![]() |
Gwenaël Miliner |
Madeleine (c'est un nom d'emprunt) est assise à côté de moi sur une terrasse ensoleillée et nous buvons deux cafés courts.
Nous étions convenus de faire une petite balade, une courte balade, car Madeleine (toujours un nom d'emprunt et peut-être un genre d'emprunt) souffre d'un cancer qui vient d'être diagnostiqué et opéré.
Je me rends compte qu'elle m'a convoqué pour cette balade car elle doit recevoir cet après-midi les résultats du scanner qui doit renseigner une fois de plus sur les risques d'autres localisations.
Je suis abasourdi.
Comment est-ce possible ?
Comment une patiente peut-elle recevoir en direct sur son smartphone, c'est à dire sans filtre, sans assistance, sans médecin, un compte-rendu qui indiquera peut-être une extension de sa maladie et des conséquences sur son traitement, sur son avenir, sur sa qualité de vie, sur son espérance de vie ?
Comment est-ce possible ?
Est-ce cela la transparence, l'information éclairée des patientes, la procédure patiente centrée, le respect des malades ?
Je suis pétrifié.
Quand le message arrivera, que se passera-t-il ? Que devrais-je faire ? Devrais-je mentir ? Je ne connais pas vraiment le dossier puisque je n'ai parcouru que des comptes-rendus, je n'ai fait que de l'air médecine...
Nous parlons de choses et d'autres pour meubler le temps, pour nous distraire de cette terrible réalité qui va arriver par message électronique, ce constat pixélisé, interprété, mâché, vrai ou faux, sur un écran de smartphone... La médecine moderne, le nouvel entretien singulier entre le soignant et le soigné sur un écran...
Elle consulte sa messagerie toutes les trois minutes et elle finit par me dire : ça y est, c'est arrivé.
Elle me tend le téléphone. "Je n'ai pas le courage."
Je ne réponds pas "Moi non plus" mais je le pense très fort.
Je lis pour moi-même le compte-rendu en ne sachant pas si je dois aller vite ou lire dans les détails, en me sachant scruté par mon amie...
C'est rassurant de chez rassurant, pas de saloperie dans le cerveau, le poumon, l'abdomen, et cetera.
"Tout va bien !"
Elle reprend son téléphone et se met à lire. "Et le petit épaississement sur la paroi du colon..." J'avais lu mais aux yeux d'un presque profane, cela me paraissait non pertinent.
"Tu peux être rassurée."
"J'avais tellement peur qu'il y ait quelque chose..." (Je ne dis pas : Et moi ! Comment aurais-je assumé ?) "Je suis tellement contente..."
La chimiothérapie va pouvoir commencer (elle était prévue quels qu'aient été les résultats du scanner et après que le TEP scan avait été négatif).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire