intervalle sont les plus "méchants" : dans l'essai I-SPY TRIAL 85 % des "méchants" étaient des cancers de l'intervalle et seuls 15 % étaient identifiés par le dépistage ; b ) le cancer de la prostate : l'abaissement du seuil de détection des cancers (PSA inférieur à 4 ng par ml) n'autorise pas la disparition des cancers quel que soit la faiblesse du taux retenu ; en deçà de ce taux il y a 30 % des cancers qui sont déjà potentiellement incurables.
  4. Nous avons déjà ici insisté sur les problèmes que pose le dépistage en termes d'effets indésirables tant pour le sein (Pour 2000 femmes invitées au dépistage pendant dix ans, un décès dû au cancer du sein sera évité mais dix femmes en bonne santé seront surdiagnostiquées. Ce diagnostic par excès conduira à 6 tumorectomies inutiles et à 4 mastectomies non justifiées et placera 200 femmes dans une situation de troubles psychologiques liés aux investigations suivantes. Ainsi, le pourcentage de femmes survivantes à 10 ans sera de 90,2 % si elles ne se sont pas prêtées au dépistage et de 90,25 % dans le cas contraire.) pour la prostate (L'étude européenne (European Randomised Study of Screening for Prostate-Cancer - ERSPC) indique clairement qu'il faut proposer le dépistage à 1410 hommes et proposer un traitement à 48 autres pour éviter UN cancer pendant une période d'observation de dix ans. Avec un surdiagnostic de 50 % !). Nous n'y reviendrons pas.
  5. Faisons un tour par les cancers in situ : inconnus avant le dépistage ils représentent 25 à 30 % de tous les cancers diagnostiqués et la majorité d'entre eux est de stade bas ou intermédiaire. Ils sont considérés, les cancers in situ, comme des lésions pré cancéreuses et le traitement proposé généralement est l'ablation et un traitement adjuvant ; or, après 20 ans de détection et de traitement, il n'y a pas de preuves évidentes d'une diminution du nombre des cancers invasifs. La réduction d'incidence constatée dès 2002 est attribuée à la suppression des traitements hormonosubstitutifs plus qu'à l'ablation des cancers in situ.
Comment repenser le dépistage ?
L'article sur lequel je me suis fondé propose des pistes classiques mais peu opérationnelles :
  1. Développer des marqueurs biologiques pour différentier les cancer bénins / malins
  2. Réduire le poids des traitements pour le cancers bénins
  3. Développer des outils pour une meilleure décision informée
  4. Centrer la prévention sur les patients à risques
Quoi qu'il en soit, les dépistages du cancer du sein et de la prostate sont entrés dans les moeurs : les patients sont demandeurs. Nous sommes obligés, dans nos cabinets, d'adopter une attitude défensive. Il nous faut "perdre du temps" avec nos patients pour leur expliquer combien cette démarche du tout préventif peut être dangereuse, pas seulement de façon individuelle mais aussi de façon collective.

Un certain nombre de médecins n'osent pas franchir le pas car ils craignent, malgré les évidences, que la justice, saisie par leurs patients ou par la famille des patients, leur reproche de ne pas avoir fait ce qu'il fallait dans l'intérêt des patients. Or ce risque existe : la justice ne fonctionne pas dans le même lieu ni dans le même temps que la médecine, et surtout quand existent des controverses. Quant aux experts, à part quelques rares, ils sont embarqués dans la démarche de la prévention tout azimut et ils seront là pour prétendre que la mammographie et le dosage du PSA sont les deux mammelles, si j'ose dire, de la prévention. D'où des difficultés.

Repenser les stratégies de dépistage est indispensable. Dans le cas du cancer du sein il est nécessaire de pouvoir disposer de mammographistes éprouvés et de chirurgiens raisonnables ou d'oncologues responsables. Dans le cas du cancer de la prostate la résistance contre le dosage du PSA alors que les médias radiophoniques et télévisuels, que la presse écrite et l'internet sont infiltrés par la propagande des urologues et des oncologues est difficile et elle se doit d'être argumentée en fonction des attentes et du niveau e compréhension des patients.

Good Luck !

