mardi 15 septembre 2020

Covid-19 : la médecine générale toujours en première ligne et sans biscuits (sans centres d'appel et sans RT-PCR)



Rappelons les propos d'un réanimateur (Damien Barraud) : Le seul traitement correct (de la Covid-19 en réanimation) est le good supportive care. Et, éventuellement, un peu de dexaméthasone. Les antiviraux ne sauveront pas le malade que tu as par ailleurs noyé de salé par des hydratations inconséquentes ou de la sédation, ou de la ventilation mal fichue. 


Pour provoquer : la seule chose dont les médecins généralistes ont besoin en ce moment, ce sont des centres d'appel nombreux, efficaces, avec du personnel en nombre pour répondre aux appels des médecins généralistes qui demandent des tests pour les citoyens dont il juge qu'il est nécessaire de le faire.


Les plans de santé sans médecins généralistes : y en a marre !


Mais, dans le cas du Covid, il ne s'agit pas de médecine générale. Non. D'épidémiologie et de gestion administrative pour les citoyens symptomatiques, contacts, asymptomatiques.

Nous avons besoin de numéros de téléphones verts qui ne sonnent pas dans le vide, nous avons besoins de téléopérateurs/trices derrière les lignes téléphoniques, nous avons besoin de laboratoires d'analyses qui répondent au téléphone, nous avons besoin de matériel et de réactifs en nombres suffisants pour tester, tester, retester, les bonnes personnes. Nous avons besoin de consignes claires pour les mesures-barrières. Cibler, pooler, isoler.

Voici un schéma qui permet de clarifier les choses. Pour le consulter de façon correcte et pour rendre à César... C'est sur le blog ICI



Voici, sur le blog de Borée (LA) un algorithme Excel téléchargeable (je ne l'ai pas encore utilisé).

Et donc : 

Nous ne dirons pas que les délais pour obtenir un rendez-vous de RT-PCR s'allongent.

Nous ne dirons pas que les délais pour obtenir les résultats d'une RT-PCR s'allongent.

Nous ne dirons pas que c'est dû à la politique folle des ARS, de la CPAM, des élus (je veux mon Barnum) qui a décidé, pour faire du chiffre, pour pouvoir clamer "J'ai agi", pour que les chefs puissent être pris en photo devant un Barnum et que leurs binettes (on l'espère masquées) apparaissent dans Ouest-France, Sud-Ouest ou Le Parisien, tandis que les subordonnés in situ ne portent pas de masques en mangeant, à la machine à café ou dans des réunions présentielles fenêtres fermées, donc, nous ne dirons pas que l'allongement inconsidéré des délais d'obtention d'un rendez-vous de RT-PCR ou l'allongement inconsidéré des délais pour obtenir les résultats d'une RT-PCR sont la conséquence pratique du fait que, contrairement à toute politique de santé publique cohérente, contrairement à toute planification scientifique du dépistage, du traçage et de l'isolement des sujets potentiellement contaminateurs, les ARS, la CPAM et les élus ont dit : "Faites-vous tester, c'est gratuit !"

Nous ne dirons pas que les hypochondriaques, les peureux, les sensés, les non malades, les non symptomatiques, les sujets non à risques, les unijambistes, les porteurs d'un appareil acoustique se sont rendus en masse dans les laboratoires d'analyse médicale...

Nous ne dirons pas qu'ainsi, de façon mécanique, en raison de l'engorgement par les non malades, les non porteurs, ceux qui en avaient le plus besoin d'un point de vue de santé publique, c'est à dire les symptomatiques, les contacts de symptomatiques, les contacts de contacts de symptomatiques, n'ont pu avoir de rendez-vous, n'ont même pas pu entendre autre chose qu'un répondeur leur demander de renouveler leur appel.

La loi inverse des soins.

Et le numéro fourni par l'ARS Ile-de-France, celui réservé aux professionnels de santé pour qu'ils trouvent un endroit, dans les 48 heures avait-on promis, où leurs patients ciblés puissent ^tre testés, eh bien, je l'ai appelé toute la journée d'hier, il ne décrochait pas.

Donc, c'est le bordel.

Parlons des écoles.
Incise sur le désarroi probable des directeurs d'établissement, des enseignants en général, des administratifs, sur l'imprécision des directives et sur le flou des instructions données par les Ministères (Blanquer est très gratiné dans le style "je dis tout et je dis rien") à leurs salariés.
C'est le triomphe des initiatives locales fondés sur du vent. Et surtout pas sur une méthode dont le but serait de limiter la circulation du virus.

Les directeurs d'établissement et consorts demandent tout et rien aux médecins généralistes. Chacun improvise. Sans compter les crèches.


Les enfants de 0 à 3 ans : voir LA. Le document est d'une lourdeur infinie (38 pages).




Mais on y trouve une pépite. Une attestation sur l'honneur que peuvent et doivent remplir les parents (le médecin de famille n'a donc rien à rédiger). C'est une attestation pour les crèches mais on me dit que cela serait applicable aux établissements scolaires.



La médecine générale n'a pas besoin de faux prophètes, elle a besoin de moyens, de moyens pour faire son boulot, de moyens organisationnels, de moyens qui ne sont pas détournés au profit des élus et des administrations gouvernementales ou para gouvernementales. De consignes claires, également, pour la population. Pour les écoles, pour les entreprises, pour les transports en commun.

Simplifiez-nous la vie.

Créez de vrais centres d'appel. Avec du personnel.

PS du 17/09/20 . Je rajoute un schéma qui m'a été transmis par le @docteurmathieu et qui me paraît très utile (je viens de l'utiliser à l'instant).




jeudi 3 septembre 2020

MALIGNANT, le dernier opus de Vinay Prasad. Comment une mauvaise politique et des preuves de mauvaise qualité nuisent aux patients souffrant d'un cancer.



