dimanche 10 mai 2009

GRIPPE MEXICAINE VUE DE LA MEDECINE GENERALE : UN FIASCO

Madame Bachelot n'y est pour rien mais la gestion de cette minicrise porcino-mexico-grippale A a été un fiasco total du point de vue de la médecine générale et des médecins généralistes.
Madame Bachelot n'y est pour rien car elle est au sommet (instable) d'une pyramide où la bureaucratie se dispute à la lutte d'influences et aux conflits d'intérêt multiples et variés.

Les médecins généralistes ne sont pas la cinquième roue du carrosse : ils n'existent pas. Pour les observateurs avertis du fonctionnement institutionnel de la médecine française ce n'est pas une nouveauté mais cela mérite que l'on s'y arrête une nouvelle fois.

Il ne s'agit pas de savoir si Madame Bachelot sait, en théorie, qu'il y a des gens qui s'appellent médecins de première ligne en France, il s'agit seulement d'analyser les faits. Les médecins généralistes sont considérés comme quantité négligeable et insignifiante.

Je ne reviendrai pas sur le fait que les médecins généralistes ont de lourdes responsabilités dans cette affaire (en ne revendiquant pas un statut scientifique mais un statut social) mais je me placerai simplement sur le plan de la Santé Publique. Car Madame Bachelot doit s'occuper de Santé Publique, pas seulement de Gestion Médiatique de la Crise.

Les grincheux et les rigolards ont beau jeu de se gausser du fait que la pandémie annoncée n'était qu'une tempête dans une tasse de thé et de s'indigner du tapage médiatique générateur de peur. que les pouvoirs publics ont engendré. Heureusement que la pandémie s'est éteinte ! Dans le cas contraire les grincheux et les rigolards auraient changé leur fusil d'épaule en parlant d'impréparation, de gabegie, de médiocrité de la puissance publique. Mais c'est maintenant qu'ils doivent s'interroger sur les manques de la politique publique et sur leurs propres insuffisances.

Madame Bachelot, vous êtes le chef d'un bordel bureaucratico-administratif qui pourrait faire les délices d'une analyse de cas dans une école de management.

Qui contrôle qui ? Qui contrôle quoi ? Qui est le chef ? Le Ministère de la Santé ? La DGS ? L'INVS ? Les structures locales ? Le Préfet de Région ? Le Préfet de Département ?
Qui donne des consignes ? Qui informe ? Qui connaît l'ordre des priorités ? Qui connaît les intermédiaires ? Qui connaît les correspondants ? Qui sait par quelle voie il est possible de joindre les soutiers de base, i.e. les médecins généralistes et, plus généralement les professionnels de santé ? Qui s'est préoccupé des infirmiers libéraux, des kinésithérapeutes, des pharmaciens, des orthophonistes, des ambulanciers, des brancardiers et autres secrétaires de cabinets médicaux ?

J'ai donné ici des exemples d'interventions multiples et variées au niveau des médecins généralistes qui montraient l'impréparation ministérielle tant intellectuelle que logistique.

Le médecin généralistes est informé par
  1. La presse grand public : les communiqués de presse précèdent les informations destinées au corps médical
  2. Le Ministère de la Santé
  3. La Direction Générale de la Santé par le biais de ses messages DGS-Urgent que seuls reçoivent les médecins abonnés
  4. L'institut National de Veille Sanitaire
  5. Le Ministère de l'Intérieur et l'ineffable Madame Alliot-Marie
  6. Le Conseil de l'Ordre qui relaie (?) les informations avec un délai de quelques jours
  7. Le centre 15, s'il l'appelle
  8. La DASS, s'il en connaît l'existence.
  9. Les professeurs qui s'expriment ici et là sur les ondes en racontant tout et n'importe quoi.
  10. La presse médicale dont l'incompétence ne fait plus aucun doute.
  11. Les Autorités préfectorales.
Le médecin généraliste, chère Madame Bachelot, ne sait pas quand il recevra des masques, quand il disposera de tamiflu, où seront situés les centres de consultation, dans quelle mesure il sera réquisitionné, s'il le sera.

Existe-t-il dans votre entourage, chère Madame Bachelot, un seul médecin généraliste pratiquant pour vous donner son avis ? Savez-vous que les médecins de première ligne seront vraiment en première ligne si les cas se multiplient, que le SAMU sera très rapidement débordé, que les hôpitaux itou, et les services de l'Etat décimés, non par la grippe elle-même mais par la désorganisation intense qui existe en dehors de toute crise et quand il y a à peine dix cas sur le territoire français (treize à l'heure où j'écris) ?

Les médecins généralistes seront en première ligne et pour quoi faire ? Pour attraper la grippe ?

Quelques conseils, Madame Bachelot :
  1. Décidez une fois pour toutes qui fait quoi et quoi fait qui.
  2. Communiquez de façon unique afin que le message ne soit pas brouillé.
  3. Suivez les consignes qui ont été édictées avant que l'épidémie ne se déclare : Plan Grippe Aviaire, et n'en bougez pas.
  4. Respectez la hiérarchie de l'information : prévenez d'abord la corps médical puis le grand public. Prévenez tous les médecins et pas seulement les experts et les universitaires. N'oubliez pas les professionnels de santé.
  5. Tirez les leçons de cette expérience : nous ne sommes pas prêts et les médecins généralistes pas plus que les autres.
  6. Créez un fichier de tous les médecins de première ligne afin qu'ils puissent être prévenus directement et non par l'intermédiaire de corps inutiles pour la gestion d'une telle crise comme le Conseil de l'Ordre des Médecins...
  7. Simplifiez les circuits décisionnels afin que le site Théodule ne communique pas en même temps que le site Trucmuche, sachez qui est responsable de quoi et qui contacter quand il est nécessaire d'obtenir une information rapide.
Sachez, chère Madame Bachelot, que les médecins généralistes sont avides d'informations, capables de comprendre et sont les premiers à parlers aux patients / malades pour les informer et les rassurer.

La médecine générale existe : je la pratique tous les jours.
J'ai un cerveau, deux pieds, deux mains, un coeur mais je n'aime pas qu'on me prenne pour un con.



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