Alors que certains organisent des colloques sur la sur et la sous-médicalisation (ICI) sans se poser la question plus pertinente de la non médicalisation de la vie, ce qui permet de faire porter aux médecins la responsabilité des sur diagnostics et des sur traitements et d'en exonérer les citoyens naïfs et vertueux par essence comme en témoigne l'entreprise de décervelage généralisé appelée médecine 2.0, ses promoteurs tentant de faire confondre contenant (le net) et contenu (la conversation de café du commerce),
alors que d'autres médecins préconisent, sans oublier de se positionner à gauche, la liberté absolue de tout et de rien, un monde sans tabou en quelque sorte, avec cannabis et cocaïne délivrés par la SEITA (1), 84 marques de pilules contraceptives dans les pharmacies, Diane 35 dans les supermarchés à côté des crèmes de beauté, la GPA pour tous et toutes (2), le hors AMM à la portée du stylo et comme preuve auto proclamée d'efficience du prescripteur, le baclofène introduit dans les bouteilles de vins et de spiritueux, le gardasil comme pari de société, la cigarette électronique comme solution élégante au problème du tabagisme et de l'oralité auto-destructrice, j'en passe et des meilleures, le ROSP comme moyen sans douleurs d'améliorer son quotidien (LA),
alors que des médecins certains de leur savoir, les mêmes qui condamnaient jadis, enfin, pas tous, le paternalisme médical, les mêmes qui défendent l'EBM en ne la connaissant pas ou qui la dénigrent en ne la connaissant pas plus, ces médecins persuadés d'appartenir à l'élite sur informée qui est abonnée à La Revue Prescrire en la lisant ou en ne la lisant pas, ces médecins forts de leur mission évangélique, ces médecins, lassés de la médecine générale qui consacrent leur énergie à faire de la gérontologie ou de la mésothérapie ou de l'homéopathie (3), sans compter les médecins qui pensent que La Revue Prescrire édite des fatwas et que rien de mieux n'existe que l'expérience personnelle, l'avis d'expert ou la conscience intime d'avoir raison, alors que certains médecins prétendent lutter contre les vieilles lunes du paternalisme médical, ils préconisent, pour le bien, jamais pour le mal, de nouvelles techniques de coercition, l'analyse freudienne, coco, c'est plus à la mode, les techniques cognitive-comportementales, coco, c'est trop ringard, des techniques pour que les patients fassent des régimes, arrêtent le tabac, prennent leurs médicaments, n'oublient pas leurs dosages trimestriels de critères intermédiaires (HbA1C par exemple), techniques que l'on appelle Entretien Motivationnel (ah, la motivation, un des mots clés du monde moderne, si vous n'êtes pas motivé, vous êtes un khon, motivé à consommer pour sauver l'économie, motivé à aimer votre prochain comme vous-même, motivé à croire en l'école républicaine, motivé à être un anti raciste, motivé à dépister les liens et conflits d'intérêts des autres), Education Thérapeutique, Empowerment, Disease Management (4), Share Decision Making, Paiement à la Performance (LA), ou Week-ends d'appropriation... (5)
Et ainsi le médecin lambda, fort d'une formation accélérée sur Internet, mais aussi grâce au DPC (Développement Professionnel Continu, LA), le nouveau machin inventé par les syndicats et leurs officines pour gagner de l'argent en préconisant les Recommandations souvent falsifiées de la HAS (ICI et LA), pourra préconiser, prescrire, administrer des techniques de conditionnement pour que ses malades, et a fortiori ses non malades, fassent ce que l'Etat de l'Art a décidé. Le médecin lambda prescrit une statine à un (e) patient (e) qui n'en a pas besoin, une statine qu'il ne prend pas régulièrement, seulement quelques jours avant l'évaluation d'une anomalie lipidique (EAL), et lui administre des exercices de motivation pour qu'il soit observant...
