Il serait bien présomptueux de vouloir, en quelques lignes, résumer la situation et, surtout, donner des informations claires et formuler un conseil définitif sur le fait de signer ou ne pas signer les contrats.
Je m'éloignerai volontiers du domaine syndical où mes compétences n'ont d'égales que mon ignorance. Ceci, toutefois : quand je parle d'ignorance, il ne faut pas exagérer tout de même, je veux dire ignorance des arrières-pensées des uns et des autres (qui a parlé le premier, qui a signé le second, qui a signé et n'a pas signé un autre document il y a deux ans ou quatre siècles, et cetera).
Préambule : Qui pourrait être contre le fait d'améliorer les pratiques médicales ? Qui, persuadé des valeurs de l'EBM, mais l'EBM,
toute l'EBM, pourrait se prévaloir d'un avis opposé à une certaine forme de normativation des pratiques sur la bases des dernières données de la science ?
Qui pourrait s'opposer à ce que le patient ne soit pas le seul juge de la pratique du médecin à moins que l'on pense que l'empathie, la sympathie ou la couleur de la moquette soient des arguments convaincants pour apprécier un praticien ?
Qui pourrait ne pas être d'accord avec le fait que le médecin ne peut être le seul juge de ses pratiques et d'autant plus qu'il n'est souvent pas au courant de ses propres agissements (pas de statistiques individuelles) ?
Le patient peut et doit juger son médecin mais sur des éléments également scientifiques.
C'est dire que le CAPI pourrait être aussi un formidable outil de formation des patients autant que des médecins.
L'évaluation des praticiens est, a priori et en théorie, une formidable avancée sur le chemin de la connaissance.
Mais il s'agit, selon la CNAM, de Santé Publique. Or, on sait depuis longtemps que l'agenda de la Santé Publique n'est pas un agenda Scientifique mais un agenda Politique.
Pré-requis : Mon acceptation a priori de l'évaluation suppose bien entendu que je puisse savoir pour qui roulent les évaluateurs, sur quelles bases ils ont travaillé, quels sont leurs mérites, quels sont les outils qu'ils utilisent et ce qu'ils vont faire des données qu'ils vont recueillir.
Les évaluateurs roulent pour la CNAM.Il semblerait même que ce soit "le challenge de l'année" pour la CNAM : un tiers des objectifs des directeurs de CPAM sera consacré à la conquête des 4500 CAPI attendus pour l'année 2009 selon un article paru dans La Lettre de Galilée (
n°79, mai 2009).
Ce sont les fameuses DAM qui seront le fer de lance de cette action. Gageons que comme les Visiteurs médicaux elles auront des objectifs, seront jugés sur leurs ratios et plus tard sur le nombre de primes qui seront allouées ou de PV qu'elles pourront dresser.
Pourqui roule la CNAM ?Le sujet est ardu car il faut aborder les tenants et les aboutissants qui ont pour nom : gouvernement, guerre syndicale, ordre des Médecins.
Qui évalue ? Les médecins-conseils. Sans faire de procès a priori il n'est pas connu dans ce pays que les médecins-conseils soient à la pointe des publications, des connaissances et des pratiques mais il faudra voir, les premières impressions que j'ai sont défavorables, les médecins-conseils étant avant tout des agents de la CNAM, d'anciens médecins généralistes pour certains...
Sur quelles bases les évaluateurs ont-ils travaillé ?Il semble que l'on puisse identifier deux volets :
- un volet comptable : "promouvoir des prescriptions moins onéreuses à efficacité comparable conformément aux données actuelles de la science."
- un volet scientifique associant un grand chapitre de prévention (vaccination contre la grippe, lutte contre le cancer du sein et iatrogénie médicamenteuse) et un chapitre maladies chroniques finalement assez bref ("favoriser la qualité de la prise en charge des patients souffrant de diabète et d'Hypertension artérielle)".
