mardi 8 août 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Art Institute of Chicago et une (grosse) surprise. 49

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Art Institute de Chicago et une (grosse) surprise.


Visiter ce musée en une heure et demie est sans doute l’expérience la plus douloureuse qui puisse arriver à des visiteurs qui ont un certain penchant pour l’art et qui souhaiteraient que les autres s’en rendent compte pour ajouter à leur réputation. Ils n’ont pas beaucoup plus de temps. Particulièrement Pierre Gers qui ne voudrait pas rendre Milstein fou d’inquiétude et de rage (il manie les émotions avec aisance) en arrivant au dernier moment avant sa présentation.

« Les stratégies de visites de musées sont sans doute un résumé métaphorique de l’état de la culture touristique mondialisée. » Voilà la phrase que vient de prononcer Hélène Benzolft dans le taxi qui les emmène à L’Art Institute.

« Hu hu hu. » répond Brébant qui, depuis le temps qu’il fréquente l’ASCO ne manque jamais d’aller y faire un tour pour assouvir un plaisir réel et pour se montrer à la hauteur de ses prétentions intellectuelles dans un milieu qui lui paraît, à tort parce qu’il l’a peu exploré, totalement dépourvu d’intelligence et de culture. Florence Maraval surajoute : « On a du mal à comprendre comment quelqu’un qui ne sait pas lire un protocole dans la spécialité qu’il pratique tous les jours pourrait comprendre le conflit entre Bonnard et Picasso… »

Il y a tellement d’œuvres, tellement de sections, tellement de salles que l’on pourrait rester trois jours entiers dans cette immense bâtisse sans épuiser le sujet. Hélène Benzolft a préparé une petite liste de quinze œuvres qu’elle n’a pas encore sortie de sa poche.

« On procède comment ? » Ils décident de partir en groupe, de ne pas se lâcher, il faut qu’ils prennent un taxi à midi et demi maximum… Si on se perd, on se retrouve à la sortie. La psychiatre avait plus que préparé son affaire et elle leur demande, sa petite liste dans la main, de lui faire confiance. Et ainsi, en cette belle matinée chicagoane, ils se baladent et voient, presque dans l’ordre, Night Hawks d’Edward Hopper, le fameux American Gothic de Grant Wood, quelques toiles classiques de Caillebotte, Monet, Degas, Cézanne, Braque ou Van Gogh (« On n’est quand mêmes pas là pour voir des Français… ») puis Pollock, de Kooning, Rothko (Brébant, pour une fois cela énerve Gers, ne peut s’empêcher de parler de la chapelle Rothko à Houston), Jeff Wall, Warhol, Lichtenstein et d’autres.

« Il serait temps de nous arrêter, nous avons trop vu de belles choses. » Ils conviennent aux paroles de Benzolft et elle ajoute : « Notre ami Brébant devrait faire un compte-rendu de cette visite dans Allo ASCO, il ferait certainement un tabac. Tout le monde rit quand, tout d’un coup, Pierre Gers pousse un cri. On se retourne sur lui. « Non, rien, je crois que je viens d’avoir une hallucination. » Qu’est-ce qui pourrait bien se passer ? « Il faut me croire : je viens d’apercevoir Cora Milstein… - Cora Milstein ? Qu’est-ce que c’est que cette connerie ? » Florence Maraval regarde Gers dont le visage est décomposé : est-il possible qu’il fasse un malaise ? 



(Pour reprendre Un congrès à Chicago depuis le début, c'est LA)

 


lundi 7 août 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Posters, Milstein, FDA, Benzolft, Art Institute. 48

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Posters, Milstein, FDA, Benzolft, Art Institute.


Après que chacun a rangé son matériel et ravalé sa morgue pour le peu de succès qu’autant d’efforts ont suscité, mais il restera une affiche, des photos et une légende de plus dans « Titres et travaux », chacun s’en retourne au quotidien du congrès qui déroule son ennui avec compétence. 

Gers et Brébant ont décidé de s’éclipser et de prendre le large avant la fameuse présentation de Milstein cet après-midi. Ils ont réservé des places pour 11 heures au musée et l’affiche qu’ils ont placée sur le stand du laboratoire pour informer d’éventuels suiveurs n’a rencontré que peu de succès.

Gers a eu droit à un nouvel appel de Milstein qui, tout patron de droit divin qu’il soit, pète de trouille à l’idée que sa présentation pourrait ne pas se passer comme il faut, c’est-à-dire pour entretenir sa propre gloire et non celle de la molécule qui doit sauver le monde. Il a donc convoqué une dernière fois son collaborateur, on ne dit pas esclave à l’AP-HP, pour une ultime répétition et ils refont le binz dans sa suite pour la énième fois pendant qu’Ursula fait beaucoup de bruit dans la baignoire et ne daigne pas se montrer.