Lire ce livre est un bonheur tant le style est limpide, l’anglais évident, le propos clair, l’enthousiasme communicatif, l’absence d’animosité élégante et les exemples choisis pertinents. Mais cette lecture est aussi un véritable calvaire pour le praticien (et pour le citoyen).

Ce que nous apprenons ou réapprenons, ce que nous découvrons ou redécouvrons, ce que nous constatons ou re constatons, ce qui est mis en lumière et ce que nous avions oublié, ce que nous nous étions caché et qui réapparaît, dévoile un système effrayant de noirceur, d’avidité, d’appât du gain et de gloire, de fraudes scientifiques, de manques à l’éthique, de mépris des citoyens malades, de conflits d’intérêts majeurs, un système qui pourrait apparaître comme une dystopie mais qui est le passé, le présent et sans doute l'avenir de l’oncologie.

Vinay Prasad, avec son air de ne pas y toucher, n’oublions pas qu’il fait partie du milieu, qu’il n’est pas un lanceur d’alertes, c’est un révélateur, peut-être même un dénonciateur, qu’il n’est certes pas rétribué par l’industrie pharmaceutique mais qu’il a reçu deux millions de dollars en trois ans de la part de la fondation Laura and John Arnold (ICI), décrit des pratiques, celles de la recherche de molécules en préclinique jusqu’à leur commercialisation en oncologie, qui sont détestables. Détestables pour les patients qui souffrent, des patients instrumentalisés par l'espoir, les médicaments miracles, les déclarations tonitruantes, les mensonges, les non-dits, et, finalement, des patients livrés à une machine qui broie.

Tout ce qui est excessif est insignifiant, pourriez-vous d'emblée dire et ainsi cesser de lire ce résumé d'un livre capital. Mais, malheureusement, ce qu'écrit Vinay Prasad, et il existe dans ses articles, dans sa bibliographie, des centaines de thèmes qu'il n'a pas explorés ici, est devant nos yeux : il suffit de lire, de regarder, de comprendre, et la majorité d'entre nous, les praticiens, nous ne le faisons pas. Nous nous laissons faire. A tous les niveaux. Sans oublier les progrès formidables en cancérologie qui ont été accomplis dans la prise en charge de certains cancers avec des résultats sur l'espérance de vie et la qualité de vie des patients.

Car ce livre, malgré la noirceur de ce qu'il décrit, est surtout une oeuvre salutaire brillante et éclairante.

Vinay Prasad ne nous dit pas que tous les oncologues, tous les onco-hématologues, sont malhonnêtes, il nous dit que le système est vicié, il nous décrit des pratiques qui, depuis les phases 1 jusqu’à l’approbation par la FDA et la fixation des prix des molécules, sont contraires à l’intérêt des patients, commercialiser des molécules inefficaces et dangereuses, contraires à l’intérêt des contribuables états-uniens, commercialiser des molécules inefficaces et dangereuses à des prix ahurissants (en moyenne 100 000 dollars par an pour un traitement), contraires à la méthodologie scientifique, commercialiser des molécules qui n'ont fait ni la preuve de leur efficacité (et a fortiori de leur efficience) ni de leur absence de toxicité, contraires à la morale commune, commercialiser des molécules sur la base d'avis corrompus par l'argent des développeurs de molécules.

Vinay Prasad rapporte des faits, cite des molécules, met le système à plat et, surtout, propose des solutions.

C'est une leçon d’anatomie, tel un légiste il dépèce le système, il désarticule les différentes phases de la procédure industrielle, c'est une leçon de physiologie, il investigue les processus qui animent le grand corps décisionnel des différentes administrations états-uniennes, c'est une leçon de médecine au lit du malade, tel un interniste il diagnostique les maux et les maladies qui conduisent à toutes ces anomalies de fonctionnement, c'est une leçon de morale, tel un éthiciste il pointe du doigt les endroits où les consciences font fi des malades, mais surtout, c'est une leçon de thérapeutique, tel un praticien, il suggère des traitements.

Vinay Prasad est pourtant un OVNI, un OVNI que les responsables de la santé états-unienne et que les oncologues de tous les pays regardent de loin, au télescope, ils auraient trop peur en s’approchant de lui de devoir remettre en cause leurs pratiques qui leur semblent naturelles, dans le sens du progrès et de l’enrichissement de tous, trop peur de se faire contaminer par les idées de bon sens et d’éthique scientifique qui devraient présider à l’amélioration de la survie et de la qualité de vie des patients souffrant d’un cancer.

Pourtant, avec malice, il donne des pistes à l’industrie pour lui éviter de perdre de l’argent (et par la même occasion d’en gagner un peu plus) et pour la remettre dans le sens de la morale, il donne des pistes pour que les patients souffrant d'un cancer puissent être mieux pris en charge, soulagés et traités, et surtout pour que la recherche et le développement des futures molécules ait pour objectif d'améliorer la survie globale des patients et leur qualité de vie d'une façon cliniquement pertinente et non seulement statistiquement pertinente.

Il n’est pas seul à défendre de pareilles idées dans le monde de l’oncologie, et plus généralement dans le monde des essais cliniques, nous citerons John Ioannidis, Ben Goldacre (dont les livres recensent depuis longtemps les mauvaises pratiques d'essais cliniques dans tous les domaines de la médecine) ou Peter Goetzsche, ses pairs, mais la liste de ses fellows serait trop longue pour que la rapporte ici. Qu'ils m'en excusent.

Comme il ne s’agit pas d’un livre profane et que les exemples que je pourrais extraire du livre pour illustrer la perversion du système seraient trop techniques et ciblés, je vais résumer la pensée prasadienne et je laisserai le nom des molécules aux oncologues et onco-hématologistes.

