Je suis en train de lire Ending Medical Reversal de Vinayak Prasad et Adam Cifu dont je vous ferai sans doute un compte rendu complet. Et élogieux (j'ai des réserves sur certains points, bien entendu).
Les volte-face thérapeutiques ne sont pas ce que nous croyons intuitivement, c'est à dire, pour résumer : il existe des pratiques médicales que nous abandonnons parce qu'il est démontré ensuite qu'elles sont inefficaces ou parce que la science a trouvé mieux d'un point de vue efficacité et/ou conceptuel. Un exemple ? Un nouvel anti hypertenseur prouve qu'il fait aussi bien sur les chiffres tensionnels que le précédent mais il montre également qu'il protège la santé du patient : moins d'AVC, moins d'infarctus, et cetera. On peut dire que les données de la science ont évolué parce que le nouveau critère n'est plus Baisse de la pression artérielle mais protection cardiovasculaire.
Pour les deux auteurs, en finir avec les volte-face thérapeutiques signifie qu'il faut agir en amont pour éviter que des pratiques médicales ne deviennent la règle alors qu'elles n'ont pas démontré leur efficacité.
Ils insistent également sur ceci : quand il est démontré qu'une pratique largement répandue, et depuis de nombreuses années et sur des milliers ou des centaines de milliers de malades, n'est pas plus efficace qu'un placebo, elle n'est pas toujours abandonnée immédiatement. Pourquoi ?
Ils insistent encore sur ceci : quand il est avéré qu'une pratique fait plus de mal que de bien (le dépistage du cancer du sein par mammographie chez les femmes entre 40 et 49 ans) il est difficile de l'abandonner comme ça. On ne se demande pas pourquoi on l'a instituée mais comment on va faire pour la désinstituer sans perdre la face.
Mais il ne faut pas croire que cela n'arrive qu'aux autres, que cela n'est le fait que des institutions ou que c'est à cause de l'industrie pharmaceutique ou de l'industrie des matériels ou des méchants experts.
Ils insistent également sur ceci : quand il est démontré qu'une pratique largement répandue, et depuis de nombreuses années et sur des milliers ou des centaines de milliers de malades, n'est pas plus efficace qu'un placebo, elle n'est pas toujours abandonnée immédiatement. Pourquoi ?
Ils insistent encore sur ceci : quand il est avéré qu'une pratique fait plus de mal que de bien (le dépistage du cancer du sein par mammographie chez les femmes entre 40 et 49 ans) il est difficile de l'abandonner comme ça. On ne se demande pas pourquoi on l'a instituée mais comment on va faire pour la désinstituer sans perdre la face.
Mais il ne faut pas croire que cela n'arrive qu'aux autres, que cela n'est le fait que des institutions ou que c'est à cause de l'industrie pharmaceutique ou de l'industrie des matériels ou des méchants experts.
Je vous donne des exemples tirées de ma pratique.
Lors de mon installation en septembre 1979, mon dernier poste était Faisant Fonction d'Interne dans un service de neuro-chirurgie : les PL étaient mon domaine, et cetera. J'aimais bien manier les aiguilles.
Eh bien, au cabinet, j'ai très rapidement pratiqué des épidurales dans l'indication sciatique, des injections intra-articulaires de corticoïdes dans les genoux (comme d'ailleurs des infiltrations extra-articulaires : tendinite de la patte d'oie), et des infiltrations extra-articulaires des coudes (épicondylites). J'ai aussi infiltré des canaux carpiens, des aponévrites plantaires, et cetera. Sans oublier, et nous en reparlerons sans doute, les infiltrations intra et extra articulaires de l'épaule.
Aujourd'hui je ne pratique plus d'épidurales, non pour d'initiales raisons scientifiques mais parce qu'il y a déjà très longtemps j'avais vu que mon assurance civile professionnelle ne me couvrait pas. Je ne pratique plus d'injections intra articulaires dans le genou pour des raisons légales et pour des raisons scientifiques : cela ne "marche" pas. Je ne pratique plus, ou presque, d'infiltrations des épicondyliens après que j'ai expliqué au patient.e quels étaient les résultats à un an (autant de malades douloureux et impotents que les patient.e.s aient ou non été infiltré.e.s).
Je raconte cela avant-hier à l'un de mes collègue spécialiste. Il me dit ceci : il y a dix ans j'ai vu un orthopédiste qui m'avait demandé de le rappeler dans la semaine pour me faire opérer d'un ménisque. Je ne l'ai jamais rappelé. Je n'ai plus mal depuis dix ans. Je lui réponds ceci : il y a 9 ans j'ai fait une sciatique L4L5 hyper algique. Mes amis généralistes, rhumatologues, neurologues, tout le monde m'a dit que je devais me faire opérer. J'ai résisté. Aucun traitement antalgique ne me soulageait. J'ai tout arrêté. Je me suis arrêté de travailler huit jours. Mes muscles fondaient. Un collègue radiologue m'a infiltré dans l'espace foraminal (des études récentes ont montré que cela n'avait pas montré son efficacité) et 36 heures après je reprenais le travail. Un collègue médecin du sport m'a félicité de ne pas m'avoir fait opérer et il m'a donné des conseils d'auto kinésithérapie. J'ai un peu forcé et j'ai récupéré mon jambier antérieur en trois jours (et accessoirement mon quadriceps homolatéral car l'atteinte radiculaire était mixte). Je continue à faire du sport.