Brébant est appelé par sa femme au milieu d’une réunion. Elle se plaint qu’il ne l’appelle pas assez souvent et elle lui parle, elle n’est pas médecin, de la rhinopharyngite de l’aînée pour laquelle un rendez-vous chez le pédiatre est prévue cet après-midi. Ladite réunion à laquelle Brébant participe avec des membres du staff franco-états-unien lui fait regretter d’être un humain tant la bêtise des uns se dispute à l’arrogance des autres mais il se persuade que ce n’est quand même pas pire que de pousser des wagonnets dans une mine de fer ouïghoure… La comparaison est nulle mais il est clair que tout le monde sait dans cette pièce que la FDA va se mettre en quatre pour permettre à la molécule Frick-Gers, il simplifie, d’obtenir une Emergency Use Authorization parce que la branche US a mis un paquet de dollars dans la poche des futurs votants…

Hélène Benzolft s’est jointe à leur escapade intellectuelle, une psychiatre membre de l’ASCO dont la double spécialité est de parler de la mort des malades aux oncologues et de leur propre mort aux malades traités par les oncologues. Dans les deux cas elle se heurte à un mur car les malades n’ont pas envie de mourir et les oncologues n’ont pas envie qu’on dise qu’il arrive que leurs malades meurent. Benzolft a énormément de succès : ses conférences abordent avec beaucoup de tact et d’humour des sujets qui ne font plaisir à personne et les thérapies de groupe qu’elle anime avec les patients dans le cadre strict de l’hôpital public sont réputées. Il lui arrive également, dans son cabinet du seizième arrondissement de Paris, immeuble haussmannien typique, parquet d’époque et boiseries dans le même métal, de recevoir des oncologues en thérapie avec une discrétion légendaire qui va jusqu’à ne pas prévenir les femmes des consultants et encore moins le Conseil de l’Ordre qu’elle couche souvent avec eux. Mais cela mérite un chapitre de plus.



(Pour lire depuis le début Un Congrès à Chicago : LA)


 

dimanche 6 août 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : La séance des posters. 47

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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La séance des posters.


La nuit a été courte pour tout le monde et Gers a eu droit à un traitement spécial. Edmée Vachon ne l’a pas lâché entre le restaurant et sa chambre, ils ont flirté un peu mais le brillant et jeune chef de clinique a prétexté une grande fatigue et une éjaculation précoce au restaurant pour se débarrasser de la directrice de l’IGR qui n’a eu que l’embarras du choix pour trouver un partenaire de récréation en deuxième choix puis il a téléphoné à sa femme, il était sept-heures et demie en France, puis, contre toute attente a reçu un appel interne de Florence Maraval qui lui a demandé s’il était dispos.

Les séances de poster sont désespérantes. Vous avez des gens qui auraient aimé faire une présentation en public et dont l’abstract n’a été accepté que pour une des sessions posters et qui se retrouvent à 7.30 am dans une salle tristounette avec cinquante autres personnes, le badge autour du cou, chacune plantée devant son panneau qu’ils ou elles ont eu un mal fou à faire étant donné les contraintes de temps et d’espace, certaines aidées par un service infographique de labo et d’autres non, attendant le chaland, voyant des chalands passer, ne pas s’arrêter, d’autres regarder et ne pas leur adresser un mot, découvrir un collègue qui vient leur faire un compliment dont il ne pense pas un mot, et enfin tomber sur un oncologue coréen qui détaille le poster comme s’il s’agissait d’une œuvre d’art ou de la découverte d’une molécule qui traite tous les cancers avec une seule injection mais qui pose des questions sans intérêt, ou cet autre cancérologue kazakh qui critique, qui ne cesse de critiquer et qui s’en va sans attendre de réponses, mais il y a aussi des cancérologues de n’importe quelle nationalité qui tournicotent et s’ennuient comme des rats morts au milieu de ces posters trop chargés, avec trop de couleurs, trop de lignes, trop confus, aucun chercheur ne sachant s’arrêter au bon moment, oubliant qu’il ne faut laisser passer qu’un ou deux messages, pas plus, que le reste est superflu. Ces posters qui s’entasseront au fond d’une cave dans tous les pays des cinq continents où il y a des cancérologues avec, dans 95 % des cas aucun article à la clé.