S'il n'y avait qu'un chapitre à lire, ce serait le chapitre 2 concernant les critères de substitution (pp 23-51). 

Il rend compte de la problématique actuelle de l'oncologie. Adam Cifu a écrit : "Un critère de substitution est quelque chose que le patient ne savait pas important jusqu'à ce qu'un médecin lui dise que cela l'était."
1) Le taux de réponse est fondé sur la diminution de la taille de la tumeur qui a été fixé arbitrairement à 30 % Arbitrairement pour des raisons techniques (le pied à coulisse de nos ancêtres) mais sans corrélation aucune avec une quelconque amélioration clinique pour le patient. 2) La durée de la réponse est le temps que met la tumeur à grossir plus de 20 % par rapport à l'évaluation initiale : le lien avec une plus longue survie est ténu. 3) Les autres catégories de critères de substitution sont le temps au bout duquel survient un événement : la survie globale n'est pas un critère de substitution, c'est le critère majeur de l'oncologie associé avec la qualité de vie. Mais il existe des critères de substitution pour cette survie globale (Overall survival) : 3) a. Le plus célèbre est le PFS (Progression Free Survival) qui est un critère composite : le temps au bout duquel plusieurs faits peuvent survenir : le décès du patient, l'apparition d'une autre tumeur au scanner ou l'augmentation de la taille de la tumeur de plus de 20 % Mais c'est un critère arbitraire car une augmentation de diamètre constatée dans un plan peut signifier une augmentation de 173 % en volume ! 3) b. Le Disease Free Survival (DFS) est aussi un critère composite : le temps au bout duquel le patient meurt et/ou apparaît une rechute. Il est utilisé dans le cas où une tumeur a été enlevée et où on ne sait pas s'il va ya avoir une rechute. Mais c'est aussi un mauvais critère : l'exemple du cancer in situ est développé par Vinay Prasad. 3) c. Nous citerons également l'event-free-survival (EFS), Time to Progression (TTP) et Relapse-Free-Survival (RFS). En conclusion (mais Vinay Prasad donne de nombreux exemples précis où ces critères de substitution ont échoué) : "Quand des études de qualité ont été faites elles montrent majoritairement qu'il existe une faible corrélation entre les critères de substitution et la survie globale des patients."


Voici un résumé succinct de ce que pourrait être une volonté politique et scientifique pour développer la recherche clinique en cancérologie, et permettre à tous d’en profiter et finalement aider les patients porteurs d’un cancer.

Premier point : Indépendance.

L’argent de l’industrie du cancer pervertit les chercheurs, les cliniciens, les responsables académiques, les agences gouvernementales, les patients, les associations de consommateurs, le public. L’argent versé ne favorise pas l’esprit critique et conduit à l’utilisation de molécules marginales dont les preuves d’efficacité ne sont pas pertinentes pour les patients.

Vinay Prasad prend l'exemple de la façon dont les conflits d'intérêts peuvent influencer les six différents groupes de votants du Oncology Drug Advisory Committee qui décide de la commercialisation d'une molécule. 1) Les employés de la FDA doivent ne pas avoir de conflits d'intérêts au moment du vote. Plusieurs enquêtes ont montré qu'après leur départ de l'agence entre 37 et 68 % des employés votants trouvent un poste dans l'industrie. L'avenir d'un employé de la FDA est donc essentiellement de travailler pour l'industrie (revolving door) 2) Les votants de l'ODAC : en 2006 un article du JAMA révélait que 70 % d'entre eux présentaient au moins un conflit d'intérêt. Une réforme est survenue et désormais, aucun conflit d'intérêt n'est retrouvé au moment du vote mais 27 % des votants ont précédemment reçu de l'argent d'industriels dont les molécules étaient examinées devant le comité (revolving door passé et à venir) 3) Les industriels : pas de commentaires : ils défendent leurs molécules. 4) Mais ils ont le droit d'inviter des experts qui sont en général des géants de l'oncologie. 92 % d'entre eux reçoivent de l'argent de l'industrie et, en moyenne, 35 000 dollars. Les voix majeures de l'oncologie sont donc payées par l'industrie de l'oncologie et la quantité d'argent qu'ils reçoivent est corrélée avec le nombre de leurs publications et leurs facteurs d'impact. La question est : qui a commencé ? 5) Les patients et groupes de patients : 19 % présentaient un conflit d'intérêts entre 2009 et 2012 6) Le public. Une étude a montré que sur 103 personnes du public qui ont pris la parole devant le comité 30 % recevaient de l'argent soit directement, soit par l'intermédiaire des associations auxquelles ils appartenaient et, bien plus, 92 % des intervenants étaient pour la commercialisation des molécules, 6 % étaient neutres et 2 % contre.

Deuxième point : Les preuves. Mesurer ce qui importe et le faire de façon juste.

Pour développer un plan cancer qui réussisse il faut produire des preuves de grande qualité et obtenir des résultats qui comptent pour les patients : améliorer leur espérance de vie globale et leur qualité de vie.

Les preuves doivent être recherchées avec des essais randomisés bien faits sans arrière-pensées (équipoise).

Ce qui signifie (1) entreprendre des essais de non infériorité seulement quand le jeu en vaut la chandelle : par exemple si la nouvelle molécule est moins chère, moins toxique, ou plus pratique que les anciennes ; (2) être certain  que les changements de posologie dus aux effets indésirables sont justes et appropriés ; (3) comparer une nouvelle molécule par rapport au meilleur standard de soin existant (sur 95 essais randomisés menant à une commercialisation, 17 % avaient un bras contrôle inapproprié) ; (4) et utiliser le cross-over  de façon correcte : jamais dans un essai pour prouver l'efficacité d’une molécule mais toujours dans un essai qui tente de montrer qu’une molécule est efficace plus tôt dans le traitement.

