vendredi 9 juin 2023

Un congrès à Chicago (ASCO ou American Society of Clinical Oncology) : Pierre Gers, la conjuration des imbéciles et l'industrie. 4.

 

Un congrès à Chicago (ASCO 2023)

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Pierre Gers, la conjuration des imbéciles et l'industrie.



Gers est un grand dissimulateur : il voit beaucoup de crétins autour de lui et fait semblant de ne pas les remarquer. Il côtoie des débiles avec des titres ronflants et se permet de ne pas les contredire ou de le faire avec souplesse et intelligence en tentant toujours de se mettre en valeur et de flatter les puissants. Il est avant tout compétent, avenant, et évite de faire des réflexions en privé qui risqueraient, les mauvaises langues sont légion, de devenir publiques et de nuire à son trajet semé d’embûches jusqu’à son but final, l’agrégation. Car Gers, parce qu’il connaît son sujet et qu’il est gosse-beau, suscite les jalousies, les jalousies des incompétents comme celles des plus doués. Outre ses qualités d’auteur, il est l’un des meilleurs faiseurs de littérature scientifique de la place de Paris, il est au courant de tout ce qui est publié, de tout ce qui est annoncé et sa fantastique mémoire lui permet, à la seconde et sans consulter ses notes ou son portable, de rappeler à un interlocuteur un peu moins professionnel que lui que le taux d’amélioration de la PFS est en moyenne de 32 % pour le produit A et de 37 % pour le produit B. 

Il s’amuse, mais il finira bien par cesser de s’en amuser, de constater combien ses collègues sont de gros feignants qui comptent sur lui et sur d’autres pour glaner des informations qu’il suffit de ramasser sur le web ou en feuilletant les revues en ligne. Il a compris depuis longtemps que la compétence médicale ne se mesure ni au lit du malade par des qualités diagnostiques, ni par l’intelligence des raisonnements ou des propos, mais par la pure politique de la vénération des chefs et de l’appartenance à des réseaux. On dira que ce mode de promotion et les injustices qu’il génère n’est pas réservé au milieu hospitalier et qu’il règne partout ailleurs, mais convenons, sans faire de morale à deux sous, qu’il s’agit quand même de la santé des gens et qu’il doit bien y avoir un moment où la conjuration des imbéciles a un retentissement sur la qualité des soins. A moins, et c’est une théorie répandue, que le système soit plus fort que les individus, que la complexité des interactions entre les différents rouages de l’institution, ici hospitalière, et son immersion dans une société tout aussi complexe qui interfère avec elle, soit plus fort que la qualité des membres du système, les humains en quelque sorte, qu’ils aient moins d’effets, le professionnel consciencieux contre le pourri paresseux, pour transformer ou améliorer les choses.

Gers n’est pas non plus dupe sur le rôle de l’industrie. Il sait que pour réussir il doit accepter la corruption des voyages transatlantiques en business, des hôtels quatre étoiles, des grands repas dans les meilleurs restaurants de France et de la planète, mais aussi les conférences pour délivrer la bonne parole à Paris comme à Clermont-Ferrand ou à Nice, et, surtout, on en parlera dans l’avion, accepter les modifications de données ou leur suppression pour que les résultats des études auxquelles il participe soient positifs.

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