Heureusement que Pierre Gers, les paupières tombantes, est entouré, il peut répondre aux questions, faire l’article et satisfaire deux pelés et trois non tondues, Florence Maraval n’est pas loin, Brébant est venu faire un tour pour le féliciter, il y a aussi des traîne-patins, des mélancoliques, des épuisées, et des groupies, celles qui prennent des notes devant chaque poster pour jouer les intéressées, qui posent des questions anodines, Gers se fait un plaisir d’y répondre avec sa compétence habituelle, et, là-bas, dans un coin, toute seule, la jeune conquête de la Professeure Marie Carmichael, qui se morfond de n’avoir eu encore aucun commentaire et de s’être disputée la nuit dernière avec son mentor.

Le supplice n’est pas fini : il faut encore attendre que le panel de la session poster vienne faire un tour, s’arrêter devant chacun ou chacune, car il y a un prix à la fin, le meilleur poster sur la protéine JaWs71, qui est déjà décerné mais qu’ils font semblant de choisir.



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vendredi 4 août 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Florence Maraval est en grande forme. 46

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Florence Maraval est en grande forme.


Gers et Brébant sont assis l’un à côté de l’autre, Edmée Vachon à la droite de Gers, Florence Maraval et Sophie Branus leur faisant face. Le dîner est en train de commencer. Maraval a certes déjà bu un verre de trop mais elle a aussi décidé d’entrer dans le lard d’Edmée Vachon non pour des raisons sexuelles mais pour des raisons scientifiques.

« Je suis fascinée par l’ambiance de liberté qui règne dans ce congrès » annonce-t-elle avec emphase. « Explique. » Elle (regardant Vachon et Branus et se moquant du menu fretin) : « L’argent promotionnel englouti dans cette grand-messe annuelle qui ressemble à un pèlerinage à Lourdes avec visites de la grotte, vue de la Vierge, la buvette d’eau sacrée, est impressionnant. Avec des résultats phénoménaux : le chiffre d’affaires de Big Onco ne cesse d’augmenter, la majorité des professionnels croient de plus en plus à la Révélation du progrès, de l’amélioration de l’espérance de vie des patients, de l’exceptionnelle efficacité de la recherche, bla-bla… D’ailleurs, si je mange se soir avec vous c’est grâce à toutes ces croyances. Vachon : « Croyances ? Comme vous y allez ! » Maraval continue : « La différence vient de ce que les pèlerins qui viennent à Lourdes espèrent leur propre guérison alors que les pèlerins de Chicago espèrent la guérison de leurs malades, ce qui n’est pas tout à fait la même chose… Bref, la grand différence, c’est aussi que des gens comme David Semiov ou Brent Marshall, mais d’autres encore comme Fallahi ou Davies peuvent s’exprimer sans problèmes et exposer leurs doutes… Imagine-t-on des laïcs anticléricards interrompre la messe au Sanctuaire de Lourdes ? – Ou (intervient Gers à-propos) Jean-François Huard faire un exposé ou interrompre un exposé au Sanctuaire de Notre-Dame de Villejuif ? » 

Edmée Vachon lui fait les gros yeux tout en continuant de lui caresser gentiment le sexe avec sa main… Maraval (qui n’a rien remarqué) : « Imagine-t-on en France une telle liberté de ton, imagine-t-on qu’à l’IGR ou à l’INCa des intervenants puissent tenter de critiquer la doxa des essais cliniques et des théories toutes faites sur le dépistage… - Nous avons affaire à une complotiste… -N’est-ce pas ? – Au lieu de vous moquer, comment comprenez-vous cette différence entre les States et chez nous ? – Le premier amendement ? – Hum. – N'est-ce pas parce que le nombre de centres de cancérologie dans tout le pays garantit aux oncologues de toujours pouvoir travailler et de ne pas être ostracisés et privés d’essais cliniques bidons par exemple ? – T’y vas fort... Le système français est bien rôdé : il existe une alliance très forte entre le pouvoir politique, l’Académie de médecine, les agences gouvernementales et l’industrie… - Complotisme, complotisme… » Edmée Vachon : « Vous pensez vraiment que l’oncologie française est une dictature ? » Florence Maraval : « Oui ». Sophie Branus jette les yeux au ciel. « Ce n’est pas possible d’entendre des choses pareilles… »

Il est temps de boire et de manger rincés et rincées par Big Onco.



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jeudi 3 août 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : La patiente-experte. 45

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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La patiente-experte.


La directrice des opérations extérieures a compris que Marylène Beauregard n’était pas en grande forme. Elle s’approche d’elle, lui demande si ça va, l’autre fait oui de la tête, mais Annie Ferchaux fait ce qu’il faut : elle l’emmène vers les toilettes.