Vinay Prasad donne des exemples nombreux sur des protocoles ni faits ni à faire, sur des protocoles biaisés, sur des résultats fondés sur des critères fallacieux, les fameux critères de substitution, sur des protocoles menés à l'encontre de l'état de l'art sur des protocoles menés hors Etats-Unis sur des patients qui ne sont pas états-uniens... Imagine-t-on aujourd'hui que l'on développe une molécule anti hypertensive en ne mesurant que la pression artérielle, en menant un essai de non infériorité sur six mois contre une molécule bétabloquante, et en affirmant que cette étude permet de diminuer la morbimortalité liée à l'hypertension ? C'est ce qui se passe en oncologie.
Comme il n'est pas possible de tout passer en revue voici un exemple de biais méthodologique relevé par Bishal Gyawali et Alfredo Addeo en 2018  :
Douze essais négatifs de phase 3 publiés dans des "grands" journaux pour de nouvelles molécules : 1 essai a été mené sans essai de phase 2, 3 ont été menés malgré des résultats négatifs en phase 2, 5 malgré des résultats de phase 2 non concluants et 3 conduits après une phase 2 positive ! 

Troisième point : Pertinence. Nos études doivent aider le patient "moyen" souffrant de cancer. 

Il faut se concentrer sur le patient moyen et non se fonder sur des essais effectués chez des personnes jeunes et en « bonne santé » hors cancer où les bénéfices obtenus sont maigres et où la prescription à des personnes plus âgées et plus fragiles pourrait entraîner une toxicité gommant les maigres effets obtenus. Les essais doivent s'intéresser à tous les patients âgés avec comorbidités et valider qu'ils sont effectivement efficaces sur de larges échantillons en situation réelle communautaire. La FDA doit approuver des molécules pour les citoyens et non pour des patients idéalisés.

Quatrième point : Accessibilité. Les thérapeutiques efficaces doivent être largement disponibles. 

Une molécule non disponible n’est pas un meilleur traitement du cancer que pas de molécule du tout. Il y a de nombreuses solutions pour faire baisser le prix des molécules anti cancéreuses.

Il faut d’abord souligner la nécessité de séparer le soin de la recherche. Le soin est financé par les gouvernements, les sociétés d’assurances et par les dépenses personnelles. La recherche est fondée sur la recherche publique, les compagnies biopharmaceutiques et les fondations non gouvernementales. 
Aux États-Unis d’Amérique les dépenses de santé représentent 3500 milliards de dollars soit 10 000 dollars par personne tandis que le budget de la recherche atteint 110 milliards de dollars, soit 300 dollars par personne (industrie pharmaceutique : 71 milliards, National Institutes of Health, 39,2). En d’autres termes le budget de la recherche représente grossièrement 3 % des dépenses de santé. 
Personne ne connaît le bon ratio. 
En revanche il apparaît que la recherche tente de s’approprier les ressources du soin pour se financer. Notamment le séquençage des tumeurs pour chaque personne atteinte d’un cancer, ce qui signifie donc faire financer par le soin des interventions non démontrées… 
Il est certain que la recherche doit être plus financée mais pas en affirmant que des procédures incertaines « marchent ».

Cinquième point : Perspectives. Le pipeline pré-clinique doit être développé.

Seules 5 % des hypothèses physiopathologiques conduisant à des conséquences cliniques voient le jour.
Il faut financer le pré clinique, ne pas tout investir dans des hypothèses hasardeuses (bien que la sérendipité soit une des options de la recherche) comme l'oncologie fondée sur le génome, il faut aussi financer la recherche fondamentale sans objectifs cliniques évidents, favoriser les jeunes chercheurs, envisager de nombreux systèmes d'allocations des ressources dont l'établissement d'une loterie... Page 245 Vinay Prasad propose même un essai randomisé (4 bras d'intervention et un bras contrôle) pour décider quel type de financement de la recherche favoriser.

Sixième point : Agenda. L'horizon général des essais cliniques en oncologie doit encourager la contribution des participants.

Vinay Prasad : il est nécessaire de minimiser les biais dans les essais en cancérologie, de poser les bonnes questions et dans le bon ordre, afin d'en faire profiter les patients souffrant de cancer. Il est possible d'imaginer un système formel, international, sans conflits d'intérêts à un niveau gouvernemental pour encourager les essais de qualité, les nouvelles molécules, la non duplication des essais, l'investissement dans des indications rares.

***

Je terminerai, mais je n'ai pas cité les dizaines de molécules pour lesquelles la FDA a donné son approbation et pour lesquelles elle n'aurait pas dû le faire, par les mirages de la médecine de précision, le hype du hype. Selon le NCI Match Trial (mené au niveau fédéral) en 2017 seuls 495/4702 (10,5 %) des patients qui ont été inclus dans le Next Génération Sequencing ont pu être associés à une molécule. L'essai MOSCATO-1 a montré que sur 1000 patients inclus 200 ont pu être associés à une molécule et que seuls 22 ont eu une réponse complète ou partielle. Soit 2 % de chances de voir une réduction de la taille de la tumeur ! Rappelons qu'avec de vieilles molécules cytotoxiques le taux est de 10 à 20 % lors de cancers récidivants.

Je vous conseille de lire ce livre avec lenteur pour regarder autrement vos futurs patients porteurs d'un cancer et regarder avec plus d'attention les comptes-rendus des Réunions de Concertation Pluridisciplinaire, pour suivre le cheminement de vos patients traités depuis le diagnostic jusqu'à la guérison et, malheureusement, les soins palliatifs.




lundi 24 août 2020

Le temps du Covid : la fin des cinquante glorieuses.