Mais le médecin blogueur ou gazouilleur lambda, pardon pour les généralisations et pardon pour ma non citation partielle, partiale ou exhaustive, des blogs et des tweets, ne voulant pas, contrairement à mes habitudes dénoncées par des blogueurs et des gazouilleurs indignés, faire d'attaques ad hominem, non seulement est persuadé du bien fondé de ses connaissances mais pratique également, et de façon anonyme (le contraire serait quand même surprenant car ils finiraient un jour ou l'autre par prendre un pain dans la tronche), le médecin ou gazouilleur lambda aime pratiquer le patient bashing. "Allo ? Un patient qui ne sait pas prononcer infarctus ?" "Allo ? Un patient qui ne veut pas de médicaments génétiques ?" " Allo ? Un patient qui continue de fumer après un pontage ?" Cela le déstresse de sa vie difficile, de son métier prenant, de ses inquiétudes existentielles, que de dire du mal de son patient crétin qui, diabétique, continue de boire du coca influencé en cela par les publicités inondant les écrans de télévision...
C'est pourquoi, sachant tout cela, ce que j'ai trop rapidement décrit, c'est à dire les méthodes marketing, l'arrogance des médecins, leur paternalisme éclairé, leur patient bashing, le citoyen, patient, malade, a, finalement le droit, comme tout un chacun d'être mal soigné, de choisir le spécialiste qu'il veut, de ne pas prendre ses médicaments anti hypertenseurs, de ne pas faire d'exercice physique, de ne pas pratiquer le sport, de trouver que Sophia, c'est génial, de refuser les entretiens motivationnels, les psychothérapies sauvages, les conseils avisés, les séances de kinésithérapie, les adressages non justifiés chez des spécialistes ou les séances d'ostéopathie.
Ce droit inaliénable à pouvoir faire ce que l'on veut, quand on veut, au moment où on le veut, le principe du néolibéralisme rawlsien, que les citoyens consommateurs de santé s'en emparent, qu'ils en fassent ce qu'ils veulent, qu'ils se mettent sous la coupe des marchands de l'e-santé, qu'ils créent des associations sponsorisées par Big Pharma ou par des Agences Conseils en Publicité, qu'ils parlent sur des forums hébergés par des sites commerciaux, qu'ils se livrent pieds et poings liés aux gourous, aux faux médecins, aux vrais médecins, aux dépasseurs d'honoraires, aux partisans des traitements expérimentaux (et non expérimentés), aux professeurs médiatisés, aux presque professeurs sur médiatisés qui "expertisent" dans tous les médias, qu'ils en profitent, qu'ils imposent même des traitements à des médecins considérés comme des opérateurs, à des médecins dont le seul boulot est de faire de la technique, le ménisque droit, le wirsung, le pipi au lit...
A suivre...
Notes.
(1) Ce sont donc ces mêmes médecins, que l'on ne critique pas mon globalisme, c'est un tel foutoir idéologique que personne ne reconnaît plus rien quand les gauchistes préconisent la libéralisation des drogues en se mettant dans le même ligne politique que la trop fameuse OMS dont les experts en addictologie diraient pour une fois la vérité selon le principe bien connu qu'une montre en panne dit la bonne heure deux fois par jour (ICI), dans le fil éditorial de The Economist, le fameux journal marxiste britannique (ICI) ou dans celle des libertariens américains d'extrême-droite qui votent cocaïne et NRA au nom de la régulation du marché, mais je ne suis pas un spécialiste de ces questions, merci beaucoup de me le faire remarquer, bien que j'aie lu les éléments de langage (sic) fournis par la Fédération Française d'Addictologie (LA) qui permettent au pékin lambda (moi) de différencier légalisation, dépénalisation, décriminalisation et libéralisation des drogues...
(2) Le premier qui me traite d'homophobe a droit à un Certificat de Bien Pensance (de la gauche de la gauche) délivré par la Jean-Luc Romero Académie, officine traquant les déviants de la pensée "moderne" ultra libérale de gauche...
(3) Mes amis gérontologues (et je sais qu'il en est qui ne sur diagnostiquent pas l'Alzheimer, qui ne sur prescrivent pas des médicaments inefficaces et dangereux appelés anti Alzheimer,...), mésothérapeutes (et je connais des mésothérapeutes "sérieux" qui ne sortent pas leur pistolet à la moindre non occasion comme un authentique partisan de la NRA -- National Rifle Association, ICI), et / ou homéopathes (je ne m'engagerai pas dans une distinction sémantique voire épistémologique dans le but de distinguer quelle chapelle homéopathique "dit" la "vraie" médecine...) ne se reconnaîtront pas et conviendront avec moi qu'ils connaissent mieux que moi les excès et les agissements de leurs confrères...
