samedi 14 février 2009

ARRET DU TRAITEMENT HORMONAL DE LA MENOPAUSE : DIMINUTION DU NOMBRE DES CANCERS DU SEIN AUX ETATS-UNIS

Un essai américain paru dans le New England Journal of Medicine le cinq février 2009 (NEJM 2009;360:573-87) confirme, à partir des données de la WHI (Women's Health Initiative study) que l'arrêt du THS après 2002 a entraîné une diminution rapide du nombre des cancers du sein alors que dans la même période le nombre de mammographies n'avait pas diminué.

On rappelle que la WHI était un essai randomisé puis observationnel (après arrêt de l'essai) commencé en 1991 et incluant 161808 patientes ! Pour l'étude du traitement hormonal de la ménopause la méthodologie était la suivante : dans le premier groupe les femmes recevaient des oestroprogestatifs et dans le second groupe les femmes recevaient un placebo [http://www.nhlbi.nih.gov/whi/]. L'analyse ne portait pas que sur la survenue éventuelle de cancers du sein mais aussi sur les maladies cardiovasculaires, les fractures et sur le cancer colorectal. Et le traitement proposé comprenait également des mesures hygiéno-diététiques et un traitement par vitamine D et calcium.

Quoi qu'il en soit, la WHI a montré, lors de l'interruption de l'essai en 2002, que le nombre de cancers du sein diagnostiqué était deux fois plus élevé dans le groupe THS que dans le groupe placebo.

A l'arrêt général du THS la fréquence des cancers du sein a diminué de façon rapide (au bout de deux ans) dans le groupe qui avait été traité. Parallèlement le nombre de mammographies effectué n'avait pas changé.

Une des hypothèses : les pré cancers auraient arrêté leur prolifération.
Mais il existe des interprétations qui avancent aussi : la mise en place, à l'arrêt du THS, d'un traitement des femmes ménopausées par le raloxifène (EVISTA / OPTRUMA) ; le fait que les mammographies sans THS soient plus faciles à lire et éliminent des faux positifs ; le fait que même des tumeurs évoluées puissent régresser à l'arrêt de la stimulation hormonale (cf. blog).

Que dire de plus sinon que les tenants du THS en France, malgré les résultats de la WHI study, ont ignoré les résultats en prétendant qu'il ne s'agissait pas des mêmes produits (ce qui est un peu vrai) et l'AFSSAPS a mis beaucoup de temps à réagir (ils sont lents à la détente) ?

Il est évident que l'intervention de Byg Pharma et son activisme pour brouiller les pistes a été déterminant mais il est toujours difficile de comprendre pourquoi, devant les évidences, les gens, et ici les médecins prescripteurs, et avant tout les gynécologues, n'aient pas d'abord pensé à leurs patientes avant de penser à des controverses scientifiques sur des points qu'ils n'avaient pas même analysés.


8 commentaires:

marie lo a dit…

Et pour revenir sur un sujet qui vous est cher ; comment réussit on à faire de la ménopause une maladie ? Rien qu'à voir le nombre de pubs dans les divers média qui sont consacrées aux produits miracles de la ménopause, on se demande. C'est peut être de famille mais mes grand mères, ma mère, mes tantes, ne se sont même pas aperçues de leur ménaupose. A peine une petite bouffée de chaleur, et hop terminé.
Maintenant, avant même que ça ne vous arrive, on vous brandit le spectre de toutes les horreurs que vous allez subir, forcément ça n'aide pas à aborder cette période sereinement.

MJ a dit…

je suis exactement du même avis que vous...

Anonyme a dit…

Dans Le Mystère du Nocébo paru en 2011, le psychiatre Patrick Lemoine, se fondant notamment sur l'Afssaps concluait à l'innocuité des traitements THS bien conduits. A ceux qui en doutaient encore, il rétorquait : "il faut croire que l'horreur du désir féminin postménopausique reste malheureusement très répandue, notamment dans les milieux scientifiques et médicaux, et tout particulièrement chez les experts et ceux qui détiennent le pouvoir, peut être pas forcément les plus jeunes de la profession..."