Nouvelle saison covidienne.

Les médecins ont toujours vécu (depuis la nuit des temps) dans le monde difficile de la maladie, de la vieillesse, de la mort, en première ou en deuxième ligne, mais, depuis les années soixante-dix (à la louche), les médecins comme les profanes ont ressenti la transition épidémiologique (la diminution colossale de la mortalité infantile, la quasi fin de la mortalité des enfants due à des maladies infectieuses, l'allongement, jusque là ininterrompu de l'espérance de vie à la naissance, et cetera). Cette transition épidémiologique a un revers : une vie plus longue avec des maladies chroniques (l'espérance de vie en bonne santé est en train de diminuer) et l'apparition de pathologies neurodégénératives (Alzheimer pour faire court).

La transition épidémiologique s'est accompagnée d'une transition épistémologique : la mort d'un enfant n'est plus acceptable (elle ne l'a jamais été mais, jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle, un enfant sur deux mourait avant l'âge de 10 ans... cela calmait) et n'est plus acceptée, mais, plus encore, la mort n'est pas acceptée. Quel que soit l'âge : "On ne devrait plus mourir". Ben si. On meurt encore.

C'étaient donc les cinquante glorieuses.

Nous travaillions déjà dans le monde de l'incertitude et voici revenu le temps de la nouvelle saison Covid où les incertitudes seront encore plus incertaines qu'auparavant.

Sans traitement.

Bientôt les rhumes et les grippes pour lesquelles il faudra sortir sa RT-PCR et/ou les tests de détection de la grippe saisonnière. Les consultations à rallonge, les à la revoyure pour lire les tests et les interpréter. Et les interrogations existentielles sur ce qu'il faut faire, les conseils à donner, les quarantaines à décider, les arrêts de travail...

Sans compter les patients chroniques inquiets, qui est à risques, qui ne l'est pas...

Bientôt le temps de la vaccination contre la grippe saisonnière dont on connaît mal l'efficacité en milieu réel, en milieu communautaire, en milieu hospitalier, en milieu institutionnalisé.

On aura donc le patient vacciné contre la grippe saisonnière avec une symptomatologie évoquant une virose respiratoire dont la RT-PCR sera négative...

Le paradoxe de tout cela vient de ce que la majorité des médecins généralistes (mes statistiques sont aussi erronées que celles de l'InCa quand l'institut parle de dépistage de cancer du sein - cf. infra) prescrivait des antibiotiques (amoxicilline) en cas de grippe saisonnière ("en cas de surinfection" qui est l'équivalent médical du profane "cela va me tomber sur les bronches") et qu'ils respectaient plus (cf. supra : les seules statistiques auxquelles je crois sont celles que j'ai falsifiées) la consigne de non prescription d'azithromycine en cas de Covid-19 supposé pour d'obscures raisons qui nous ramèneraient à la saga des biais cognitifs.

Donc, imaginons le médecin communautaire moyen, en cas de virose, qui prescrira de l'amoxicilline en cas de RT-PCR négative et de l'azithromycine en cas de RT-PCR positive. Non, vous ne rêvez pas, c'est ce qui va se passer. Quant à celui qui ne prescrira rien il se fera engueuler parce qu'il n'aura prescrit que du paracétamol... 

On essaiera de se tenir au courant.

On essaiera de répondre aux questions des patients indécis, incertains, abreuvés d'informations contradictoires, ne sachant plus comment ne pas être coupables de mal porter son masque ou comment être fiers de bien le porter, coupables de ne pas savoir bien se laver les mains avec du gel hydro alcoolique ou fiers de le faire avec l'agilité d'un neurochirurgien...

On essaiera de se tenir au courant.

On essaiera de répondre à des questions pour lesquelles il n'y a pas de réponse...

On essaiera de répondre à des questions pour lesquelles il y a plusieurs réponses possibles.

On essaiera, surtout, de dire honnêtement "Je ne sais pas" à des patients incrédules à qui on avait seriné que la médecine pouvait tout, partout, tout le temps, quelles que soient les circonstances.

On va continuer de porter des masques en continu au cabinet, de gérer le stock, de porter des blouses, de passer du désinfectant un peu partout, de transiter de l'idyllique sécurité du monde développé sans défauts à la crainte d'un monde infecté (sans traitement).

Et, bien entendu, il y aura tous les sujets qui nous trottent dans la tête depuis des années et qui ne sont toujours pas résolus. Faute d'essais de qualité. La majorité de nos pratiques.

Bon automne à tous.



samedi 1 août 2020

Ramasse-miettes

By Yves Hirschfeld

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Covid-19 : les promoteurs de traitements farfelus désirent désormais bénéficier de l'immunité immorale.

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Covid-19 : Raoult (et Buzyn) bénéficieront-ils de l'immunité cellulaire ?

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Le podcast de France Culture "Avoir raison avec Judith Butler" (ICI) est passionnant. Il ouvre des perspectives étonnantes et remet en cause nombre de certitudes dans tous les camps (il me semble). Ouvrir des perspectives ne signifie pas être d'accord avec Judith Butler...

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La télé consultation est à la médecine ce que McDo est à la restauration : un pis aller lucratif et dangereux

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La différence entre la téléconsultation et McDo est la suivante : après une téléconsultation le patient a encore besoin de médecine, après McDo le mangeur n'a plus faim.

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Charles Bukowski est infréquentable (était infréquentable) mais c'est un écrivain génial. Voir LA.