(4) La Gestion des Maladies (en français) est une invention des organismes payeurs américains (cf. la note suivante) pour rationnaliser la prise en charge des maladies, c'est à dire pour diminuer les coûts, en "animant" des réseaux pluridisciplinaires (la somme de spécialistes fonctionnant en parallèle étant supposée humaniser la relation avec les patients) dont l'occupation principale est de faire des croix en face d'actions jugées indispensables (les fameux indicateurs d'efficience) et de s'octroyer d'autres croix de satisfecit en comptant les croix a posteriori...
(5) On remarquera que les mêmes qui louaient le discours de Villepin à l'ONU dénonçant les prétendues Mass Destruction Weapons inventées par le story telling américain se jettent sur ces nouvelles techniques qui ne sont que la version "moderne" du paternalisme et de l'arrogance médicaux à la sauce "réseaux sociaux" pour remplacer les techniques alapapa...
John Rawls : 1921 - 2002
Crédit photographique : Radio Netherlands Worldwide
14 commentaires:
J'ai pas tout compris quant à la finalité de l'article (mais je pense que ça vient de moi, là ça volait trop haut) mais certains aspects m'ont particulièrement touchés : en ce moment, c'est la grande mode de "l'éducation thérapeutique" dans le service du CHU.
J'ose plus ouvrir ma gueule ou que ce soit (je quitte twitter pour l'instant, ça fait deux fois que "j'agresse" semble-t-il des hospitalo-u qui le prennent mal, sans accepter la moindre contradiction), en RCP ("ton ressenti personnel, ça ne tient pas face aux données non plubliées de Pr machin et bidule… heu… c'est pas mon ressenti personnel, c'est ce que je tire d'un passage sur pubmed, moi je peux pas prendre en compte les données non plubliées du Pr bidule discutées devant en café entre deux sorties en congrès ou en réunion de protocole…)
ou en réunion de réseau quand on évoque justement l'éducation thérapeutique. Seulement, le simple fait de mentionner que bizarrement l'orateur venu présenter ce thème ne déclare aucun conflit d'intérêt alors que son trajet/hébergement/présentation sont indemnisés par un laboratoire qui vends des molécules de la spécialité, ça semble poser problème, que des laboratoires pharmaceutiques qui ne peuvent plus financer de manière trop ostentatoire des praticiens s'engouffrent dans le financement de l'éducation thérapeutique, ça fait moins réagir les praticiens et les associations de patients qui palpent au passage.
En plus, je pense que cette connerie d'éducation thérapeutique, c'est aussi du au fait que lorsqu'on met la consultation à 15 minutes pour faire l'annonce de cancer et l'explication du traitemnet, effectivement, on a pas le temps de s'occuper des détails. Après tout, maintenant, y'a l'infirmière d'annonce, y'aura ensuite l'infirmière d'éducation thérapeutique, l'infirmière de programmation etc… qui passera derrière. Bizarrement, en prenant 30-45 minutes, on fait l'annonce du diagnostic, on prend du temps pour écouter le patient, on fait tranquillement les ordonnances, on repasse soi-même en hôpital de jour voir le patient surtout à la première cure (et pas l'interne uniquement)… Bref, on fait le boulot qu'on devrait faire, on évite le recrutement de 3 équivalents temps pleins à mon avis plus utiles ailleurs sans parler de l'aspect financier vis à vis des labo qui commencent à dégoûter bien que j'ai des conflits d'intérêts moi-même (financement d'inscription / transport / logement pour congrès à l'étranger).
Enfin, je suis tout à fait d'accord : arrêtons de faire ch... les patients, si quelqu'un ne veut pas prendre un traitement, ce n'est pas le fait de voir une gentille infirmière d'éducation thérapeutique ou d'aller soi-même à ces formations (à toulouse c'est 1000 euros le DU !) qui fera que le patient prendra ses triatements : il est adulte et normalement si vous avez fait correctement votre boulot, informé.