« Je suis désolée.

- Tu es désolée de quoi ?

- De ne pas me sentir bien.

- Nous avons fait beaucoup de choses depuis notre arrivée, le décalage horaire, les invitations, les restaurants, les sessions, les interviews… Il faut te reposer un peu. Tu es toujours sous Tamoxifène ? »

Les deux femmes se connaissent bien. Cela fait six ou sept ans que Marylène Beauregard, une solide femme de soixante-et-un ans que la maladie n’a pas détruite et que tout le monde peut considérer comme guérie de son cancer du sein, s’est engagée dans le combat pour l’aide aux femmes porteuses de ce cancer. Elle a créé une association avec trois « collègues » rencontrées à l’Institut Gustave Roussy, une association qui a eu du mal à démarrer, peu de compétences administratives pour les quatre femmes, peu de compétences informatiques pour créer le site et un sentiment d’abandon. Puis est arrivée Annie Ferchaux, par l’intermédiaire de l’Institut, une Annie Ferchaux droite dans ses bottes, honnête et consciencieuse, une pharmacienne de l’industrie reconvertie dans les relations publiques, qui a décidé d’aider l’association, Femmes avec le cancer du sein, connue désormais comme la FACC. Beauregard s’est investie parce qu’elle avait besoin qu’on les aide et Ferchaux lui a permis de faire de la publicité, de créer un site, de former un Comité scientifique, d’attirer des dons et notamment de la firme et de fréquenter les congrès. Elle et ses collègues avaient besoin de cela pour survivre. Elles avaient besoin de cela pour comprendre leur maladie, pour l’expliquer aux autres et pour que toutes ces femmes ne se sentent pas isolées psychologiquement et financièrement. Le succès de l’affaire a suscité des convoitises mais a surtout entraîné des vocations. Tant et si bien que la FACC est devenue un modèle et une grosse structure. Ce soir elle a décidé d’arrêter.

Elles sont sur la terrasse balayée par le vent.

Beauregard : « Tu sais, je suis fatiguée, je crois que j’ai fait le boulot, créé l’association, délégué à d’autres, je suis devenue patiente-experte, enseignante à la fac, j’ai bourlingué partout dans les congrès, mais ce soir, en voyant tous ces Messieurs trop sérieux, j’ai saisi que ma place n’était plus là, que je devais arrêter de me balader comme une marionnette de plateaux télés en estrades de facs, je vais me concentrer sur ma guérison… - Tu abandonnes ? – Non, je laisse la main à d’autres… Je me concentre sur moi-même, je prends ma retraite du cancer du sein… Je ne suis plus patiente donc je ne suis plus experte. – Tu ne veux pas retourner dans la salle ? – Si, je recommence à avoir faim. » 



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mercredi 2 août 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Le Dîner des Présidents. 44

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Le Dîner des Présidents.


La Firme X a organisé en ce samedi soir le fameux Dîner des Présidents. En vue du lancement prochain en France d’une molécule qui va révolutionner la prise en charge des cancers du sein métastasés réfractaires à deux premières lignes de traitement, une molécule adjuvante pour laquelle la FDA a déjà donné son feu vert et un prix pharamineux qui laisse pantois les Européens et a fortiori les pays à faibles revenus qui ne pourront jamais se l’offrir. Tout le gratin de la cancérologie française est réuni. Le gratin sénologique s’entend. 

L’industrie du sein, appelons-la comme cela pour simplifier et pour provoquer, comprend, par ordre alphabétique (il ne faudrait pas faire de jaloux) : les cancérologues médicaux, les chirurgiens généralistes oncologues et non-oncologues, les directeurs de banque, les PDG d’Estée Lauder et d’autres firmes partenaires, les fabricants de molécules, de matériels de soins, les CEO de fonds de pension, les gynécologues médicaux, les gynéco-obstétriciens oncologues et non-oncologues, les journalistes médicaux comme de la presse grand public, les marchands de scanners, d’IRM et de PET-scans, les médecins nucléaires, l’association des patientes porteuses d’un cancer du sein, les pharmacologues, l’association Pink Ribbon (Etats-Unis et reste du monde), les radiologues scannerologues et/ou IRMologues, les radiothérapeutes, les… 

On a dû oublier quelques professionnels qui ne vont pas manquer de se sentir frustrés.