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Les gouvernements doivent-ils continuer d'imposer le confinement pour freiner la progression de la Covid-19 ? Un Yes/No qui devrait être plus souvent pratiqué en France. 
Les arguments des deux intervenants sont intéressants à soupeser. 
Edward Melnick et John Ioannidis. ICI

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Le docteur Agibus pose une question saugrenue. Et il y répond. "Faut-il se rincer la bouche après s'être brossé les dents ?" LA


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Carl Heneghan et Tom Jefferson secouent les certitudes EBM sur les stratégies anti Covid-19.
La suppression du virus n'est pas un objectif atteignable, apprenons plutôt à vivre avec, proposent-ils.
Porter un masque est respectable mais dire que c'est évidence based est faux.

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En d'autres termes : porter un masque dans les lieux clos est une mesure de prévention si l'on envisage la physiopathologie et une mesure de précaution si l'on envisage l'épidémiologie


dimanche 5 juillet 2020

Grippe saisonnière et Covid-19 : un manque d'essais contrôlés coupable.


La grippe saisonnière existe depuis... 1917.

Le corps expéditionnaire américain se rendant en Europe a reçu un vaccin anti grippal en... 1944.

Mais le vrai début de la vaccination à grande échelle a commencé après la pandémie de 1968.

C'est en 1985 que la vaccination anti grippale est recommandée et remboursée en France chez les personnes de plus de 75 ans. Puis à partir de 70 ans en 1989 et de 65 ans en 2000. Sur des critères d'efficacité non démontrés encore actuellement.

Depuis lors la politique sanitaire de la France se résume à ceci : augmenter le nombre de personnes âgées vaccinées. La messe est dite : la vaccination anti grippale est efficace (même les années où le virus circulant en majorité ne fait pas partie des souches incluses dans le vaccin durant l'hiver 2014-2015)

Malgré les déclarations tonitruantes et l'argent dépensé, en l'état actuel des choses il n'est pas démontré que le vaccin anti grippal protège efficacement les personnes âgées (voir ICI) et que la vaccination des personnels de santé protège efficacement les personnes âgées institutionnalisées (voir LA)

On vaccine quand même : cela ne peut pas faire de mal, disent les autorités de santé et les médecins qui se fient à leurs croyances. 

Quant aux autorités, aux agences et aux officines gouvernementales dont le but n'est pas d'écrire des publications scientifiques mais de pondre des machins pour aller dans le sens du complexe médico-industriel, elles ont toujours surestimé de façon indécente à la fois les effets de la vaccination et le nombre de morts dû à la grippe saisonnière pour en demander toujours plus en termes de vaccination. On se rend d'ailleurs compte, en regardant les courbes de mortalité comparées avec les années précédentes que la grippe saisonnière ne tue pas tant que cela mais ce n'est pas une raison pour ne rien faire et ne pas mener des essais...



Donc, depuis 1917, aucune étude, à ma connaissance, n'a été menée de façon contrôlée 

(rappelons quand même que le premier vrai essai contrôlé en double-aveugle de la littérature mondiale a été publié en 1947 et concernait la streptomycine dans le traitement de la tuberculose... A ce propos, je rajoute ce commentaire d'un pneumologue qui se reconnaîtra et qui m'a affirmé que "si la streptomycine n'existait pas les pneumologues continueraient de pratiquer le pneumothorax artificiel pour traiter la tuberculose")

pour tenter de montrer que les mesures-barrières pouvaient être efficaces pour diminuer la morbi-mortalité de la grippe saisonnière.

Donc, depuis 1944, voire 1969, aucune étude contrôlée vaccin vs placebo n'a montré que le vaccin diminuait la morbi-mortalité de la grippe saisonnière. Mais plus encore : aucune étude n'est menée car, selon Big Vaccine, cela ne serait pas éthique puisque la croyance veut que le vaccin marche.

Et puisque le vaccin marche, pourquoi mener des essais sur les mesures-barrières ?

Il est vrai que les mesures-barrières, c'est pas sexy. Que cela ne ressort pas stricto sensu de la médecine mais de l'hygiène. Et l'hygiène, je veux dire les hygiénistes, n'a pas bonne presse. Les hygiénistes sont des empêcheurs de tourner en rond. 
Il ne faut pas confondre l'hygiène et les hygiénistes. L'hygiène, pour simplifier, c'est le tout-à-l'égout, le lavage des mains, le port de masques ou de gants en salle d'opération, l'eau courante, le ramassage des ordures, et cetera. Les hygiénistes, ce sont les gens qui prétendent à une société sans tabac, sans alcool, sans maladies vénériennes, sans drogues, et cetera et qui culpabilisent ceux qui s'y adonnent et sont prêts à tout pour y arriver...

Mais surtout, l'hygiène, les médecins ne veulent pas le reconnaître, pas plus que les industriels qui vendent des médicaments,  a sauvé plus de vie que la médecine sur le long terme (voir les travaux de McKeown LA). 

Ainsi, si dans le cas de la grippe saisonnière des essais randomisés avaient été menés concernant les masques, le type de masques, la distance de sécurité dans les lieux institutionnels de soin et dans la rue et dans les lieux de confinement, le lavage des mains, nul doute que, par prévention, en dépit du fait qu'il n'est pas clair que ces études auraient pu montrer des résultats conclusifs, nul doute que par précaution, le port du masque et les recommandations de distances de sécurité auraient pu être instituées plus tôt et auraient pu sauver des vies et désengorger les services de réanimation.

J'ai oublié qu'il n'y avait pas de masques. Mais, si des études de ce type avaient été faites pour la grippe saisonnière, tout le monde aurait eu des masques !

Ainsi, de telles études, sans compter des essais contrôlés concernant le confinement, et c'était possible, auraient pu sauver des vies dans le cas de la grippe saisonnière (depuis des années) et en auraient sauvé dans le cas de la Covid-19...

Au lieu de cela les médecins et les laboratoires se sont déchaînés sur des molécules théoriquement anti virales dont aucune, jusqu'à présent, n'a fait la preuve de son efficacité.