(Face of Cancer. Patrick Crommet)

mardi 30 mars 2010

LETTRE OUVERTE A MICHAËL PEYROMAURE

Monsieur et cher confrère,

L'article que vous avez publié dans le journal Le Monde (édition électronique du 27 mars 2010) est un tissu d'âneries.
Souffrez qu'un médecin généraliste vous le dise.
Après un paragraphe de généralités et de truismes dignes du Journal de Suzette (non référencé dans Pub Med) qui vous permet de camper un décor dramatique et de le positionner à côté de solutions évidentes et tellement applicables, qui font de vos futurs contempteurs de présumés idiots, vous entrez, si j'ose dire, mais pour un chirurgien urologue la métaphore est facile, dans le vif du sujet.
Vous fournissez des données épidémiologiques d'un niveau de première ES : "... la proportion des cancers de la prostate diagnostiqués à un stade précoce a beaucoup augmenté. Et celle des cancers découverts tardivement, à un stade métastatique non curable, a nettement diminué." Et vous ajoutez, Monsieur bon sens, Joseph Prudhomme de la cancéro-épidémiologie, "Il est logique de penser que le dosage systématique du PSA, chez les hommes en âge de développer un cancer de la prostate serait un progrès en matière de santé publique." Vous oubliez ceci dans votre présentation idyllique du monde parfait de oui oui l'urologue : Il faudrait aussi que, dans le même temps, le taux de dépistage des cancers de la prostate à tous les stades soit constant. Ce qui n'est pas le cas. Je vous signale, malgré ce que vous affirmez, que le problème du dépistage du cancer du sein n'est pas résolu non plus.
Comme vous n'êtes pas très à l'aise sur le plan scientifique, vous bifurquez, dans le chapitre suivant sur le débat médico-économique.
Vous citez alors deux essais parus dans le prestigieux (sic) New England Journal of Medicine. Vous citez notamment l'étude européenne (dont les défauts méthodologiques sautent aux yeux et qui sont en accord avec les essais menés sous l'autorité de l'Association Française d'Urologie). Vous écrivez sans sourciller : "Le dépistage s'accompagnait d'un taux plus élevé de cancers de bon pronostic, et surtout d'un meilleur taux de survie." La messe est dite. Vous oubliez, très cher urologue spécialiste en médico-épidémiologie, les choses suivantes : "il faut proposer le dépistage à 1410 hommes et proposer un traitement à 48 autres pour éviter UN cancer pendant une période d'observation de dix ans. Avec un surdiagnostic de 50 % !"

Ensuite, vous vous lancez dans une analyse économique comme personne n'oserait le faire dans une revue anglosaxonne de seconde zone. Reprendre vos mots serait trop désagréable pour vous. Mais moi je vais vous dire ce que l'étude européenne dit : Si la mortalité a pu être abaissée de 20 % entre le groupe dépisté et le groupe non dépisté, cela représente, étant donnée la faible fréquence de mortalité par cancer de la prostate dans les populations à l'essai : - 0,71 mort pour 1000 patients pendant une période de neuf ans. Et au prix de 17000 biopsies prostatiques !"

Mais, Monsieur Peyromaure, il est vrai que vous publiez des articles tendant à montrer qu'au delà de 75 ans il serait légitime de doser le PSA alors que le plus grand spécialiste de ces problèmes, Michael Barry, pourtant régulièrement appointé par la "prestigieuse" Association américaine d'urologie (AUA), dit le contraire dans un article publié dans le "prestigieux" New England Journal of Medicine...

Je vous remercie, Monsieur Peyromaure, pour cet exercice de style journalistique de la meilleure eau qui rend justice à l'excellence scientifique de l'urologie française. Il faut plus de chercheurs comme vous pour rendre à notre beau pays la meilleure médecine du monde.
Merci !

lundi 12 octobre 2009

DIRE LA VERITE AUX MALADES - HISTOIRES DE CONSULTATION : QUATORZIEME EPISODE

Monsieur O, 73 ans, un infarctus du myocarde stenté il y a trois ans, diabétique non insulinodépendant, hypertendu traité, est venu au cabinet accompagné par un de ses fils et par sa femme. C'est une vraie réunion de famille. Il y a six mois il a été victime d'une rétention aiguë d'urine qui l'a conduit aux urgences où il a été sondé. Lorsque la sonde a été retirée il n'a pu se remettre à pisser et il a été décidé de lui laisser une sonde à demeure. Les conséquences ont été difficiles pour cet homme qui a été obligé de traîner sa poche d'urine, de se faire changer la sonde tous les mois. un ou deux épisodes d'infection urinaire et la vie quotidienne devient compliquée.

C'est la première fois qu'il vient au cabinet avec sa femme, ils sont indépendants pour les consultations, et, a fortiori, qu'un de ses fils l'accompagne, ajoute à la solennité.

Il y a trois semaines l'urologue de l'hôpital lui a enlevé sa sonde, l'a réséqué et, depuis, je l'ai eu au téléphone, il pisse spontanément. Il pisse rouge mais il pisse.

Cet homme est aussi un anxieux dépressif qui a fait un épisode aigu il y a dix ans et qui en a gardé un très mauvais souvenir.