« Nous sommes réunis ici », commence le directeur médical de la firme X « pour espérer pour nos patients que le sénométastasokillermab va bientôt être commercialisé en Europe et en France. Nous sommes tous réunis ici pour vous remercier, les uns comme les autres, ceux qui ont participé activement aux essais cliniques comme ceux qui les ont favorisés, d’avoir œuvré pour cette innovation fondamentale qui va constituer un progrès décisif pour toutes ces femmes pour lesquelles nous ne pouvions plus rien proposer et qui allaient mourir… » On attend les larmes mais le nombre de vieux et de vieilles crocodiles réunies dans cette salle de restaurant située au dernier étage du Hancock CenterThe Signature Room, et dont la vue panoramique est à couper le souffle fait que les larmes sont sèches. Sans doute le vertige.

L’orateur reprend : « Au moment où la médecine, l’industrie pharmaceutique et des matériels sont attaqués de toute part par les instances réglementaires comme par les gouvernements, il est agréable de penser pour les patientes dont toutes et tous vous occupez à des degrés divers que les efforts de tous et de chacun ne sont pas vains et que les progrès d’espérance de vie qui ont été constatés dans l’essai-pivot du sénométastasokillermab profiteront largement à toutes ces malades pour lesquelles il ne restait que peu d’espoir de survie. »

 Toujours pas de larmes. La journée a été dure pour tous les congressistes. Ils ont faim. La vue est magnifique. Cela fera des souvenirs. A peine remarque-t-on que la patiente experte invitée est pâle et qu’elle réprime ses envies de vomir…



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mardi 1 août 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Milstein répète. 43

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Milstein répète.


Dans la chambre de Milstein (et d’Ursula). Ce n’est pas une chambre mais une suite. Il y a de la place. Il est temps de répéter pour la présentation de demain. Il est prévu que Milstein fasse un filage en présence du directeur médical US de la firme et du directeur médical de la division Europe, un Français, et de deux médecins produits, un États-unien et un Anglais. Gers n’a bien entendu pas dit à son patron et encore moins au parasite B. qui est là pour s’épater la galerie que les questions embarrassantes et les réponses ad hoc ont été rédigées par Brébant (contrairement à toute éthique professionnelle). Avec ses airs de médecin mondain qui emmène sa maîtresse en congrès, Milstein assure, il parle de façon fluide dans un anglais très accentué (quand arrivera-t-il à se débarrasser des accents toniques sur les finales ?) mais son problème est celui de la compréhension des questions venues de la salle tant les intervenants mettent un point d’honneur à jouer de leur langue maternelle sur les non natifs. Gers se tiendra sous le pupitre pour lui souffler la traduction.

Tout se passe bien, les deux écrans sont synchrones, pas trop chargés et Milstein regarde à peine ses notes. Arrive le moment des questions et les deux États-uniens, malgré leur infinie arrogance anglo-saxonne, conviennent que le boulot de Gers a été bien fait. Quant au directeur médical anglais, fort de sa compétence moyenne et de son humour ravageur, il pose deux ou trois questions sans intérêt indiquant qu’il travaille moins les dossiers qu’il ne devrait le faire. L’ordinateur contient la présentation sauvegardée et la clé USB a été dupliquée pour que rien de désagréable ne puisse se passer juste avant le show. Une faute de frappe est découverte sur l’écran 22 L malgré les trop nombreuses relectures et c’est ce crétin de B. qui la remarque. Nul doute qu’il vient de marquer un point majeur pour sa future nomination.

« Il serait peut-être temps d’aller manger ? »

C’est la firme qui régale mais Gers décline… Il était convenu, malgré l’heure tardive qu’il aille retrouver Brébant et Maraval au restaurant de leur hôtel. Un point de moins pour sa future nomination et Gers, qui n’a pas osé affronter le regard d’Ursula, ce genre de femmes l’intimide, a encore aggravé son cas. Berson, le directeur médical US, a pourtant noté deux choses dans son esprit : le Frenchie est sympa et compétent, il serait peut-être utile de l’intégrer dans le team expert mongering.

La soirée va être compliquée : Gers rejoint le restaurant où ses collègues ont déjà commencé à s’alcooliser. Il y a Brébant qui sort d’une réunion où le niveau de graissage de pattes des experts FDA a été décidé par la Firme M***, il y a Sophie Branus qui a décidé de ne pas lâcher Brébant après la nuit qu’ils ont passée ensemble, Edmée Vachon qui ne lâche pas Gers pour ses activités nocturnes, deux autres types sans intérêt, des cancérologues de province à l’esprit carabin affiné et Florence Maraval que Gers préfèrerait à Vachon. Tant qu’à faire. 



(Pour lire depuis le début, c'est ICI)