Des études, des études, des études...




Notes.

La lecture d'une recommandation d'experts sur la prise en charge des malades en réanimation en période de Covid-19 est stupéfiante par son manque de références bibliographiques : LA 

La lecture sur Wikipédia de l'entrée Comportements barrières est stupéfiantes : deux lignes sur les masques et le lavage des mains (ICI).

La vaccination contre la grippe des personnes asthmatiques ne montre pas plus d'effet significatif : ICI.

PS du 28/08/20 : un article véhément de Margaret McCartney sur la nécessité d'essais contrôlés pour les mesures non médicamenteuses contre la Covid : LA.



dimanche 21 juin 2020

La distanciation physique de 2 mètres est-elle fondée sur des preuves ?

Physical Distancing, Face Masks, and Eye Protection to Prevent Person-To-Person Transmission of SARS-CoV-2 and COVID-19: A Systematic Review and Meta-Analysis


Carl Heneghan et Tom Jefferson ont lu l’article de Chu DK et al publié le premier juin 2020 dans le Lancet (ICI), une revue systématique et une méta-analyse, dont les conclusions indiquent qu’une distance de 1 mètre et plus dans les lieux publics est justifiée pour éviter la transmission du virus.

Heneghan et Jefferson ont publié dans The Telegraph (LA) une mise au point concernant cette méta-analyse. Ils ont également adressé un commentaire aux auteurs et ils relatent à la fois leurs conclusions et ce qu’il est advenu de ces réflexions dans un communiqué paru sur le site du Center for Evidence-based medicine de l’université d’Oxford (ICI).

« Pour apprécier les mesures de distance rapportées dans la Figure 2 de l’article nous avons analysé les études SRAs et COVID-19 et avons découvert que nous ne pouvions reproduire les résultats rapportés pour 13 des 15 études…. Et nous en avons conclu qu’il n’existait pas de preuves scientifiques supportant la désastreuse règle des 2 mètres… Une recherche de maigre qualité a été utilisée pour justifier une politique dont les conséquences sont énormes pour tous. »

Les relecteurs externes (H et J) ont émis une «Expression of concerns » pour le Lancet.

Vous pouvez lire leurs commentaires, étude par étude : soit les données ont été « mal » extraites soit elles n’ont pu être reproduites. 

L’auteur de l’article du Lancet a répondu en joignant les commentaires des auteurs des articles incriminés.. 

Merci pour votre email. Nous avons fait le maximum pour répondre rapidement à vos demandes.

"Dear Carl and Tom,

Vous trouverez en attaché cette réponse relativement rapide. Nous avons eu plusieurs séances d'examen par les pairs à la fois dans le cadre de la soumission au journal et avec des collègues de l'OMS et nombre de ces problèmes ont été soulevés. Nous ne convenons pas qu'il existe de graves erreurs. De plus, nous pensons qu'il pourrait exister des erreurs et  des affirmations peu claires dans vos commentaires que vous pourriez vérifier -- nous expliquons cela dans la pièce jointe.


Cette démarche est tout à fait pertinente et va dans le sens d’une réponse rapide aux critiques émises de bonne foi et la rapidité des réponses est tout à fait étonnante et de bon aloi.
Cela nous paraît un progrès décisif dans le processus de contrôles scientifiques des publications.

La conclusion de Heneghan et de Jefferson est pourtant la suivante : 

« As experienced reviewers, we looked at the evidence and could not replicate the distance estimates reported in the Lancet paper. We now invite others to check the papers – most are open access – and share their assessments. we look forward to your comments
»
En tant que relecteurs expérimentés, nous avons regardé les preuves et n’avons pu reproduire les distances estimées rapportées dans l’article du Lancet. Nous invitons d’autres relecteurs à vérifier les papiers-- la plupart sont en accès libre-- et à partager leurs évaluations. Nous attendons avec impatience les commentaires. 


En conclusion (provisoire) : La décision d'une distanciation physique de plus d'un mètre (et a fortiori de 2 mètres) n'est pas fondée sur des preuves.

PS du 26 août : un article du BMJ sur la question : LA
(

jeudi 4 juin 2020

Accès aux urgences


L'accès aux urgences a longtemps été un sujet tabou et un lieu de discussion sans fin sur les raisons de cet accès libre et de ses conséquences.

Le docteur Mathias Wargon écrit beaucoup et il serait malvenu de lui reprocher de ne traiter aujourd'hui qu'un aspect du problème des urgences. Et sa contribution est la bienvenue.

Ce billet (LA) est important car il indique des pistes qui, jusqu'à présent, n'étaient évoquées que par les critiques non urgentistes des urgences.

Il est important car l'auteur aborde la question d'un point de vue ouvert sans oublier de pointer du doigt les défaillances du système et l'inadéquation fréquente des structures d'accueil.

L'accès aux urgences ou plutôt les raisons pour lesquelles les citoyens se rendent aux urgences ne sont pas toujours médicales ou, écrit MW, relèvent de la médecine ambulatoire ou de premier recours avec souvent des problèmes sociaux...

Oui.

L'accès aux urgences serait-il le reflet du fonctionnement de la société tout entière ? (1)

Oui.

MW nous indique que seulement 20 % des motifs de consultation ne seraient pas du ressort des urgences. Il se fonde sur un article récent de Naouri D et al. (ICI) Rappelons que 3 scores ont été utilisés pour juger de cette pertinence et que les résultats rapportent des pourcentages, respectivement de 23,6, 27,4 et 13,5 % La limitation de ce jugement : ce sont les urgentistes qui décident qui aurait dû venir et qui n'aurait pas dû le faire. Or, mon expérience personnelle de médecin généraliste, et nul doute que ces cas feraient partie des pourcentages sus cités, que lorsque je revois un patient au décours de son passage aux urgences, je me demande, je lui demande, ce qui lui a pris... Et les réponses : "Mais j'avais mal ! Mais je voulais savoir ce que j'avais ! Mais je voulais être rassuré..."