Ainsi, dans mon cabinet, et au delà des problèmes légaux, j'exerçais des pratiques qui n'avaient pas fait la preuve de leur efficacité mais qui me paraissaient intuitivement justifiées : Ego Based Medicine. Cela me valorisait, j'obtenais des résultats (rappelons que l'effet placebo est en moyenne de 30 % quelle que soit la pathologie et que dans le domaine de l'antalgie il peut atteindre 70 à 80 %), les gens se donnaient le mot, et cetera.
Je suis revenu en arrière.
Mais, je le rappelle, j'ai fait volte-face non parce que des pratiques justifiées ont été invalidées par la science et sont devenues injustifiées mais parce que des pratiques injustifiées ont été confirmées dans leur injustifiabilité.
La critique principale est celle-ci : s'il avait fallu attendre des justifications scientifiques pour l'utilisation de l'aspirine dans les céphalées ou en prévention cardiovasculaire on aurait laissé souffrir et/ou mourir beaucoup de gens. OK. Mais c'est aussi l'exception.
Voilà un début d'introduction à ce livre que je vous conseille d'acheter.
La critique principale est celle-ci : s'il avait fallu attendre des justifications scientifiques pour l'utilisation de l'aspirine dans les céphalées ou en prévention cardiovasculaire on aurait laissé souffrir et/ou mourir beaucoup de gens. OK. Mais c'est aussi l'exception.
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6 commentaires:
Sans spoiler la suite, voici une interview qui résume le point de vue de VP https://www.medpagetoday.com/publichealthpolicy/generalprofessionalissues/67339
Au delà de la complexité du sujet, le point central du " reversal" en médecine est qu' on permet la mise sur ne marché et la généralisation de médicaments et pratiques qui n' ont pas fait la preuve de leur efficacité. Et ça ne va pas en s' arrangeant.
Je note dans votre témoignage .... "Lorsque je me suis installé."
Ne peut-on dire que vos pratiques du moment étaient très très influencés par ce qui vous avait été appris ? Peut être qu'au cours de la formation, les jeunes médecins apprennent des choses qui ne sont pas vraies, qui sont fausses ou même parfois dangereuse ?
Combien de jeunes médecins ont appris qu'il fallait coucher les bébés sur le dos (1000 morts en plus par an, à la louche, pendant presque 15 ans, soit 15 000 bébés. Pour un "primum non nocere", c'est un scandale de santé public qui est bien resté dans l'ombre, je pense qu'on est loin des infiltrations qui ne servent à rien.
Combien des pratiques médicales d'aujourd'hui le sont simplement par la méthode de "ad antiquitatem" "ad libitum" ? Combien de ses pratiques sont néfastes ? (parlons des statines), combien de ses pratiques sont nées d'un noyautage de la recherche et de l'enseignement par des vendeurs ? Combien de ces pratiques sont défendues par les sociétés savantes qui dénigrent et chassent ceux qui s'élève contre ?
Il faudrait nettoyer les écuries d'Augias et pour certains médecins en rabattre un peu, la blouse blanche n’empêche pas de tuer par orgueil.
herve_02
Je riais tout seul devant cette nouvelle
https://jeanyvesnau.com/2017/12/03/inquietudes-quant-a-linnocuite-de-dengvaxia-vaccin-contre-la-dengue-de-sanofi-pasteur/
Encore une victoire canard wc de nos brillants labos. Et bien entendu, il faut faire confiance. Mais ils ne risquent rien. Un mec renverse un enfant qui se jette sous sa voiture on en fait tout un pataquesse et le mec est dans une mouise juridique sévère (en plus de sa propre culpabilité) un labo met un truc sur le marché qui tuera un paquet de gens et la vie continue.
Cela me fait penser à une phrase "Lorsque tu dois 100 euros à ta banque, c''est ton problème, lorsque tu lui dois 100 millions, c'est son problème". Les joies de notre système ultra-libéral.
herve_02
Ca me fait penser a ce vaccin qu'on oblige les français a faire depuis des décennies... le DTP !
Les américains ont Vinay Prasad, nous avons Docdu16...c'est trop injuste
https://ecoledessoignants.blogspot.com/
Je cite l'article de "ecoledessoignants"
"La question que Beaulieu soulève est importante : un médecin peut-il, sans trahir sa mission, dénigrer publiquement une minorité déjà lourdement défavorisée, marginalisée, opprimée ?"
Beaulieu devrait se demander si les antivaccins méritent la cabale politique et médicale qu'ils subissent.
Mais peut être qu'ils le méritent ?
Et qu'un médecin peut, doit ?, participer activement a cette "chasse aux sorcières" moderne car elle serait légitime ?
Qui grimpe a l'arbre doit avoir le cul propre...
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