Spéciale dédicace à un jeune patient ayant une hémopathie curable qui ne prend pas ses prophylaxies anti-infectieuses et son GCSF alors qu'il a moins de 500 neutrophiles depuis plus d'un mois... Je dois être à mon 3ème appel, il me dit oui-oui, je ne suis pas dupe, la seule chose que je peux faire c'est de croiser les doigts qu'il ne fasse pas d'infection, il vient à ses séances de chimio pour lesquelles il n'était pas motivé au début, c'est déjà bien. Après, il est jeune, parfaitement cortiqué et charmant. Mais aussi diablement têtu. On fera avec, il m'a même remercié de mes appels répétés, c'est dire s'il est gentil et poli. Après, c'est son droit, sa santé.
Bon, suis fatigué et pas très clair, je vais au dodo, l'astreinte hebdomadaire est loin d'être finie…
@ Picorna. Oui, l'éducation thérapeutique n'a pas pour objectif, en théorie, de faire prendre les traitements par le patient mais à lui faire comprendre, accepter et... vivre au mieux sa maladie, le plus souvent chronique.
J'avais dénoncé le fait que le SAS était désormais géré par des sociétés privées, que la CNAM avait décidé de mettre des mouchards sur les appareils pour autoriser le remboursement et que le SAS représentait désormais environ 40 % du CA des pneumologues de ville. Pas de réactions, ni des pneumologues (enfin, certains réagissent), ni des associations de patients, ni de la CNAM. Passez muscade.
Bonne soirée.
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Le problème dans tout cela , ce sont les "mouvements d'idées imposées", à la mode, et dont les bénéfices, malheureusement, ne reviennent pas aux patients, mais à ceux qui ont lancé les sujets à traiter. On se concentre sur la forme à coup de consensus ( l'éducation thérapeutique, les traitements contre la douleur, la maladie d'Alzeihmer etc ...,au détriment du fond incarné par le colloque singulier entre le médecin et son patient.
Beaucoup trop de cadres, de technocrates, de détenteurs de vérité sauce démarche qualité, grouillent dans la forme; de moins en moins de travailleurs sur le terrain face aux réalités du métier, les seuls confrontés au fond, mais étouffés par une logique comptable transformant leur labeur construit dans le temps et grâce au temps en des actes discontinus déconstruisant l'histoire née entre un patient et son médecin. Dans cette nouvelle ère médicale, on finit, tous par devenir étranger à l'Autre. ne pas se résigner, lutter contre l'absurdité du système imposé,et, à l'instar de Camus , lutter, afin de pérenniser une médecine humaine, pour la quête inconditionnelle de notre humanité.
@BT
Je ne l'aurais pas dit comme ça mais votre synthèse contient un point essentiel à mon sens: la dispersion des intervenants et la dilution de l'engagement fort entre soignant(s) et soigné, au contact. Ce que dit également Picorna.
@JCG
Je ne dois pas être très malin, je vois encore mal ce que pourraît être la médecine 2.0 en dehors de l'irruption forcée d'un nouveau mode d'information/communication dans notre relation avec le patient. On fait déjà face à cela sous l'impulsion du patient d'abord, viendra encore plus forte la pression des tutelles/OPC/Big Pharma, le dossier médical ensuite si les fées existent...
Ah ces malades qui ne font pas ce qu'on leur dit! Ils ne comprennent pas que c'est pour leur bien?...
Ou comment dans nos dispositifs validés, labellisés, EBMisés....on exclus un petit détail: les malades, les patients, qui sont aussi des personnes comme vous et moi avec leurs histoires, leurs peurs, leurs exigences, leur foutu caractère, leurs contradictions...
A t'on la possibilité d’être ce qu'on est quand on se soigne?
Comme on dit quand on cause bien, c'est le retour du sujet !