Une histoire de vieux c.. sans doute ?

JC GRANGE a dit…

@ Anonyme. Le psychiatre que vous citez ne sait pas lire. Innocuité des THS bien conduits ?
Quant à son interprétation de la haine du désir féminin post ménopausique, elle devrait être mise en rapport (si j'ose dire) avec les modifications de la libido engendrées par la pilule estroprogestative chez les femmes pré ménopausiques.
Bonne soirée.

adèle a dit…

Et si on demandait à chaque femme, après information, ce qu'elle souhaite ?

Moi, femme, médecin, ménopausée, jamais-fumeuse, de poids normal, buvant 2 à 3 verres de vin par semaine, marchant tous les jours, je prends le risque d'un cancer du sein parce que ma ménopause non traitée m'a pourrie la vie pendant 4 ans.

NB Et oui, oui, la libido est de retour ! :)

JC GRANGE a dit…

Bonjour Adèle,
Dans un monde idéal nous devrions pouvoir disposer d'une information "balancée" qui permette aux patients de faire leur choix en fonction des bénéfices/risques connus de la littérature et des valeurs et préférences de chacun. Malheureusement, on l'a vu en de nombreuses occasions, le poids de la propagande pharmaceutique et des intérêts privés des médecins (sans compter l'influence des journalistes dits médicaux dans les medias grand public) fausse le jeu.
Dans votre cas, les médicaments n'étant pas interdits, il est toujours possible de faire des choix individuels assumés.
Cela dit, mon expérience du mediator où je refusais la molécule aux patientes (je l'ai cependant prescrite une fois ou deux par compassion et/ou par lassitude), me conforte dans l'idée que le médecin prescripteur a une lourde responsabilité (ce qui, dans l'affaire mediator, est nié, à la fois par Madame Frachon et par les avocats des patientes, dans un bal hypocrite qui permet simplement d'exonérer les autorités qui avaient tout pouvoir scientifique et réglementaire pour ne pas autoriser la commercialisation de la molécule) et que son rôle, au delà des bons sentiments et du respect des patients, est aussi de refuser en conscience un traitement dangereux.
Bonne journée.

ANNETTE LEXA a dit…

vous écriiviez il y a 6 ans "il est toujours difficile de comprendre pourquoi, devant les évidences, les gens, et ici les médecins prescripteurs, et avant tout les gynécologues, n'aient pas d'abord pensé à leurs patientes avant de penser à des controverses scientifiques sur des points qu'ils n'avaient pas même analysés." Sur cette question qui me taraude, auriez vous une réponse aujourd'hui ?

JC GRANGE a dit…

@Annette Lexa.
Je lis un livre magnifique en ce moment, "Ceci n'est pas qu'un tableau" de Bernard Lahire et il traite (un peu) exactement de la question que vous posez : il analyse, du moins dans son premier chapitre, les états de faits et les socles des croyances. Il cite, entre autres, Bourdieu écrivant : "la présence structurante du passé dans le présent (...) défie la logique positiviste de la preuve". Nous y sommes.
Lors de conversations récentes sur twitter je signalais avoir lu dans le livre de Margaret McCartney, une MG écossaise, The patient Paradox, qu'il n'existait aucune preuve selon laquelle le frottis du col utérin diminuait la mortalité par rapport à pas de frottis... Et ainsi, il s'agissait d'une pseudo preuve intuitive qui n'avait pas été démontrée formellement... Mes interlocuteurs étaient sidérés car il s'agissait pour eux et pour moi d'un fait avéré (qui ne l'était pas, du moins par des essais contrôlés)... Il y a du pain sur la planche mais j'espère des contributions pour tenter d'explorer le sujet que vous avez abordé.
Bonne soirée.