"Que me vaut cette consultation inhabituelle ?
- Le docteur D m'a dit que j'avais un cancer.
- Un cancer de quoi ? je demande d'un air ahuri."
Il me montre son bas ventre et, déboussolé, je m'attends au pire.
"Ben, de la prostate, cette affaire... De quoi voulez-vous donc que j'ai un cancer ?"
Son fils me jette un regard stupéfait et réprobateur (j'ai l'air de débarquer de Mars) et sa femme, presque tremblante, est prête à toutes les révélations funestes.
"Il vous a dit ça quand ?
- Avant hier.
- Et c'est tout ce qu'il vous a dit ?
- Non, que j'allais avoir des rayons et des piqûres...
- C'est tout ?
- Vous ne croyez pas que c'est suffisant ?"
Si j'avais voulu faire de l'humour, déplacé, déplacé, j'en conviens, je lui aurais dit que c'était à la fois trop ou pas assez.
"Bon, bon, bon..."
Il y a encore quelques années il était de bon ton, en France, de ne jamais dire la vérité aux malades, sauf exception, les exceptions étant, malade emmerdant, famille chiante ou nécessités sociales. cela faisait partie, sauf erreur de la théorie paternaliste de la médecine française : ce que je fais est forcément bon pour le malade qui est un con et qui ne peut comprendre puisque j'ai fait x années de médecine et que lui... Puis, presque du jour au lendemain, sous l'influence de la culture dominante anglo-saxonne, et, il faut le dire, en raison de nombreux textes de réflexion publiés par ces mêmes anglo-saxons (au sens large) et au nom de la philosophie libérale (le corps du patient appartient au patient et c'est lui qui doit décider en toute connaissance de cause), on s'est mis à tout dire. Mais l'inhumanité des médecins, leur arrogance, leur suffisance, leur manque de réflexion et de prise en considération du patient qui se trouve en face d'eux, toutes ces qualités sont restées telles quelles avant, pendant et après ce changement d'attitude. On pourrait dire, en paraphrasant Proust qui parlait de toute autre chose (faut-il dire à son meilleur ami que sa femme le trompe ?), que les médecins ne disaient pas la vérité puis l'assenaient des années plus tard avec tout autant de conviction et de bonne conscience, par méchanceté quand ils étaient méchants, par gentillesse quand ils étaient gentils, par bêtise quand ils étaient bêtes, par ignorance quand ils étaient ignorants...
J'ai regardé Monsieur O droit dans les yeux, je ne lui ai pas dit que l'urologue était un gros con avec de la merde dégoulinant de partout sur son visage, de la bonne vieille merdre ubuesque ou de la bonne vieille merde rabelaisienne, mais sans nul doute que le non verbal l'a frappé en pleine figure, pas seulement lui, sa femme, son fils, et j'ai tenté de le rassurer (il était peut-être un peu tard).
Je pensais aussi que la bêtise des urologues (mais, mon cher ami, il ne faut pas généraliser, insulter une corporation, ostraciser une communauté, c'est vraiment très mal, c'est vraiment pas citoyen, c'est aussi peu convenable de parler comme cela de pauvres chirurgiens qui tentent d'éliminer les prostates de la surface de la terre, que de ne pas vouloir se faire vacciner par le vaccin contre la grippe A), je reprends : que la bêtise de la majorité des urologues, ne se résumait pas au dosage généralisé du PSA dans les populations mâles des pays industrialisés, mais à la traque incessante de ce putain de bordel de cancer de la prostate qui tue tant de personnes de par le monde...

Rassurer un homme de soixante-treize ans n'est pas une chose facile quand on sait qu'il a déjà fait un infarctus, qu'il porte des stents, qu'il est diabétique non insulinodépendant et qu'il prend aussi des médicaments contre l'hypertension et contre son excès de mauvais cholestérol.

Cela fait des années que j'aurais dû l'inquiétéer et lui dire que son espérance de vie est probablement fort compromise mais certainement pas en raison de son cancer de la prostate.

Heureusement que son PSA est peu interprétable après la résection, heureusement que le scanner est rassurant, heureusement que la scintigraphie osseuse est normale... Non, non, je dis des bêtises : ces examens, à part le dosage du PSA, n'ont pas été réalisés et je ferai en sorte que l'oncologue de l'hôpital, mon ami, pas les autres qui sont payés au pourcentage sur les examens réalisés, fasse le minimum et laisse ce patient tranquille, sans rayons, sans antiandrogènes qui, tout le monde le sait sauf certains urologues, ne sont pas des traitements très favorables chez les patients "cardiaques".

Je ne sais pas si ce patient aura été rassuré par son médecin traitant mais je lui ai prédit plusieurs années heureuses sans traitement.

Me croira-t-il ?

Je n'ai pas appelé l'urologue qui ne m'a pas encore communiqué plusieurs semaines après les faits un compte rendu de la consultation où il a annoncé, sans ambages, que le patient avait un cancer...

Je lui ferai lire mon blog.