Un détail quand même qui me chatouille: contrairement à ce que l'on pense, l'entretien motivationnel (le très mal nommé en raison de mauvaise traduction)) n'a pas pour objectif de "motiver" une personne. C'est au contraire une position éthique qui accepte la personne dans toutes ses contradictions et ambivalences, voir ses refus de soin. C'est à partir de la que la personne peut vraiment commencer à échanger, faire part des ses craintes, de ses désirs, de ses contradictions...
@ bill
Motivational interviewing is a marketing product... Je crois que l'entretien motivationnel est pratiqué pour faire ressortir du patient sa volonté à aller mieux (je résume en caricaturant). Je préfère, pour le MG que je suis, la psychothérapie de soutien, plus neutre en théorie, mais... la neutralité...
je reviendrai sur ce sujet qui me chatouille depuis longtemps.
Bien à vous.
• Je pense que tu évoques, entre autres, le problème de la taylorisation du soin. Taylorisation qui est l’ancètre de la démarche qualité. Dans l’article de wikipédia la taylorisation est décrite ainsi : « une analyse détaillée et rigoureuse - d'où l'accent mis sur le qualificatif de « scientifique » - des modes et techniques de production (gestes, rythmes, cadences, etc.)
• l'établissement de la « meilleure façon » (the one best way) de produire (définition, délimitation et séquençage des tâches)
• la fixation de conditions de rémunération plus objectives et motivantes. »
Et on poursuit plus loin sur la manière de réussir la mise en oeuvre de ce mode de production innovant, càd comment convaincre les « ouvriers » de se plier à la taylorisation : » « Un monsieur s'approche de l'un des ouvriers, un petit Hollandais (...) .»
- « Vous gagnez un dollar quinze par jour , je crois, dit le monsieur.(...) Voulez vous gagner désormais un dollar quatre-vingt cinq ?»
- « Que faudra-t-il faire ?»
- « C'est tout simple. Quelqu'un viendra demain et vous ferez exactement ce qu'il vous dira toute la journée. Quand il vous dira de prendre une gueuse et de la transporter, vous le ferez. Quand il vous dira de vous asseoir et de vous reposer, vous le ferez. Sans discuter. Un bon ouvrier fait ce qu'on lui dit et ne discute pas. Nous verrons de quoi vous êtes capable.»
Lorsqu’on a l’habitude de réfléchir à ce qu’est le soin, comme l’ont les personnes qui fréquentent ce blog, on voit qu’appliquer les principes de la taylorisation au soin pose divers problèmes . S’il y a sans doute une « meilleure façon » de produire des voitures, qu’est-ce que la « meilleure façon » de soigner des personnes différentes dont les problématiques sont uniques ?
Mais aussi et surtout : le soin peut-il être réduit à une succession d’actes techniques réalisés par des exécutants, motivés par des objectifs de performances quantitatifs qui leur sont imposés de l’extérieur et où ni eux ni les patients ne trouvent de sens intime, si ce n’est le sens artificiellement fabriqué à coups de techniques de manipulation (croyance à priori en la parole des experts du côté des professionnels, et pourquoi pas puisque je gagne plus d’argent ? au diable l’éthique professionnelle ! entretiens motivationnels pour le patient : la question de savoir si ce qu’on me propose est le mieux pour moi est évacuée, si je veux aller mieux il faut que je fasse ce qu’on me dit) ?
Donc, déresponsabilisation tous azimuths et perte de sens. Le sens n’est pas produit au sein de la relation entre médecin et patient mais est imposé. Il se réduit à l’utilisation systématique de tel médicament, de telle technique dans telle situation.
Or, le patient et le médecin ne peuvent bien faire leur part du travail que s’ils y mettent du sens. Un sens intime qui leur correspond, et non un sens imposé.
Le soin ne peut pas être réduit à une succession de techniques. Et la taylorisation du soin, indispensable pour réduire le soin à sa dimension commerciale et en faire un outil de « croissance », annonce une dégradation majeure de la qualité du soin .
@ Picorna et CMT
Mon intention, en écrivant ce billet, était effectivement de dénoncer le formatage des médecins et des patients mais surtout de rapporter que le paternalisme continue sous d'autres formes et que les médecins ont tant fait d'erreurs dans le passé qu'il est raisonnable de penser que les patients en font aussi et qu'ils en ont, d'une certaine façon, le droit (et malgré le fait que cela passe par des tendances néolibérales rawlsiennes).