Naouri D et al. indiquent que la vulnérabilité sociale est importante pour le recours aux urgences. Tiens, ça tombe bien, ce sont les plus vulnérables socialement qui ont le plus de difficultés de santé...

MW n'omet pas de parler des conséquences financières pour l'hôpital de cette sur fréquentation des urgences. Mais nous serions tentés de croire, nous sommes bienveillants, qu'il s'agit plus d'un effet d'aubaine que d'une volonté délibérée.

Avant de proposer des solutions MW pointe le doigt sur un fait majeur et que peu abordent : l'accès aux urgences pour ce qui relève, selon les urgentistes, de la médecine ambulatoire est, je cite, catastrophique pour la bonne prise en charge du patient.

Oui.

Et MW n'omet pas de suggérer que la prise en charge en premier recours par un médecin de premier recours sera sans doute plus efficace de façon longitudinale.

Cela dit, les médecins généralistes qui prescrivent en leurs cabinets de médecine générale des médicaments et/ou des examens complémentaires, inutiles et/ou inappropriés dans des pathologies communes ne font souvent pas mieux que les urgentistes en transversal... Et vice versa.

Si je pouvais me permettre une incise : c'est un problème sociétal. Je ne développerai pas ici mes idées fixes sur le consumérisme médical, sur le zéro douleur, sur les indications d'examens complémentaires posées par le patient, sur le chantage juridique (si je ne le fais pas je vais avoir un procès)...  Et, du point de vue des médecins, sur le refus de l'incertitude qui conduit à l'excès de prescriptions...

Quand MW en arrive au chapitre solutions, je suis un peu plus circonspect. Car il ne parle que de l'amont. Les solutions qu'il suggère se situent toutes en dehors de son périmètre, c'est à dire la médecine de premier recours, comme si c'était aux urgences, c'est à dire les administratifs et les personnels de soin, de décider ce qui conviendrait le mieux aux libéraux... 

Il commence par proposer des solutions pour les patients insérés dans le parcours de soin mais, sauf erreur de ma part, il a écrit ailleurs que les maisons médicales de garde, cela ne marchait pas, et les autres solutions en sont au stade du berceau : téléconsultation, structures de soins non programmées avec plateau technique...
Mais, comme je l'ai écrit plus haut "mes" patients inscrits dans le parcours de soin vont aussi aux urgences en dehors des heures de bureau.

Quant à son paragraphe sur les exténués, les pauvres, les sans-papiers, les déshérités, n'est-ce pas un peu exagéré ? 

MW n'a pas envisagé l'adressage des patients aux urgences par le médecin traitant et la suite en ville. C'est un problème important car il devrait être une porte d'entrée pour une discussion loyale.

MW arrive dans la partie plus politique de son discours, politique au sens de la cité, je précise.

La mise en place d'un service d'accès aux soins (SAS).

C'est une tradition française, celle du millefeuilles : on rajoute aux structures existantes une autre structure sans supprimer les précédentes. Quant à la possibilité que des IDE et/ou des masseurs-kinésithérapeutes puissent être intégrés au processus, ce en quoi un médecin généraliste ne peut que souscrire par intérêt corporatiste (eh oui, en cette période de pénurie de l'offre, le corporatisme consiste à se défausser sur les autres, contrairement à une idée reçue) MW ne connaît pas les délais pour obtenir des séances de kinésithérapie et/ou la surcharge de travail et les horaires des infirmières libérales...

Cela dit, MW met les pieds dans le plat, il envisage enfin la possibilité d'une régulation de l'accès aux urgences, il reconnaît avoir changé d'avis, mais ne se rappelle pas combien il a agoni ceux qui le proposaient antérieurement.

Les CPTS, les communautés professionnelles territoriales de santé, lui semblent un outil adapté. Il suggère l'utilisation d'un mode de financement particulier et l'organisation de centres de santé, certes, et, à ma grande surprise, de structures positionnées à côté des urgences, solution qu'il avait fustigée à juste titre comme inefficace (voir les expériences menées à Manchester --Whittaker et al. LA -- et plus généralement en Angleterre -- Cowling TE et al ICI et LA).

Le problème de la médecine libérale de ville, c'est sa saturation.

Aucune étude ne montre que l'accès aux urgences est significativement amélioré (diminué) par le fait que les médecins généralistes réservent des plages d'urgences non programmées, ce que la plupart d'entre eux font depuis très longtemps.

Il n'y aura pas de solution miracle.

Ce billet de MW est très important car il suggère un revirement de stratégie : mais les urgentistes sont-ils convaincus de le comprendre ? En revanche, essayons d'organiser des rapports ville hôpital (et cliniques) plus sereins dans un respect mutuel (arrêtez de rire derrière mon épaule). La politique des petits pas est plus importante qu'une révolution qui ne surviendra pas d'un jour sur l'autre.

Dans tous les pays du monde se pose le problème de l'accès aux urgences.

Il y a sans doute une solution française ou plutôt des solutions adaptées à la France.

Mon expérience des urgences de spécialité, notamment en hématologie, m'a appris qu'une collaboration efficace ville hôpital est possible et bénéfique.

En me relisant je comprends qu'il y avait un million d'autres choses à dire. Ce sera pour une autre fois.


Note : 
(1) Il paraît évident de le penser. Sans parler de la misère sociale et sanitaire, il est possible de comparer selon les pays, et notamment pour les pays nordiques, le taux de consultation annuel par habitant qui, notamment au Danemark, est très faible...