Les évaluations vont donc se faire d'un point de vue purement comptable et les médecins, échaudés par de nombreuses statistiques erronées de la CPAM locale (dépassements d'honoraires, pourcentage de génériques, et cetera), ne pourront pas vraiment contrôler les chiffres qui leur seront fournis et ce, d'autant, qu'un certain nombre de paramètres (hors CAPI, je le précise) sont toujours aussi flous et ne sont jamais pris en compte dans les requêtes des médecins comme le nombre des jours d'IJ par médecin (on ne sait si les patients en longue maladie ou en invalidité sont comptabilisés pour un nombre d'IJ qui ne devrait concerner que les maladies aiguës dans la mesure où, implicitement, les maladies chroniques sont "reconnues" par la Caisse).
Par ailleurs, les génériques sont sous la coupe des pharmaciens et leurs prix en France, 20 à 30 % inférieurs au prix du princeps sont loins des prix anglais (20 à 30 % du prix du princeps), notamment pour les statines !
MAIS SURTOUT : les choix scientifiques, par argument de fréquence, peut-être, si l'on se réfère aux chiffres de l'Observatoire de la Médecine Générale [Le top des 50 Résultats de Consultation les plus fréquents en Médecine générale rapportant comme pourcentages pour les examens systématiques et de prévention (22.28), l'HTA (12.71), les vaccinations (12.35), et le diabète (3.6)], sont fondés sur les recommandations de la Haute Autorité de Santé et de l'AFSSAPS, organismes éminents et contestés pour leurs liens consanguins et souvent non déclarés avec Byg Pharma.
Mes problèmes d'acceptation des CAPI.- Le volet comptable est connu comme le loup blanc : il s'agit de "faire" du générique. Faire du générique pose au moins trois questions : la première (et nous l'avons vu plus haut) : pourquoi les génériques sont-ils si chers en France ? La deuxième : quid des prescriptions hospitalières faites au bas mot à 90 % en princeps ? La troisième : quid des effets indésirables liés aux génériques chez les personnes âgées ? Ce dernier point est controversé mais je ne me place pas sur le plan de l'efficacité / inefficacité des génériques mais sur celui, moins contestable à mon avis, de la confusion des formulations pharmaceutiques chez un même patient et selon le changement possible des marques de génériques tous les trois mois. Ce point est toujours balayé d'un revers de la main par les partisans de la DCI mais n'en reste pas moins, dans ma pratique personnelle (personnes âgées dépendantes), deuxième pilier de l'EBM, problématique. Or je rappelle que la lutte contre la iatrogénie est un des objectifs du CAPI...
- Le volet scientifique est, pour le coup, un grave problème. Prenons les points un à un.
GRIPPE : L'objectif fixé est la vaccination antigrippale chez 75 % des patients d'âge égal ou supérieur à 65 ans.
Je suis très dubitatif sur l'efficacité de la vaccination antigrippale dans ces conditions et je l'ai exprimé largement
sur ce blog. Et j'en viens à un point majeur que je n'ai pas encore abordé ici : où sont les preuves ? Il existe des données discordantes dans la littérature internationale extra française (rappelons ici la médiocrité de l'épidémiologie à la française dont le niveau, sur une échelle analogique de 1 à 10, serait [sources personnelles] de 2) sur la validité de cette vaccination (en gros : plus les personnes sont âgées et moins la réponse immunitaire est forte et moins la couverture vaccinale est efficace *) et des études rétrospectives françaises ont, elles, montré que c'était la couverture vaccinale des personnels des institutions pour personnes âgées qui était le facteur déterminant (vous avez le droit de me dire que je ne cite les sources françaises que lorsqu'elles sont favorables à mes idées mais, en l'occurence, ce sont les seules existantes et elles donnent de l'eau à mon moulin).
Nous ne reviendrons pas ici sur les conflits d'intérêts majeurs entre revues médicales et Byg Pharma promoteur de vaccins : un article de
Jefferson est très démonstratif sur ce point.