N'oublions pas, mais ce n'est pas un dogme, c'est un outil, que l'EBM doit passer par le patient qui est un individu pensant et qu'il faut parfois passer par la prescription indue d'antibiotiques pour le convaincre la fois suivante qu'il n'étais pas nécessaire d'en prescrire... Qu'il faut parfois se plier aux chimiothérapies compassionnelles malgré que nous en ayons.
Le médecin n'a pas toujours tort et le malade non plus.
J'avais fait en ce blog le portrait d'un médecin intuitionniste déontologique. C'est encore d'actualité. http://docteurdu16.blogspot.fr/2010/10/portraits-medicaux-1-un-intuitionniste.html
Mais la suite de mes propos va arriver.
Bonne soirée.
J'ai bien compris le sens de ce billet. Si je prends le temps de m'y intéresser et de le commenter c'est que j' y reconnais une sensibilité que je partage dans ma pratique de la médecine générale.
La "sensitude intimale" du patient qui soigne ou du médecin qui patiente ou l'inverse et de ce l'un impose à l'autre ou l'inverse n'a pas beaucoup de...sens !!!...
Si je m’intéresse à l'entretien motivationnel, c'est justement qu'il n'impose rien, surtout pas un sens. En aucun cas il n'est paternaliste et n'oblige pas. C'est tout l’intérêt de ce positionnement. Je ne suis pas prosélyte et je souhaite partager ici avec vous une réflexion sur un élément qui permet de se tromper, d'expérimenter de tâtonner de prendre des chemins surprenants y compris celui de ne pas faire ce qu'il faut pour aller mieux. Il rend la responsabilité à une personne à qui elle a bien souvent été suprimée, volée (la personne alcoolo dpendante en est le paradigme)
C'est l'inverse que ce que vous suposez.
« On se persuade mieux, pour l'ordinaire, par les raisons qu'on a soi-même trouvées, que par celles qui sont venues dans l'esprit des autres » Pascal.
Je n'ai pas plus raison que vous. Mais moi, je me sens bien avec la pratique de l'entretien motivationnel.
Cette histoire de taylorisme me parle particulièrement. Je ferai un rapprochement atroce mais:- c'est le lit du fonctionnement nazi. Je m'explique. Un bonhomme aiguille le train, un autre accroche les wagons, un autre siffle sur le quai et c'est pratique. Personne n'a vu l "oeuvre" dans son ensemble. Ou du moins, ce système autorise cette excuse. L'humain est ainsi fait et moi aussi très humblement, pour se fabriquer les masques derrière lesquels il peut se cacher consciemment ou non. Donc faire le focus sur le détail, comme en tournant l'objectif de l'appareil photo, c'est voir clairement le petit truc mais flouter le reste. Or, le généraliste ne peut pas polariser sur le détail, il lui faut opter pour l'équilibre de l'environnement.
Mais nous aimons la pensée duelle, si facile (et tant en écho au mono théisme histoire de faire un peu l'intello). Opposer le bien au mal, le vieux au jeune, la santé à la maladie...mais ça c'est des idées, des concepts. La réalité est qu'on est jeune par rapport à certains et vieux face à d'autres; en meilleure ou moins bonne santé par rapport à d'autres et que le bien est parfois mal et vice versa et vous les généralistes, vous devez vous débrouillez avec ça.
Où je veux en venir?
Ne chipotez pas sur les mots...Que le paternalisme allopathe glisse vers le paternalisme du développement personnel...oui, il peut y avoir de ça. Que l'entretien motivationnel puisse crisper à cause du mot motivationnel...oui. Moi aussi ce mot peut me crisper. Que tout ça puisse devenir un fatras idéologique...oui, encore oui. Oui, mais...
Au centre de tout ça il y a un patient qui pense ou mieux encore ressent. Et le soigner au mieux serait peut-être trouver cet équilibre entre le soin d'un corps en accord avec la vision du monde du patient et la réalité de son environnement.
Or tout ça...y compris les prescriptions "abusives", que ce soit poudres de perlimpimpin, chimios ou "conseils avisés du médecin"etc.., ce sont des outils au service de la relation du médecin et de son patient. Au centre il y a le patient, c'est tout. Or il est pour moi impossible de théoriser, formaliser, "scientifiser" cette alchimie délicate et essentielle. Donc il y aura toujours "fatras idéologique", toujours de l'à peu près, du "moins pire". Comme si le généraliste dans sa vision globalo-instinctive ne pouvait que voir la réalité d'un patient de façon un peu floue mais juste, quand le disséquage institutionnel à la mode sous couvert faussement scientifique ne verrait qu'un détail certes précis mais sans voir le reste.
J'ai l'impression qu'un médecin qui sait se regarder lui-même, ne pas se mentir...lire "prescrire" et faire la part des choses... Faire ce que vous faites, là, quand je vous lis...j'ai l'impression que c'est pas mal. Alors, oui, vous travaillez avec des données scientifiques certes, mais aussi tout le reste, tout l'humain pas scientifique du tout...Bon j'arrête il est tard.
Et n'oubliez pas:-le patient vous a choisi en fonction de ce que vous êtes avec une vision du monde qui répond à ses attentes.
Et merci de vous chipoter entre vous, je crois que le patient peut comprendre où il en est quand il comprendra la substantifique moëlle de ce chipotage. parole de patiente
@ m bronner
J'ai vu hier Hana Arendt, le film, un film intéressant mais "moyen", on aurait pu faire mieux, mais qui traite justement de la Banalité du Mal. Ce n'est pas une comparaison mais nous n'en sommes pas loin... Merci pour ce commentaire. je rajoute que je préfère de loin La psychothérapie de soutien mais il faudra que je développe un jour.
Les propos de m bronner me font penser à une réflexion que je me suis faite il y a longtemps: le cadre de la médecine générale est un théâtre d une incroyable liberté qui échappe à tout controle. Or toutes les réformes depuis environ 25 ans visent à contrôler ce qui ce passe dans ce cadre ainsi que son contenu. Il me semble que les personnes qui nous consultent sentent implicitement cette liberté qui existe dans la médecine générale. Bien sur cette approche globale et intuitive avec ses incertitudes, ce flou, ces approximations, son fatras technico humaniste et scientifique est nécessaire. Mais tout cela ne peut exister que dans un cadre de liberté. Défendre la médecine générale de demain, c est avant tout préserver cette liberté incroyable et nécessairement incontrôlable. C est à ce prix que nos patients pourrons ne pas bien être soignés.
Oui - Le vrai pouvoir est chez vous.
En avez vous conscience?
Et il fait des envieux... peut être.
Qui peut librement (ou presque) user de toxiques?
Qui peut faire enfermer quelqu'un en HP?
Qui peut decider qu'un homme ne peut pas travailler et de ce fait obliger la société à le prendre en charge?
Qui peut décider, là aussi, que la société prenne les soins de quelqu'un en charge?
Qui peut décider qu'un autre homme est mort?
Sans parler du secret médical...
Et tout cela en son âme et conscience...sans hiérarchie...
Libre, vraiment libre!
Cet enjeu là est considérable et à bien des égards insupportable pour tous ceux qui ne comprennent pas la complexité de l'enjeu.
ça c'est une affaire de sous, de pouvoir social, de liberté...
mais qui peut prescrire des toxiques et en user, peut maîtriser, commander aux rêves...toucher à l'Interdit. Et qui connait l'intime,le corps réel,celui que seul le mari ou la femme peut connaître...sans compter l'autre intimité, celle de l'histoire du corps de ce patient. Même pour se marier, pour ce lien social hautement symbolique, la preuve en est ce qui se passe en ce moment, même là il faut passer chez le généraliste!
Et qui peut sauver la vie d'un homme car il comprend les arcanes du fonctionnement mystérieux de son corps et ....douce utopie, cotoyer la mort, l'apprivoiser, la remettre à plus tard...qui sait même l'éviter!
Je ne sais pas si on a vraiment conscience de tout cela!
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