Nul doute que la CNAM est très au courant de ces données par l'intermédiaire de ses experts, experts qui, soit ne déclarent pas leurs conflits d'intérêts fianciers (les autres...), soit les déclarent et montrent par là qu'ils sont TRES influencés par Byg Pharma (inconsciemment, cela va sans dire).
* L'étude Govaert et al. déjà ancienne et que je cite dans mon blog (cf.supra) montre que la vaccination chez les personnes de plus de 60 ans était efficace dans 58 % des cas mais inefficace chez les personnes âgées de plus de 70 ans
CANCER DU SEIN : l'objectif fixé est que 80 % des femmes âgées de 50 à 74 ans subissent une mammographie de dépistage. Là, on est en plein délire. Pour plusieurs raisons : d'abord des raisons de faisabilité. Dans quel pays est-on arrivé à de pareils chiffres ? Et on demande aux médecins généralistes français, assurément peu au fait des contraintes de dépistage et peu formé aux enjeux de la Santé Publique, d'atteindre cet objectif ! Les exemples du dépistage du cancer du colon par hemoccult sont navrants à l'échelle nationale ! MAIS SURTOUT : ce dépistage a montré sa très faible efficacité et sa capacité à entraîner des inconvénients majeurs chez les femmes.
- Aucune étude n'a montré une baisse de la mortalité totale chez les femmes dépistées
- Les chiffres sont têtus : "Pour 2000 femmes invitées au dépistage, une aura sa vie prolongée. En contrepartie, dix femmes en bonne santé, qui n'auraient jamais été déclarées cancéreuses en l'absence de dépistage, sont diagnostiquées comme ayant un cancer du sein et traitées inutilement."
Je rappelle ces données sur
un blog destiné aux patients.
Je donne de nombreux éléments sur ce dépistage dans de nombreuses rubriques de
ce blog.
DIABETE : les objectifs sont divers et variés. Ils concernent la pratique de l'HbA1C au moins trois fois par an pour 65 % de la cible, l'obtention d'un Fond d'Oeil annuel pour 65 % de la cible, la prescription d'une statine chez les diabétiques hypertendus traités et selon le sexe et l'âge pour 75 % de la cible et la prescription d'aspirine (sic) chez les diabétiques hypertendus traités et dyslipidémiques traités et selon le sexe et l'âge pour 65 % de la cible.
Ouf !
Quelques réserves (...) : existe-t-il des études indiquant que trois fois vaut mieux que deux fois pour le dosage de l'HbA1C pour l'équilibre diabétique ? Idem pour le FO. Avec ceci en plus : quand la CNAM s'intéressera-t-elle aux dépassements d'honoraires sauvages des ophtalmologistes ? Quid des statines ? Les études sont-elles convaincantes ? Nous croyions qu'il était trop prescrit de statines...
Plus sérieusement : il semble que des mesures de Santé Publique concernant l'alimentation seraient plus efficaces que le dosage quadriannuel de l'HbA1C (mais je n'ai pas d'études) mais si la CNAM est sous la coupe de Byg Pharma, d'autres institutions (dont l'Assemblée Nationale) sont sous la coupe de Byg Junk Food, ceci expliquant cela. Les médecins généralistes, en bout de course, devant être les pompiers d'une société pyromane...
HYPERTENSION ARTERIELLE : l'objectif est que 50 % des patients hypertendus aient des chiffres de Pression Artérielle inférieurs ou égaux à 140 / 90. Quand on sait que dans les études randomisées plus d'un tiers des patients n'étaient pas hypertendus à l'entrée dans les essais (Yussuf et al.) il ne semble pas difficile d'atteindre de pareils objectifs... Surtout qu'il s'agit de données déclaratives...
Quant aux autres chapitres, nous essaierons de les traiter une autre fois...
EN CONCLUSION : Je n'ai pas parlé des données incentives (on paie les médecins pour atteindre les objectifs), si j'ai bien compris 3200 euro par an...
J'attends avec impatience que l'Alzheimer soit mis au programme de ces réjouissances, on verra jusqu'où les déjà signataires ou les prochains iront pour avaler leur chapeau.